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Données personnelles : un accord entre UE et États-Unis invalidé par la justice européenne

La justice européenne a jugé jeudi invalide un accord permettant le transfert de données personnelles entre l'Union européenne et les États-Unis, le "Privacy Shield". La Cour de justice de l'UE a en effet estimé que ce mécanisme pouvait menacer la protection des données personnelles. 

La justice européenne a invalidé jeudi 16 juillet un mécanisme crucial permettant le transfert de données personnelles entre l'Union européenne et les États-Unis, nommé "Privacy Shield", en raison du risque que font peser les programmes de surveillance américains sur la protection de ces données.

Cette décision a été accueillie comme une victoire par le juriste autrichien Max Schrems, figure de la lutte pour la protection des données, qui était à l'origine de l'affaire via une plainte contre Facebook.

"Après une première lecture du jugement sur le Privacy Shield, il semble que nous ayons gagné à 100 % – pour notre vie privée", écrit sur Twitter celui qui s'était fait connaître en faisant déjà annuler en 2015 un accord similaire entre l'UE et les États-Unis.

After a first read of the judgement on #PrivacyShield it seems we scored a 100% win - for our privacy

The US will have to engage in serious surveillance reform to get back to a "privileged" status for US companies.

More details here: https://t.co/t7LFgE7LmT#ThanksToEveryone!

— Max Schrems ???????????????? (@maxschrems) July 16, 2020

"Les États-Unis devront engager une sérieuse réforme de la surveillance pour revenir à un statut 'privilégié' pour les entreprises américaines" leur permettant de transférer des données, a-t-il ajouté.

"Des ingérences dans les droits fondamentaux"

La Cour de justice de l'UE (CJUE) estime dans son arrêt que le Privacy Shield rend "possible des ingérences dans les droits fondamentaux des personnes dont les données sont transférées" vers les États-Unis, car les autorités publiques américaines peuvent y avoir accès, sans que cela ne soit limité "au strict nécessaire".

Elle souligne aussi que cette réglementation ne fournit pas "de garanties pour les personnes non américaines potentiellement visées", ni ne leur propose de "droits opposables aux autorités américaines devant les tribunaux".

"Cette décision crée une incertitude juridique pour les milliers de petites et grandes entreprises des deux côtés de l'Atlantique qui comptent sur le Privacy Shield pour leurs transferts quotidiens de données commerciales", a réagi Alexandre Roure, du CCIA, le lobby des géants de la tech à Bruxelles.

"Nous espérons que les décideurs européens et américains élaboreront rapidement une solution durable, conforme au droit européen, pour garantir la poursuite des flux de données", a-t-il ajouté.

De leur côté, les États-Unis ont dit jeudi être "profondément déçus" par la décision de la justice européenne. Washington continuera à travailler avec la Commission européenne et étudie la décision de justice en détail pour en comprendre tous les effets concrets, a déclaré Wilbur Ross, le secrétaire américain au Commerce.

Nous "espérons pouvoir limiter les conséquences négatives pour la relation économique transatlantique qui pèse 7 100 milliards de dollars et qui est vitale pour nos citoyens, entreprises et gouvernement respectifs", a-t-il ajouté.

Un transfert de données possible sous conditions 

La CJUE a en revanche jugé valide un autre mécanisme permettant le transfert de données de l'UE vers le reste du monde : les clauses contractuelles type, un modèle de contrat défini par la Commission européenne, que toute entreprise peut utiliser pour exporter ses données, par exemple vers une filiale, sa maison mère ou un tiers.

Les entreprises touchés par la décision sur le Privacy Shield devraient se reporter sur ce mécanisme. 

Le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, avait assuré avant la décision que la Commission avait déjà anticipé plusieurs "scénarios".

"En fonction du contenu de la décision, on verra quels sont les outils – déjà préparés – à utiliser pour à la fois conforter les droits fondamentaux et vérifier que la protection donnée par l'UE voyage avec les données", avait-il expliqué à l'AFP.

"L'ambition est de réagir ensemble (...) du côté européen comme du côté américain", avait-il assuré.

Les données personnelles concernées (comportement en ligne, géolocalisation...) constituent "la mine d'or" de l'économie numérique, en particulier pour les géants comme Google, Facebook ou Amazon.

L'invalidation du Privacy Shield constitue un nouveau désaveu pour Bruxelles après l'annulation mercredi de sa décision exigeant d'Apple le remboursement de 13 milliards d'euros, jusqu'alors considérés comme des avantages fiscaux indus.

Avec AFP