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Biden ou Trump ? Le sort de l'élection présidentielle américaine de mardi se jouera très probablement dans cinq États clés : la Pennsylvanie, le Michigan, le Wisconsin, la Géorgie et la Floride. En 2016, trois de ces États avaient fait basculer l'élection en faveur de Donald Trump. Décryptage.

Donald Trump, qui cherche à se faire réélire, s'est adjugé la présidentielle de 2016 en faisant basculer les États du Michigan, du Wisconsin et de la Pennsylvanie, trois bastions du "mur bleu”, la couleur des démocrates, qui les pensaient pourtant acquis à leur cause.

Ce tour de force lui a permis de remporter la majorité qui compte, c’est-à-dire celle du "collège électoral", alors même que sa rivale Hillary Clinton avait récolté plus de voix que lui au niveau national.  Une victoire qui s’explique par la règle du "winner takes all" (le vainqueur rafle tout) qui s’applique dans 48 des 50 États, dont le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie.

Ainsi, sur les 120 millions de votes comptabilisés en 2016, 100 000 d’entre eux ont décidé du résultat de l'élection. Focus sur cinq des États clés en jeu dans la course à la Maison Blanche de 2020.  

  • Pennsylvanie

L'État natal du candidat démocrate Joe Biden, la Pennsylvanie, est le plus grand des trois anciens États du "mur bleu". Les villes de Philadelphie et de Pittsburgh ont traditionnellement tendance à voter démocrate dans de larges proportions, tandis que les zones rurales penchent fortement vers les républicains.

Historiquement, les démocrates ont eu tendance à devancer le GOP (Grand Old Party, le nom officiel du parti républicain) parmi les électeurs blancs de la classe ouvrière de l'État. Toutefois, lors de son écrasante victoire à la présidentielle de 1984, le républicain Ronald Reagan avait remporté un grand nombre de suffrages émanant de ces électeurs — surnommés les "Reagan Democrats", notamment de ceux qui vivent dans les zones rurales.

Son successeur issu du même bord, George H. W. Bush, a lui aussi réussi à séduire cette frange d’électeurs quatre ans plus tard. Mais de la victoire de Bill Clinton en 1992 à la réélection de Barack Obama en 2012, les démocrates ont toutefois réussi à gagner suffisamment de voix au sein de la classe ouvrière blanche pour conserver la Pennsylvanie dans leurs escarcelles grâce à la règle du "winner takes all".

La donne a changé lors des élections de 2016. Donald Trump l’a très largement emporté dans les zones rurales et conservatrices, avec des chiffres records. Il a également fait basculer dans son camp les zones ouvrières majoritairement blanches et traditionnellement démocrates — comme les comtés d'Erie et de Lucerne, deux zones post-industrielles dans cet État clé de la Rust Belt (ceinture de rouille).

Si l'on en croit les derniers sondages, cette fois, il est probable que les cartes soient à nouveau rebattues. Joe Biden compte 4 points d'avance en Pennsylvanie, selon un agrégat de sondages publié, dimanche, par RealClearPolitics. Les chiffres dans la banlieue de Philadelphie — le type de territoires habités par des électeurs appartenant à la classe moyenne supérieure qui avait été décisive pour Ronald Reagan — semblent particulièrement mauvais pour Donald Trump. En effet, un sondage NBC/Marist réalisé en septembre a montré que Joe Biden était en tête avec une énorme avance de 28 points.

Cependant, certaines données indiquent qu'après avoir prédit à tort une victoire de Hillary Clinton en 2016, de tels sondages pourraient être trompeurs.

Lorsqu'il a été demandé aux électeurs de Pennsylvanie qui remporterait l'État lors d'un sondage à Monmouth en juillet, Donald Trump est arrivé en tête avec un point d'avance. Dans le même sondage, 57 % ont déclaré qu'ils pensaient qu'il y avait des électeurs "secrets" du milliardaire républicain dans la région.

