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Antisémitisme au Labour : le parti britannique suspend son ancien chef Jeremy Corbyn

Alors qu’un rapport accuse le Parti travailliste britannique de négligence dans la lutte contre l’antisémitisme, son nouveau chef, Keir Starmer, a reconnu jeudi un "jour de honte" et suspendu son prédécesseur Jeremy Corbyn.

Le parti travailliste britannique accusé de négligence dans la lutte contre l’antisémitisme. Secoué par les conflits internes depuis plusieurs années, le Labour a fait l'objet d'une enquête menée par le Comité pour l'égalité et les droits humains (EHRC), un organisme indépendant du parti, qui vient de dévoiler ses conclusions.

Les faits visés remontent aux années où le Labour était dirigé par le très à gauche Jeremy Corbyn, balayé par les conservateurs du Premier ministre Boris Johnson lors des élections de décembre 2019.

"Ce rapport est dur à lire et c'est un jour de honte pour le parti travailliste", a déclaré, jeudi 29 octobre, son successeur depuis avril, Keir Starmer, présentant de nouveau ses excuses pour l'attitude du parti. "Plus jamais le Labour ne vous laissera tomber, plus jamais nous n'échouerons à nous attaquer à l'antisémitisme et plus jamais nous ne perdrons votre confiance", a-t-il affirmé, promettant de mettre en œuvre l'intégralité des recommandations.

"Actes illicites"

Dans sa présentation du rapport, la présidente par intérim du Comité pour l'égalité et les droits humain a étrillé des défaillances "inexcusables" résultant d'un "manque de volonté de s'attaquer à l'antisémitisme plutôt qu'une inaptitude à le faire".

Dans son texte de 130 pages, le Comité conclut que le parti travailliste a "commis des actes illicites". Le Labour a maintenant l'obligation légale de mettre sur pied, en accord avec la commission, un plan d'action pour y remédier d'ici au 10 décembre, faute de quoi il risque des poursuites.

Jeremy Corbyn, 71 ans, a écrit sur Facebook qu'il n'acceptait pas "toutes" les conclusions du rapport et qu'il écartait tout échec personnel dans la lutte contre ce fléau.

"À la lumière de ses commentaires", le parti a "suspendu Jeremy Corbyn" et a ouvert une enquête, a annoncé un porte-parole du Labour.

Sans aller jusqu'à l'exclusion, le Parti prend cependant le risque de raviver ses divisions en sanctionnant son ancien chef (de 2015 à 2020), toujours député, qui avait transformé le Labour en premier parti d'Europe en nombre de membres avec une forte popularité dans la base militante.

"Harcèlement, discrimination et interférences politiques"

"Nous avons découvert des exemples de harcèlement, de discrimination et d'interférences politiques" durant l'enquête, souligne le comité dans son rapport, étrillant les carences de la direction du parti.

L'enquête a mis en évidence qu'un "nombre significatif de plaintes relatives à l'antisémitisme n'ont pas du tout fait l'objet d'une enquête", particulièrement sur les réseaux sociaux.

Le parti "doit à présent produire un plan d'action pour mettre en œuvre nos recommandations", souligne le Comité, rappelant les engagements de l'équipe de Keir Starmer à cet égard.

"Les recommandations sont claires, justes et réalisables" et visent à ce que le parti tienne son engagement d'une "tolérance zéro" face à l'antisémitisme.

Messages islamophobes

Dans un communiqué commun, plusieurs organisations juives ont estimé que le rapport représente un "verdict accablant sur ce que le Labour a fait aux juifs sous Jeremy Corbyn et ses alliés".

Le parti conservateur, secoué récemment par des affaires de messages islamophobes sur les réseaux sociaux, a quant à lui accusé Keir Starmer d'être resté aux côtés de Jeremy Corbyn "quand les rênes" du Labour ont été laissées aux "racistes anti-juifs". "Si Starmer est sérieux", il doit "exclure Jeremy Corbyn", a déclaré Amanda Milling, co-présidente des Tories.

Depuis son arrivée à la tête du parti, Keir Starmer, plus centriste et europhile que son prédécesseur, s'est attaché à solder l'héritage de son prédécesseur Jeremy Corbyn.

Fin juin, Starmer avait évincé Rebecca Long-Bailey — désignée comme l'héritière de Corbyn — de la direction du parti, pour avoir partagé sur les réseaux sociaux un article contenant "une théorie du complot antisémite".

Puis, en juillet, la nouvelle direction a accepté de verser d'importants dommages et intérêts à d'anciens salariés qui avaient critiqué la réponse du parti face à l'antisémitisme. Décision alors qualifiée de "politique" et "décevante" par Jeremy Corbyn.

Avec AFP