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Tensions autour du Haut-Karabakh : Moscou veut jouer les médiateurs dans le conflit

Partenaire et alliée de l’Arménie, mais aussi l'un des principaux pourvoyeurs d’armes de l’Azerbaïdjan, la Russie s’est dite disposée à "servir de médiateur" entre les deux voisins du Caucase, qui s'accusent mutuellement d'avoir relancé les hostilités depuis plusieurs jours sur fond de tensions autour de la question du Haut-Karabakh.

Alors que la tension reste vive entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, qui s'accusent mutuellement d'avoir relancé les hostilités depuis plusieurs jours à la frontière de ces deux pays du Caucase, la Russie s’active pour éviter l'aggravation d'un conflit qui aurait des conséquences désastreuses dans sa propre zone d’influence.

Le président russe Vladimir Poutine s'est dit, vendredi 17 juillet, "extrêmement préoccupé par l'escalade actuelle", alors même que les deux anciennes Républiques soviétiques avaient fait état, le même jour, d'une situation plus calme après quatre jours d'affrontements, dans le district frontalier de Tovouz. Ces incidents ont fait au moins 17 morts selon le bilan officiel. Il s’agit de l'un des épisodes d'affrontements les plus violents depuis 2016.

Cette nouvelle poussée de fièvre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan a été évoquée par le président Poutine avec son Conseil de sécurité, à l’issue duquel Moscou a souligné "le besoin urgent de garantir un cessez-le-feu", tout en se disant disposé à "servir de médiateur".

Un médiateur historique

Un rôle déjà endossé par les Russes par le passé lors de précédents heurts entre Erevan et Bakou en conflit depuis des décennies autour du Haut-Karabakh, une région montagneuse sécessionniste d'Azerbaïdjan soutenue par l'Arménie. Majoritairement peuplé d’Arméniens russophones, le Haut-Karabakh, rattaché au début des années 1920 à l'Azerbaïdjan par les autorités soviétiques, a autoproclamé son indépendance en 1991, sans qu'elle ne soit reconnue internationalement.

Une guerre éclate au début des années 1990 et fait 30 000 morts, avant que la situation se fige à la suite de la conclusion d’un fragile cessez-le-feu en 1994, avec, déjà, l'intervention de Moscou. Depuis, aucun accord de paix n'a été conclu, et des négociations parrainées par le Groupe de Minsk - un groupe de médiateurs internationaux coprésidé par la Russie, la France et les États-Unis, restent sans résultat.

La Russie, alors présidée par Dmitri Medvedev, avait même organisé une rencontre entre les présidents arménien et azéri, à Kazan en juin 2011, en vain.

Le regain de tension laisse craindre un embrasement dans cette partie du Caucase, alors que le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a menacé, le 7 juillet, de reprendre le territoire par la force, et que les derniers affrontements se sont déroulés loin du Haut-Karabakh, indiquant une extension du conflit au-delà du différend territorial initial.

Un statu quo bénéfique ?

Or la Russie, alliée traditionnelle de l’Arménie, où elle dispose d’une base militaire, semble attachée au statu quo dans le Haut-Karabakh. Bien que liés à Erevan au sein de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance politico-militaire chapeautée par Moscou, les Russes entretiennent de solides relations avec l’Azerbaïdjan, qui jouit d’une importante rente pétrolière.

Selon les dernières données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), publiées en mars 2020, la Russie représente la quasi-totalité des importations d’armes de l'Arménie au cours des cinq dernières années. En même temps, et sur la même période, les Russes sont les deuxièmes fournisseurs d’armes de l’Azerbaïdjan, avec 31 % des importations, derrière Israël (60 %).

Une stratégie qui permet au Kremlin de se rendre indispensable et de conserver son rôle d’arbitre dans cette zone que la Turquie, l’autre puissance régionale, ne peut jouer. Notamment en raison du soutien total affiché par Ankara à l’Azerbaïdjan, pays turcophone et musulman, et de ses relations délétères avec l’Arménie, sur fond de négation du génocide des Arméniens de 1915, perpétré par les autorités ottomanes. 

La réactivation des tensions entre les deux voisins du Caucase intervient dans un contexte de concurrence exacerbée entre Turcs et Russes au Moyen-Orient et en Méditerranée, en Libye et en Syrie, où leurs intérêts géostratégiques sont divergents.

Reste que jusqu’ici, malgré la complexité des relations qu’entretiennent Moscou et Ankara, grâce notamment à l’entente cordiale affichée par le président Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, les deux puissances, qui n’ont aucun intérêt à s’affronter directement ont toujours réussi à trouver des compromis. Une donnée qui pourrait permettre au Caucase d’éviter une déflagration de plus grande ampleur.