Le programme de campagne des deux candidats, dans la dernière ligne droite avant l’élection, montrent à quel point ils considèrent cet État comme crucial. Donald Trump a organisé quatre rassemblements en Pennsylvanie, le samedi, et y reviendra ce lundi, dernier jour de la campagne. De son côté, Joe Biden s’est rendu à Philadelphie dimanche. L’équipe de campagne de l’ancien vice-président a déclaré que lui et sa colistière Kamala Harris sillonneront "les quatre coins" de l'État lundi. Joe Biden fera ensuite campagne dans l'Etat-clé de Pennsylvanie le jour de l'élection.

  • Michigan

Le schéma électoral du Michigan ressemble en grande partie à celui de la Pennsylvanie : de nombreux électeurs qui avaient penché en faveur de Ronald Reagan en 1984 ont rebasculé vers les démocrates, qui se sont alors systématiquement adjugé l’État à chaque élection présidentielle entre 1992 et 2012, jusqu'à ce que Donald Trump s’impose en 2016.

Là aussi, les sondages prédisent que Joe Biden va de nouveau teinter de bleu cet État. Selon les calculs de RealClearPolitics, il compterait 7 points d'avance sur le président républicain. Il semble être plus en adéquation avec la base démocrate du Michigan que ne l'était Hillary Clinton en 2016.  Lors des primaires, en mars dernier, Joe Biden y a battu Bernie Sanders, alors que le sénateur du Vermont, très marqué à gauche, avait lui-même battu Hillary Clinton en 2016. Un sondage EPIC-MRA réalisé en juin a donné à Joe Biden jusqu'à 16 points d'avance sur Donald Trump.

Cependant, la représentante démocrate du Michigan Debbie Dingell — qui avait mis en garde l’équipe de campagne de Hilllary Clinton en la prévenant qu'elle y serait en difficulté en 2016 — a déclaré à The Atlantic que ce dernier sondage était "une connerie".  Elle a déclaré qu'elle "voyait apparaître beaucoup de signes en faveur de Donald Trump".

Cependant, Debbie Dingell a également confié que Joe Biden était en meilleure posture que Hillary Clinton "parce que Joe est plus proche des travailleurs", soulignant que "beaucoup de gens ont pris à cœur le fait que la candidate ait utilisé le mot "déplorables" pour qualifier les partisans de Trump et ont eu l'impression qu'elle les "prenait de haut".

Comme en Pennsylvanie, les deux calendriers de la campagne 2020 ont démontré l'importance de ce "swing state". Joe Biden y a tenu un rassemblement samedi, flanqué de l'ancien président Barack Obama. Donald Trump a, quant à lui, organisé un rassemblement "Make America Great Again Victory Rally" dans le Michigan vendredi. L'épouse de Joe Biden, Jill Biden, et les enfants de Donald Trump, Eric et Tiffany, y ont tous fait campagne jeudi.

  • Wisconsin

En 2016, Donald Trump est devenu le premier candidat républicain à battre son rival démocrate dans le Wisconsin depuis 1984. Là aussi, la clé de la victoire était entre les mains des électeurs blancs de la classe ouvrière qui ont basculé du camp démocrate vers les républicains. À l’instar de l'ensemble des États-Unis, la base du Parti républicain est concentrée dans les zones rurales du Wisconsin, tandis que les bastions démocrates sont dans les zones urbaines, notamment dans la plus grande ville de l’État, Milwaukee, et la capitale et centre universitaire, Madison.

Selon les sondages, les électeurs des banlieues aisées qui ceinturent les grandes villes américaines semblent vouloir se débarrasser de Donald Trump. Mais certains d’entre eux suggèrent que les banlieues de Milwaukee pourraient être une exception, un sondage de la Marquette Law School, publié début septembre, plaçant le président sortant 10 points devant son concurrent. 

En 2016, Donald Trump était venu à cinq reprises faire campagne dans le Wisconsin après les conventions de son parti. De son côté, Hillary Clinton, qui n'avait pas fait campagne dans cet État durant la même période, a expliqué par la suite que son équipe avait été comme "prise par surprise" dans cet État.

Dans l'ensemble, les calculs de RealClearPolitics offrent à Joe Biden une avance de 6 points dans le Wisconsin. Les deux candidats y ont fait campagne vendredi, sachant que l’un et l’autre s’y étaient déjà rendus plusieurs fois cette année.

