Des incendies "sans précédent" ravagent la Californie, l'Oregon et l'État de Washington. Une virulence des feux due en partie aux conséquences du réchauffement climatique, mais liée aussi à de nombreux autres facteurs, humains ou non.
Des dizaines d'incendies ravagent la Californie, où dix personnes ont déjà trouvé la mort. L'Oregon obligé d'évacuer 500 000 personnes, soit plus de 10 % de sa population, et des feux qui se propagent jusqu'à l'État de Washington, tout au nord de la côte ouest américaine. C'est la triste réalité derrière les images impressionnantes du ciel orangé au dessus de San Francisco, où des pompiers qui s'efforcent, ces derniers jours, à contenir les flammes et protéger la population.
Une réalité qui peut aussi se chiffrer : depuis début juin, plus de 12 000 km² de terrain sont partis en fumée. "L'ampleur des surfaces brûlées est sans précédent, alors que l'on n'en est qu'à la moitié de la saison des incendies en Californie", souligne à France 24 Dominique Morvan, du groupement de recherche "Feux" du CNRS et rattaché à l'université d'Aix-Marseille. "Six des feux qui se sont déclarés [depuis juin, NDLR] font déjà partie des vingt feux les plus puissants que la Californie a dû affronter dans son histoire", ajoute Jean-Baptiste Filippi, directeur du programme FireCaster du CNRS à l'université de Corse, contacté par France 24.
Cocktail explosif
C'est cette propagation des flammes que rien ne semble pouvoir arrêter et la multiplication des foyers tout le long de la côte ouest qui fait de ces incendies des événements extraordinaires dans l'histoire récente de la région. Hors norme peut-être, mais pas inattendus. C'est un cocktail explosif qui a frappé les trois États de l'Ouest américain. "Les sécheresses à répétition ces dernières années ont fragilisé les forêts", note Dominique Morvan.
À cela s'ajoutent "des saisons hivernales plus chaudes qui ont soumis la végétation à un stress hydrique, c'est-à-dire qu'elle n'a pas eu le temps de faire sa réserve d'eau nécessaire pour affronter plus sereinement la saison des feux", précise Anthony Collin, également membre du groupement de recherche "Feux" du CNRS et spécialiste des modélisation d'incendies, contacté par France 24.
Ces températures anormalement élevées en hiver ont, également, "permis à des insectes qui disparaissent généralement à cette période de continuer à s'attaquer aux arbres", souligne Dominique Morvan.
Mais ce n'est que la toile de fond du drame. Cette année, la Californie a connu, mi-août, une période de très fortes chaleurs accompagnées de "nombreux orages secs, c'est-à-dire avec une forte activité électrique, mais sans eau qui atteint le sol", explique Jean-Baptiste Filippi. Des phénomènes météo qui ont agi comme autant de déclencheurs pour les incendies.
En un sens, c'est en partie dû au hasard, car ces orages secs auraient pu tomber au large de la côte californienne ou dans des zones avec moins de végétation sèche, note le directeur du programme FireCaster. Mais l'Homme n'est pas exempt de responsabilité dans cette affaire, car le réchauffement climatique, dont il est en partie responsable, "augmente la fréquence des ces événements météorologiques extrêmes et, donc, aussi le risque qu'ils entraînent des incendies", explique Jean-Baptiste Filippi.
Même l'épidémie de Covid-19 joue un rôle
La rapide propagation des feux tient, quant à elle, en partie aux fait que les températures baissent peu pendant la nuit, ce "qui est un phénomène nouveau en 2020", souligne le site Vox. "Dans le passé, lorsque la nuit tombait, les températures chutaient fortement, permettant au niveau d'humidité de remonter, offrant ainsi une fenêtre de tir aux pompiers pour mieux contrôler des flammes devenues moins fortes", explique Matthew Hurteau, spécialiste de l'impact du réchauffement climatique sur les écosystèmes forestiers à l'université du Nouveau-Mexique, interrogé par Vox.
Mais ce n'est pas le seul facteur. Les Californiens construisent aussi de plus en plus dans des zones à risques et en lisière de forêt. "La hausse des loyers en centre-ville a poussé ces dernières années un nombre croissant de personnes à s'installer en limite des régions sauvages où les incendies sont plus fréquents", note Vox. Lorsque les feux se déclarent, "l'action des pompiers se concentre en priorité sur ces zones peuplées pour protéger les populations", explique Jean-Baptiste Filippi. Mais, de ce fait, les combattants du feu sont obligés de laisser les incendies se propager en milieu sauvage où ils gagnent rapidement en puissance.
Il y a aussi un effet boule de neige avec les feux cette année. Les incendies ont rapidement atteint "des régions qui sont rarement touchées, comme dans l'État de Washington, et où la végétation a pu s'accumuler au fil des années, ce qui a fourni du carburant neuf aux flammes", note Dominique Morvan, du CNRS.
Même l'épidémie de Covid-19 a contribué à la situation actuelle. "D'habitude, en Californie, les autorités font appel aux détenus qui purgent une courte peine pour aider à maîtriser les feux. Mais cette année ils ont été libérés pour éviter les situations de trop grande promiscuité facilitant la propagation du virus en prison", explique Dominique Morvan. "Cela faisait des décennies que ces prisonniers aidaient à lutter contre les incendies en Californie, mais pas cette fois-ci, ce qui a privé les pompiers d'une aide cruciale", confirme le New York Times.
C'est cette accumulation de facteurs – entre les tendances de fond liées au réchauffement climatique, et les spécificités de la côte ouest des États-Unis – qui explique pourquoi la région brûle autant cette année. Et ce n'est pas fini. "La saison des feux devient généralement plus intense vers novembre à cause des forts vents d'Est qui arrivent", rappelle Jean-Baptiste Filippi. Reste à savoir quel sera l'effet des incendies d'été sur la "haute saison" à venir. D'un côté, une partie importante de la végétation, carburant naturel des feux, aura déjà été consommée, mais de l'autre, note Jean-Baptiste Filippi, "les pompiers auront déjà accumulés beaucoup de fatigue". Un combat qui serait alors bien inégal.