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Israël-Émirats : divergences sur le projet d'annexion de territoires palestiniens

Après l'annonce, jeudi, de l'accord de paix entre Israël et les Émirats arabes unis, les interprétations divergent sur le projet israélien d'annexion de territoires palestiniens. Benjamin Netanyahu assure qu'il n'y a "pas renoncé", contrairement à la lecture faite par le prince héritier d'Abou Dhabi.

Les Émirats arabes unis et Israël doivent signer d'ici trois semaines à Washington un accord historique destiné à normaliser leurs relations. Ce qui ferait d'Abou Dhabi la troisième capitale arabe à suivre ce chemin depuis la création de l'État hébreu.

Pourtant, les lectures divergent sur le projet israélien d'annexion de territoires palestiniens. Aux yeux des Émirats, en échange de cet accord, Israël a accepté de "mettre fin à la poursuite de l'annexion des territoires palestiniens". "Lors d'un appel entre le président Trump et le Premier ministre Netanyahu, un accord a été trouvé pour mettre fin à toute annexion supplémentaire", a affirmé le prince héritier d'Abou Dhabi, cheikh Mohammed ben Zayed Al-Nahyane sur son compte Twitter.

During a call with President Trump and Prime Minister Netanyahu, an agreement was reached to stop further Israeli annexation of Palestinian territories. The UAE and Israel also agreed to cooperation and setting a roadmap towards establishing a bilateral relationship.

— محمد بن زايد (@MohamedBinZayed) August 13, 2020

Mais Benjamin Netanyahu n'a pas confirmé, loin de là : l'annexion de pans de ce territoire palestinien occupé est "reportée" mais Israël n'y a "pas renoncé". "J'ai apporté la paix, je réaliserai l'annexion", a-t-il même proclamé. "La formulation a été choisie avec soin par les différentes parties. 'Pause temporaire', ce n'est pas écarté définitivement", a avancé pour sa part l'ambassadeur américain en Israël, David Friedman.

Israël-Émirats : divergences sur le projet d'annexion de territoires palestiniens

Étape positive, selon Paris

La France a jugé que "la décision, prise dans ce cadre par les autorités israéliennes, de suspendre l'annexion de territoires palestiniens est une étape positive, qui doit devenir une mesure définitive", selon le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.

L'Égypte et la Jordanie, les deux seuls pays arabes à entretenir des liens diplomatiques avec l'État hébreu après les traités de paix conclus respectivement en 1979 et 1994, sont restées mesurées. Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, dont le pays est un allié des Émirats et des États-Unis, a sobrement salué l'accord, estimant que cela empêcherait une annexion de pans de la Cisjordanie.

La Jordanie est restée neutre, jugeant que son avenir dépendrait des prochaines actions d'Israël, qui doit mettre un terme à "son entreprise illégale" d'occupation de territoires, selon Aymane Safadi, chef de la diplomatie jordanienne.

Une "victoire" pour la diplomatie

L'accord est une "victoire" pour la diplomatie, a commenté l'ambassadeur des Émirats à Washington, Youssef al-Otaïba sur Twitter. "C'est une avancée pour les relations entre Israël et les pays arabes", a-t-il ajouté, soulignant que l'accord "préserve l'option de deux États (israélien et palestinien), défendue par la Ligue arabe et la communauté internationale".

Dans le même sens, le ministre d'État aux Affaires étrangères des Émirats, Anwar Gargash, a souligné que l'accord ouvrait la voie à l'option de deux États. "La plupart des pays y verront une initiative courageuse pour garantir une solution à deux États, à l'issue de négociations", a-t-il déclaré en conférence de presse. Il n'a pas voulu donner de date précise pour l'ouverture d'ambassades entre Abou Dhabi et Israël, précisant toutefois que cela interviendrait "prochainement".

Dans un communiqué, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a confié espérer qu'il créerait "une occasion pour les dirigeants israéliens et palestiniens de reprendre des négociations substantielles, débouchant sur une solution à deux États conformément aux résolutions onusiennes en la matière".

Palestiniens vent debout contre l'accord

Mais l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas a, elle, qualifié de "trahison" l'accord de normalisation et a appelé à une "réunion d'urgence" de la Ligue arabe pour le dénoncer. En guise de protestation, elle a aussi ordonné le rappel "immédiat" de l'ambassadeur palestinien à Abou Dhabi.

"Les dirigeants palestiniens rejettent ce que les Émirats arabes unis ont fait. Il s'agit d'une trahison de Jérusalem et de la cause palestinienne", a indiqué dans un communiqué la direction palestinienne appelant à une "réunion d'urgence" de la Ligue arabe pour dénoncer le projet soutenu par les États-Unis. Une position partagée par  l'ambassadeur de Palestine en France, Salman El Herfi, interviewé sur France 24, qui dénonce "une manipulation de la cause palestinienne". 

Le Hamas palestinien l'a aussi condamné. Cet accord "ne sert pas la cause palestinienne mais est considéré comme une continuation du déni des droits du peuple palestinien", a dit à l'AFP Hazem Qassem, porte-parole du mouvement islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza.

Une "stupidité stratégique" pour l'Iran

Cet accord annoncé la veille a été qualifié, vendredi 14 août, de "stupidité stratégique", par le ministère iranien des Affaires étrangères. "Le peuple opprimé de Palestine et toutes les nations libres du monde ne pardonneront jamais la normalisation des relations avec l'occupant et le régime criminel d'Israël et la complicité des crimes du régime", a ajouté le ministre iranien dans un communiqué.

Même son de cloche du côté de la Turquie qui juge qu'Abou Dhabi "trahit la cause palestinienne". "Les Émirats arabes unis s'efforcent de présenter cela comme une sorte de sacrifice pour la Palestine, alors qu'ils trahissent la cause palestinienne pour servir leurs petits intérêts", a réagi dans un communiqué le ministère turc des Affaires étrangères. "L'Histoire et la conscience des peuples de la région n'oublieront pas cette hypocrisie et ne la pardonneront jamais", a-t-il ajouté.

Avec AFP