Plusieurs dizaines de personnes ont été interpellées, dimanche à Minsk, après des heurts avec la police, lors d'une nouvelle manifestation contre le président biélorusse, Alexandre Loukachenko.
Canons à eau, matraques et grenades assourdissantes. La police biélorusse est intervenue en force, dimanche 11 octobre à Minsk, pour disperser les milliers de manifestants dénonçant la réélection en août du président, l'intervention policière la plus violente des dernières semaines.
Des dizaines de personnes, dont plusieurs journalistes, ont été interpellées après des heurts avec la police, selon l'agence de presse Interfax, citant des témoins. Ces arrestations ont eu lieu lors d'une nouvelle marche hebdomadaire dénonçant la réélection jugée frauduleuse du président Alexandre Loukachenko.
Sur des images diffusées par le média indépendant tut.by, des policiers anti-émeutes et des hommes cagoulés en civil se précipitent sur le terre-plein central d'un grand boulevard de la capitale biélorusse, arrêtant parfois brutalement les manifestants qui y étaient présents en nombre.
More than 30 journalists are detained, including Yahor Martsinovich, editor-in-chief of Nasha Niva and photojournalist Nadzeya Buzhan, the author of many photographs which give us the opportunity to see behind the regime's iron curtain pic.twitter.com/tUSVf6mdmq
— Franak Viačorka (@franakviacorka) October 11, 2020Répression violente
Dimanche après-midi, une foule immense s'est réunie dans la capitale biélorusse pour réclamer le départ du président Alexandre Loukachenko, mais la police a tout fait pour empêcher les différents cortèges de se regrouper, bloquant des rues et intervenant en force en amont pour disperser certains groupes.
Le ministère de l'Intérieur n'a pas dressé de bilan des arrestations, tandis que l'ONG Viasna avançait plus de 250 personnes arrêtées dans le pays, l'immense majorité à Minsk.
"Des canons à eau et des grenades assourdissantes ont été utilisés à Minsk", a déclaré à l'AFP la porte-parole du ministère, Olga Tchemodanova.
Le recours d'une telle ampleur à cet arsenal est une première depuis les manifestations qui ont eu lieu les jours suivant le scrutin, lorsque des milliers de personnes furent arrêtées, des dizaines blessées et une poignée tuées. Depuis, les heurts à Minsk avaient été sporadiques.
Les images des médias nationaux indépendants ont montré de nombreuses arrestations violentes, par les policiers anti-émeutes OMON ou par des hommes en civil armés de matraques, le visage cagoulé. D'autres images montraient des véhicules équipés de canons à eau, roulant lentement et projetant une eau orangée sur les manifestants.
La radio financée par les États-Unis, RFE/RL, a diffusé des photos de manifestants blessés.
Nacha Niva, l'un des principaux médias en ligne, a lui publié une vidéo montrant ce qui semble être des soldats du ministère de l'Intérieur poursuivant des manifestants et pointant leur fusil en leur direction.
Ailleurs dans le pays, des manifestations importantes ont également eu lieu.
#Bélarus : Dimanche à Minsk : la mobilisation se s’affaiblît pas, la répression non plus. Voici comment sont traités les manifestants pacifiques, qui demandent une nouvelle élection.
(Photo @RFERL) pic.twitter.com/ZEbyXXYHOC
"Nous sortirons quand même parce que les leaders, c'est lui, elle, nous tous"
Des centaines de manifestants, responsables de mouvements politiques, d'organisations syndicales et de journalistes ont été arrêtés depuis le début du mois d'août et incarcérés pour avoir participé ou organisé la contestation.
Une dizaine de journalistes dont des représentants de médias russes ont aussi été interpellés dimanche.
Le mouvement de contestation sans précédent, déclenché par des soupçons de fraudes massives lors de l'élection présidentielle du 9 août, rassemble chaque dimanche des dizaines de milliers de personnes.
En réponse, les autorités déploient en nombre dans Minsk les forces anti-émeutes, des véhicules blindés et des canons à eau. Elles limitent aussi l'accès à l'Internet mobile et réduisent les transports en commun pour gêner la mobilisation.
"Peu importe le nombre de personnes qu'ils mettent en prison, nous sortirons quand même parce que les leaders, c'est lui, elle, nous tous", assure à l'AFP Alexandre Starovoïtov, un entrepreneur de 32 ans s'apprêtant à manifester.
Les principales figures de l'opposition sont soit en prison, soit en exil comme la candidate d'opposition à l'élection présidentielle, Svetlana Tikhanovskaïa.
Cette semaine, plusieurs pays européens, dont le Royaume-Uni, l'Estonie et la Lettonie ont rappelé leur ambassadeur à Minsk. Le Comité international olympique (CIO) s'est lui dit "très préoccupé" par une discrimination visant les athlètes à cause de leurs opinions politiques.
Loukachenko rencontre plusieurs opposants incarcérés
Ancienne République soviétique de 9,5 millions d'habitants, la Biélorussie est le théâtre de manifestations massives et de grèves depuis l'élection présidentielle contestée du 9 août remportée par le président sortant Alexandre Loukachenko. L'opposition dénonce un scrutin truqué.
Samedi, le chef de l'État a surpris en réunissant plusieurs opposants incarcérés avec qui il a parlé dans la prison des services spéciaux (KGB) afin, selon la présidence, de s'entretenir des changements constitutionnels qu'il prévoit.
La chaîne Telegram NEXTA Live qui coordonne en partie la protestation et compte deux millions d'abonnés a justement appelé les manifestants à se réunir autour de cette prison et celle du ministère de l'Intérieur pour que "chaque prisonnier politique entende" le peuple.
Avec AFP et Reuter