
Alors que manifestations et appels au boycott se multiplient dans le monde musulman après les récents propos du président Emmanuel Macron sur la liberté d'expression et le droit de caricaturer le prophète Mahomet, faut-il s'inquiéter des conséquences économiques de ces campagnes ?
Depuis les déclarations d’Emmanuel Macron défendant la liberté de caricaturer le prophète Mahomet, lors de l'hommage national au professeur assassiné Samuel Paty, plusieurs appels au boycott de produits français ont été lancés dans certains pays du monde musulman, parmi lesquels la Turquie, le Yémen, le Pakistan, le Koweït et le Qatar. Quel peut être l'impact pour l'économie française ?
Pour le moment, aucun chiffre ne permet de mesurer les conséquences économiques de ces appels au boycott selon le gouvernement. Interrogé lundi 26 octobre sur RTL, le ministre chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, Franck Riester, a indiqué que "pour l'instant, le boycott est très circonscrit".
Un impact limité ?
"Franck Riester et ses équipes sont en contact permanent depuis samedi avec les entreprises concernées, mais il faut savoir qu’il s’agit de toutes petites zones d’exportations pour la France, à savoir 15 milliards d’euros tous secteurs confondus au Moyen-Orient", explique Christophe Dansette, chroniqueur économie à France 24.
Les échanges commerciaux entre la France et les pays du Proche et du Moyen-Orient sont assez faibles et ne représentent que 3 % des exportations françaises, selon le rapport 2020 sur le commerce extérieur de la France.
De plus, les pays concernés ne sont pas les principaux clients de la France. La Turquie, où le président Recep Tayyip Erdogan a officiellement appelé lundi ses compatriotes à boycotter les produits français, exporte ainsi plus vers l’Hexagone (8,7 milliards d’euros en 2019, selon le Trésor français), qu’elle n’importe (5,9 milliards d’euros).
"Mais il y a des entreprises plus concernées que d’autres, comme à Bel par exemple, qui exporte le Babybel et La vache qui rit, et qui réalise un peu plus de 20 % dans la zone Afrique et Moyen-Orient", souligne Christophe Dansette. Ainsi, au Qatar ou au Koweït, les appels au boycott se sont limités au retrait de fromages, de crèmes ou de cosmétiques des rayons de certains supermarchés.
"Résister au chantage"
De son côté, le Medef, l’organisation patronale française, estime que cette campagne n’aura probablement pas beaucoup d’effets. Son président, Geoffroy Roux de Bézieux, a évoqué, sur les ondes de la radio RMC, une "mauvaise nouvelle" pour les entreprises spécialisées dans l’agroalimentaire, le luxe et les cosmétiques, tout en déclarant qu’il n’était "pas question de céder au chantage". Il a lancé "un appel aux entreprises à résister au chantage et malheureusement à subir ce boycott", estimant qu’il était "assez localisé".
Toutefois, le gouvernement prend cette campagne très au sérieux. "Les appels au boycott sont sans aucun objet et doivent cesser immédiatement, de même que toutes les attaques dirigées contre notre pays, instrumentalisées par une minorité radicale", a répliqué le ministère des Affaires étrangères, dans un communiqué publié dimanche.
Les appels au boycott de produits français dénaturent les positions défendues par la France en faveur de la liberté de conscience, de la liberté d’expression, de la liberté de religion et du refus de tout appel à la haine.
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Le Quai d’Orsay a ajouté que les ministres ainsi que l’ensemble du réseau diplomatique français sont entièrement mobilisés pour "appeler les autorités des pays concernés à se désolidariser de tout appel au boycott ou de toute attaque contre notre pays, accompagner nos entreprises et assurer la sécurité de nos compatriotes à l’étranger".
À l’Assemblée nationale, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a de son côté qualifié lundi les pratiques de boycott d’"inacceptables" et annoncé que le gouvernement soutiendra "les entreprises face aux menaces de boycott dont elles font l’objet".