Alors que l'Espagne connaît une explosion des cas de Covid-19, de nombreux parents rechignent, voire refusent, à renvoyer leurs enfants à l'école. Et ce, malgré les menaces de sanctions brandies par les autorités.
"Pour apprendre tu as toute la vie, mais la santé, tu n'en n'a qu'une !" Mère de deux garçons, Aroa Miranda ne cache pas son agacement face à la gestion de la crise sanitaire et de la rentrée scolaire en Espagne, où l'épidémie de Covid-19 est à nouveau virulente. À quelques jours de la rentrée scolaire prévue le 10 septembre, elle a décidé, comme de nombreux parents, qu'elle ne remettrait pas ses enfants à l'école
"Ils sont en train de faire une expérience pour voir ce qu'il va se passer, comme avec des cochons d'Inde", s'indigne cette femme de 37 ans, qui vit à Castellon de la Plana, dans l'est du pays. "Pour mon fils de 8 ans, j'essaierai d'inventer des excuses, dire qu'il est malade", explique Aroa. Quant à son fils de 3 ans, elle n'a pas hésité à le désinscrire de l'école.
L'Espagne face à une deuxième vague de Covid-19
L'Espagne est en proie à une deuxième vague de Covid-19. Le 6 septembre, la barre du demi-million de contaminations depuis le début de la crise a été franchie dans le pays. Pour limiter la propagation du virus, la communauté de Madrid a mis en place de nouvelles restrictions. Parmi elles : "La distanciation sur les terrasses va devoir être augmentée, l'interdiction de se réunir à plus de dix personnes dans la sphère privée, ou interdiction de danser dans les mariages", précise Anaïs Guérard, correspondante de France 24 à Madrid.
Si la vague n'est pas aussi forte qu'en mars et avril derniers, lorsque les soins intensifs étaient saturés, l'inquiétude reste vive chez les enseignants - qui annoncent des grèves à venir - et les parents d'élèves. Les restrictions ne sont pas à même de rassurer, au contraire. "Si je n'ai pas le droit de réunir plus de dix personnes chez moi, je ne comprends pas pourquoi mon fils devrait être avec 25 enfants dans une classe", s'étonne Aroa, qui estime aussi que le masque obligatoire dès 6 ans ne suffira pas.
"Pas de risque zéro"
Depuis plusieurs semaines, manifestations et pétitions de parents se multiplient en Espagne pour demander plus de garanties sanitaires dans les écoles. D'après une enquête Ipsos publiée fin juillet, une majorité de sondés en Espagne se disait en faveur d'une diminution du nombre de jours de cours présentiels, et un quart préférerait attendre "entre 4 et 6 mois" avant de renvoyer les enfants à l'école.
Face à l'inquiétude, les autorités oscillent entre messages rassurants et menaces de sanctions. "Les écoles sont bien plus sûres que les autres endroits même s'il n'y a pas de risque zéro dans une épidémie", a ainsi insisté le chef du gouvernement, Pedro Sanchez, "mais il y a un risque que nous devons éviter : l'exclusion sociale".
"Les enfants ne peuvent pas vivre dans des bulles", a plaidé de son côté l'épidémiologiste en chef du ministère de la Santé, Fernando Simon. "Ils peuvent aussi bien attraper (le virus) au parc, ou quand ils vont voir leurs cousins ou par leur père qui s'est contaminé au travail".
Le ministre de la Sécurité sociale, José Luis Escriva, a quant à lui évoqué, vendredi, la possibilité d'indemniser les parents d'enfants en quarantaine préventive pour répondre aux inquiétudes économiques des familles.
Le spectre des sanctions
Mais les injonctions politiques sont difficilement audibles, dans la mesure où les annonces de juin dernier sont déjà caduques. "La promesse d'une rentrée à l'heure et 100 % en 'présentiel' n'est pas tenue. Plusieurs communautés autonomes ont retardé la rentrée parce qu'elles ne sont pas prêtes", ajoute Anaïs Guérard.
Alors que le ministère de la Santé recommandait un maximum de 20 enfants par classe, la Galice et la Catalogne préviennent qu'elles ne pourront pas descendre sous la jauge des 25 élèves. Les enseignants manquent à l'appel - l'État tente de recruter 39 000 professeurs.
Pour autant, l'école reste obligatoire de 6 à 16 ans. Le spectre des sanctions plane donc sur les familles réfractaires. Le responsable de l'éducation de la région de Madrid a mis en garde, fin août, contre une possible peine de "un à trois ans de prison". La ministre de l'Éducation, Isabel Celaa, a pour sa part commandé un rapport sur la question sans écarter de possibles sanctions. "L'éducation est un droit de l'élève, et non des parents", a-t-elle averti dans le quotidien El Pais.
"Qu'ils me mettent une amende, pour moi le plus important, ce sont mes enfants", rétorque Aroa.
Avec AFP