
En raison de tensions avec la Turquie, la France a temporairement suspendu sa participation aux opérations de surveillance de l'Otan en Méditerranée, a confirmé mercredi une source au ministère des Armées.
La France a décidé de se retirer temporairement de l'opération de sécurité maritime de l'Otan en Méditerranée, jusqu'à l'obtention de réponses à des "demandes" concernant ses frictions avec la Turquie, a indiqué mercredi 1er juillet le ministère français des Armées.
En attendant d'avoir obtenu satisfaction, "nous avons décidé de retirer temporairement nos moyens de l'opération Sea Guardian", a expliqué le ministère lors d'un point-presse téléphonique, dans un contexte de fortes tensions entre Paris et Ankara depuis plusieurs mois, en particulier autour du conflit libyen.
Cette suspension avait été dévoilée dans la matinée par l'ambassadeur de Turquie en France, Ismaïl Hakki Musa, l'expliquant par les conclusions de l'enquête menée par l'Otan sur un incident entre la frégate française Courbet et des bâtiments turcs qui, a-t-il ajouté, ne confirme pas les accusations lancées par Paris contre Ankara.
Le quotidien L'Opinion en faisait également état mercredi, ajoutant que Paris entendait exprimer ainsi son mécontentement à l’égard de l’Alliance atlantique, jugée pas assez sévère avec la Turquie, poursuit le journal.
"Respect de l'embargo" en Libye
"Il ne nous parait pas sain de maintenir des moyens dans une opération censée, parmi ses différentes tâches, contrôler l'embargo [en Libye] avec des alliés qui ne le respectent pas", a fait valoir le ministère des Armées, visant explicitement la Turquie.
Au-delà de l'incident maritime, "le fond de l'affaire, ce sont les violations répétées de l'embargo par la Turquie et un historique de falsifications et de trafics qui est extrêmement préoccupant".

Paris exige notamment, avant de revenir dans l'opération Sea Guardian, "que les alliés réaffirment solennellement leur attachement et leur engagement au respect de l'embargo". Elle réclame aussi un mécanisme de déconfliction plus précis au sein de l'Alliance atlantique, c'est-à-dire une meilleure coordination entre les différents commandements, ainsi qu'une meilleure coopération entre l'Otan et la mission européenne Irini, qui surveille elle aussi le respect de l'embargo.
La France critique vivement l'intervention militaire turque en Libye au côté du gouvernement d'union nationale (GNA) de Tripoli qui, fort de cet appui, a fait reculer les forces du maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'est du pays.
Le président français Emmanuel Macron a accusé, lundi, la Turquie d'avoir dans le conflit libyen une "responsabilité historique et criminelle" en tant que pays qui "prétend être membre de l'Otan". Le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a répliqué, mardi, en dénonçant l'approche "destructrice" de la France en Libye et en l'accusant de chercher à renforcer la présence de la Russie dans ce pays déchiré par une guerre civile depuis 2011.
Le maréchal Haftar est appuyé par les Émirats arabes unis, l'Égypte et la Russie. La France, bien qu'elle s'en défende, a également soutenu Khalifa Haftar, selon nombre d'analystes.

"D'autres sanctions envisagées" contre la Turquie ?
Par ailleurs, les ministres européens des Affaires étrangères vont se réunir le 13 juillet prochain à la demande de la France pour débattre de la Turquie et de nouvelles sanctions pourraient être envisagées, a déclaré mercredi le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
Les pays de l'Union européenne se sont entendus en octobre dernier à Luxembourg sur un régime de sanctions économiques à l'encontre de la Turquie pour ses forages gaziers dans les eaux territoriales de Chypre. "Des sanctions ont été prises en raison des forages. D'autres sanctions peuvent être envisagées", a dit Jean-Yves Le Drian lors d'une audition devant la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale.
En plus d'un désaccord sur la situation en Libye, les relations ne cessent de se dégrader entre la France et la Turquie aussi sur les activités de forage et d'exploration gazière et pétrolière en Méditerranée ou sur la question des missiles russes S-400 achetés par Ankara en dépit de son appartenance à l'Otan.
Avec AFP et Reuters