  • Géorgie

Depuis Bill Clinton en 1992, aucun candidat démocrate n'a plus jamais gagné la Géorgie lors d'une élection présidentielle. Mais la domination sans partage du GOP dans cet État s'est craquelée depuis qu’une candidate démocrate, Lucy McBath, a réussi à faire basculer de justesse la 6e circonscription de Géorgie, lors des élections de mi-mandat de 2018, et à se faire élire à la Chambre des représentants.

Largement composée de banlieues verdoyantes d'Atlanta, cette circonscription pourtant réputée imprenable est l'ancien baston du ténor républicain Newt Gingrich, ancien président de la Chambre des représentants.

De son côté, le républicain Brian Kemp était arrivé en tête avec seulement 55 000 voix lors de l'élection très disputée du gouverneur en 2018. Des critiques, parmi lesquels son adversaire démocrate Stacey Abrams, avaient dénoncé l’effacement pur et simple d’un grand nombre d’électeurs des listes électorales. Selon les données analysées par The Economist, "le nombre d'électeurs possiblement privés de leur droit de vote était proche de 50 000". Quoi qu'il en soit, ce résultat serré a démontré le recul de l’emprise du GOP sur la Géorgie.

Il faut dire que le nombre d'électeurs jeunes et issus des minorités y a augmenté au cours de la dernière décennie. "La démographie joue contre nous", a déclaré le sénateur républicain sortant David Perdue à un groupe de militants de son parti en avril.

Joe Biden ne devance Donald Trump que de 0,8 point en Géorgie, selon la moyenne des sondages de RealClearPolitics. Le candidat démocrate s'est rendu dans l'État mardi, pour y prononcer un discours à Warm Springs, petite ville aux eaux thérapeutiques très appréciée par feu le président Franklin Delano Roosevelt, tandis que Donald Trump y a animé un rassemblement dimanche.

  • Floride  

Troisième État américain le plus peuplé du pays, la Floride a toujours été remportée par le vainqueur de l’élection présidentielle américaine, et ce depuis 1996. Mais cette particularité, qui fait d’elle un indicateur très observé, a attiré l'attention du monde entier à l'occasion de l'élection de 2000. Le résultat final du vote s'est joué autour des 25 voix (aujourd'hui 29) du collège électoral de l'État, qui ont basculé du côté de George W. Bush, après un imbroglio judiciaire autour du recomptage des voix, finalement tranché par une décision de la Cour suprême.

La population floridienne a connu un boom au cours des dernières décennies grâce à l'afflux de retraités, en grande partie blancs, et d'immigrants majoritairement latino-américains. Environ deux tiers des électeurs blancs de Floride ont déclaré, en 2016, dans le cadre de sondages sortie des urnes de l'Associated Press, qu'ils avaient voté en faveur de Donald Trump.

Ce dernier a également obtenu de bons résultats auprès de l'importante population américano-cubaine de l'État, en grande partie issue des exilés qui ont fui le régime communiste de Fidel Castro, qui lui a accordé 54 % de ses voix. De son côté, Hillary Clinton avait remporté 71 % des voix chez les électeurs latinos.

La moyenne des sondages de RealClearPolitics indique que Joe Biden mène de 1,2 point dans cet État, mais certains sondages suggèrent que les soutiens des deux candidats sont changeants. Alors que les retraités de Floride ont joué un rôle important dans la victoire de Donald Trump en 2016, un sondage Quinnipiac, réalisé début octobre, a donné 15 points d'avance à Joe Biden parmi les résidents âgé de plus de 65 ans.

À la fin du mois dernier, un sondage pour Telemundo a placé le démocrate et son rival à respectivement 48 % et 43 %, après avoir interrogé un panel de la population hétérogène latino de l'État. En comparaison, Hillary Clinton a remporté 62 % des votes hispaniques en Floride en 2016.

"Si Biden veut faire basculer la Floride, il doit au moins égaler les chiffres de Clinton parmi les hispaniques et il semble que cela ne se produira pas", a expliqué à Politico Brad Coker, un sondeur de Mason-Dixon Polling and Strategy, la firme qui a organisé le sondage.

Dans cet État, Donald Trump et Joe Biden ont tous deux organisé des rassemblements à Tampa vendredi.   

Pour retrouver l'article dans sa version originale "The five key states that could decide the US presidential election", cliquez ici.