L'opposant russe Alexeï Navalny, hospitalisé dans le coma à Berlin, présente des "traces d'empoisonnement", a annoncé lundi l'hôpital berlinois de la Charité où il a été admis ce week-end après son transfert de Sibérie. L'Union européenne a appelé à Moscou à une "enquête transparente".
Alexeï Navalny, hospitalisé dans le coma ce week-end à Berlin, présente des "traces d'empoisonnement" et pourrait à long terme souffrir de séquelles dans le système nerveux, a annoncé lundi 24 août l'hôpital berlinois de la Charité où il a été admis, contredisant ainsi la version officielle russe.
Principal opposant au pouvoir du président Vladimir Poutine, auteur de publications dénonçant la corruption des élites russes qui sont abondamment partagées sur les réseaux sociaux, Alexeï Navalny, 44 ans, a été transféré samedi de Sibérie à Berlin.
Il "se trouve dans une unité de soins intensifs et est toujours dans un coma artificiel", a indiqué lundi l'hôpital de la Charité. "Son état de santé est grave, mais sa vie n'est pas en danger", a-t-il ajouté. Il est dans le coma après avoir fait un malaise jeudi à bord d'un avion.
Après des examens approfondis, "les résultats cliniques indiquent une intoxication par une substance du groupe des inhibiteurs de la cholinestérase", révèle l'hôpital. Cette enzyme est susceptible d'être utilisée, à faible dose, contre la maladie d'Alzheimer. Mais en fonction du dosage, elle peut être très dangereuse et produire aussi des agents neurotoxiques puissants, du type de l'agent innervant Novitchok.
En mars 2018, l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia avaient été selon Londres empoisonnés en Grande-Bretagne avec cette agent de conception soviétique.
Les médecins russes affirment n'avoir subi "aucune pression" extérieure
"Désormais, nos affirmations ont été confirmées par les analyses de laboratoires indépendants. L'empoisonnement d'Alexeï n'est plus une hypothèse mais un fait", a réagi sur Twitter la porte-parole de l'opposant, Kira Yarmich.
Alexeï Navalny a été évacué samedi matin vers Berlin dans un jet privé affrété par une ONG allemande, au terme d'une journée de bras de fer entre sa famille et les médecins russes, qui ont d'abord affirmé que son état était trop instable, avant de donner leur feu vert.
Les médecins russes de l'hôpital d'Omsk, en Sibérie occidentale, où il se trouvait au départ ont assuré à nouveau, lundi, n'avoir subi "aucune pression" extérieure ou ingérence de la part de responsables officiels pour balayer la thèse d'une tentative d'empoisonnement et empêcher le transfert en Allemagne d'Alexeï Navalny.
"Avec de grands efforts, nous lui avons sauvé la vie", a assuré Alexandre Mourakhovski, le médecin en chef de cet établissement. Anatoli Kalinitchenko, son directeur adjoint, a pour sa part déclaré que, selon deux laboratoires, à Omsk et à Moscou, "aucune substance pouvant être considérée comme du poison (...) n'a été identifiée".
Certains partisans de l'adversaire n°1 du Kremlin soupçonnent toutefois que le transfert a été retardé afin que le poison qu'il aurait ingéré devienne plus difficile à détecter.
Alexeï Navalny a, par ailleurs, déjà été victime d'attaques physiques. En 2017, il avait par exemple été aspergé d'un produit antiseptique dans les yeux à la sortie de son bureau à Moscou.
En juillet 2019, tandis qu'il purgeait une courte peine de prison, il avait été traité à l'hôpital après avoir soudainement souffert d'abcès sur le haut du corps, dénonçant une tentative d'empoisonnement alors que les autorités évoquaient une "réaction allergique".
Merkel et l'UE demande une enquête
Prenant le contrepied des dénégations des autorités russes, la chancelière Angela Merkel a repris à son compte les résultats des expertises annoncés dans la journée par les médecins allemands qui, a-t-elle dit, "pointent en direction d'un empoisonnement".
"Les autorités" en Russie "sont appelées de manière urgente à résoudre cette affaire jusque dans les moindres détails et en pleine transparence", a-t-elle exhorté dans un communiqué commun avec son chef de la diplomatie Heiko Maas.
Le chef de la diplomatie de l'Union européenne Josep Borrell a également appelé, lundi soir dans un communiqué, les autorités russes à mener une "enquête indépendante et transparente sur l'empoisonnement" d'Alexeï Navalny.
Avec AFP