La découverte de phosphine, un gaz hautement toxique, dans l’atmosphère de Vénus a braqué l'attention des chercheurs de vie extraterrestre sur une planète plutôt considérée comme le contre-exemple d’un environnement favorable à la vie.
En quelques heures, d'hypothétiques Vénusiens sont venus supplanter les traditionnels Martiens dans l'imaginaire médiatique. "De la vie sur Venus ?", s'interroge le New York Times, tandis que le site d'information du vénérable Massachusetts Institute of Technology (MIT) affirme que des "astronomes ont peut-être trouvé une signature de présence de la vie sur Vénus".
La faute à une équipe de chercheurs de l'université de Cardiff, au Royaume-Uni, qui ont observé des traces de phosphine dans les nuages de la deuxième planète du système solaire. Leur découverte, publiée dans la revue Nature Astronomy lundi 14 septembre, a été qualifiée d'"événement le plus important à ce jour dans la recherche de vie en dehors de la Terre", par Jim Bridenstine, administrateur de la Nasa.
Vénus, hostile à la vie
Quel rapport entre ce gaz extrêmement inflammable, hautement toxique pour l'Homme, et la vie ? Il est présent aussi bien sur Terre que sur d'autres planètes, comme Saturne ou Jupiter, qui n'abritent pourtant aucune forme de vie extraterrestre.
Mais l'atmosphère vénusienne ressemble davantage à celle de la Terre où "la présence de phosphine est toujours associée au vivant", souligne Franck Montmessin, chercheur au Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (Latmos) du CNRS, contacté par France 24. Il existe deux types d'atmosphère, explique ce chercheur : celle des planètes comme Jupiter, dont "les processus chimiques sont plutôt favorables à la subsistance de ce gaz", et celle de la Terre ou Venus – appelée atmosphère oxydante –, qui ne l'est pas. Dans ce dernier cas, la présence de phosphine à la surface est le résultat d'activités biologiques. Il doit être expulsé régulièrement par des organismes pour continuer à rester perceptible dans l'atmosphère. Sur Terre, la phosphine est aussi utilisée dans l'industrie, comme pour la fabrication des semi-conducteurs.
Les implications possibles de la découverte de traces de ce gaz dans les nuages vénusiens a d'autant plus pris la communauté scientifique par surprise que cette planète n'est pas sur les radars des chercheurs de vie extraterrestres. Au contraire : "On pourrait la citer comme contre-exemple de ce que pourrait être un habitat de vie", affirme même Franck Montmessin. L'atmosphère y est composée à 95 % de dioxyde de carbone, ce qui fait qu'il y règne une température de surface de plus de 450 °C, tandis que les nuages sont constitués à plus de 90 % d'acide sulfurique, donc hautement toxiques. Sans compter que la pression atmosphérique est environ 100 fois plus élevée que sur Terre.
"Vénus est l'exemple le plus extrême de ce que pourrait devenir la Terre à terme à cause du réchauffement climatique", résume Franck Montmessin. Difficile d'imaginer lieu plus improbable pour localiser les premiers signes de vie extraterrestre. Sauf à adhérer à des hypothèses développées dans les années 1960 par une poignée de scientifiques, comme le biophysicien américain Harold Morowitz , qui soutenaient que la vie pouvait être possible dans… les nuages de Vénus.
Éviter les conclusions prématurées
C'est précisément là que les traces de phosphine ont été détectées par les deux radiotélescopes des chercheurs de l'université de Cardiff. L'idée, pour résumer, est "qu'il y fait moins chaud qu'à la surface, et qu'il existe des exemples d'organismes vivants qui ont su s'adapter à des conditions extrêmes", précise Franck Montmessin. Sur Terre, par exemple, des scientifiques de la Nasa avaient identifiés, en 2010, une bactérie capable de vivre dans un lac où la concentration d'arsenic était très élevée.
Mais il serait encore prématuré de claironner que l'humanité est à l'aube d'une rencontre du troisième type. D'abord, il faudrait "pouvoir confirmer cette première détection", souligne le chercheur du Latmos. Dans ce type de travaux, "on flirte avec les limites de l'observation", et même si les chercheurs de l'université de Cardiff semblent avoir pris toutes les précautions, une erreur d'interprétation n'est jamais à exclure, poursuit-il.
Une présence de phosphine confirmée dans l'atmosphère de Vénus ne serait, ensuite, pas à coup sûr la preuve de l'existence de la vie, nichée au cœur des cumulus de la planète. Si sur Terre, l'effet oxydant de l'atmosphère détruit la phosphine produite par la planète, il peut, par exemple, exister un mécanisme encore inconnu qui empêcherait ce phénomène sur Vénus.
Pour mettre un point final à cette histoire, il faudrait donc y aller pour faire des relevés. Un voyage qui, en soi, ne durerait que quelques mois, Vénus étant un peu plus près de la Terre que Mars. Mais la préparation d'une telle expédition prendrait, quant à elle, plusieurs années. Ensuite, les relevés devraient être ramenés sur Terre pour y être soumis à une batterie d'examens afin de résoudre une fois pour toute le mystère de la phosphine de Vénus.
Un entreprise de longue haleine, mais qui en vaudrait la peine… au-delà même de la recherche de toute trace de vie extraterrestre. "Il n'y a eu que trois missions vers Vénus ces 30 dernières années ", rappelle Franck Montmessin. Un avis partagé par Jim Bridenstine, l'administrateur de la Nasa, qui a souligné que cette observation démontre que notre voisine dans le système solaire a encore beaucoup à nous apprendre et qu'il est "temps de donner la priorité à Vénus". Après tout, la planète a longtemps été appelé la "sœur jumelle" de la Terre (à cause des similarités dans l'atmosphère), et il ne faut pas négliger si longtemps sa famille, surtout si elle peut se révéler plus vivante qu'on ne le pensait.