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En pleine crise sanitaire et économique, nul ne sait si le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pourra mettre en œuvre son projet d’annexion d’une partie de la Cisjordanie, prévu le 1er juillet.

Benjamin Netanyahu pourra-t-il mettre son projet d’annexion d’une partie de la Cisjordanie à exécution mercredi 1er juillet ? "Honnêtement, je pense que personne ne sait ce qui se passera le 1er juillet ni les jours suivants. Et Netanyahu non plus", a déclaré à France 24 Elias Zananiri, vice-président du comité d'interaction de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) avec la société israélienne. "Mais une chose est claire : les Palestiniens n'accepteront aucune forme d'annexion que ce soit", a-t-il déclaré dimanche à France 24.  

Selon l'accord passé en mai entre Benjamin Netanyahu et son ancien rival électoral Benny Gantz, leur gouvernement d'union doit se prononcer à partir de mercredi sur la mise en œuvre du plan américain pour le Proche-Orient, qui prévoit notamment l'annexion par Israël de colonies et de la vallée du Jourdain en Cisjordanie occupée. Certains observateurs estiment que le gouvernement pourrait temporiser ou commencer par annexer seulement certaines colonies ou blocs de colonies. 

Lundi, Benny Gantz, actuellement ministre de la Défense, a lui-même affirmé que le projet n’était pas une priorité, mettant en avant la pandémie de coronavirus. Après avoir réussi dans un premier temps à relativement bien contenir le virus, Israël enregistre actuellement une hausse du nombre de cas. Dans ce contexte de crise sanitaire, seuls 5 % des Israéliens considèrent que l'annexion doit être la priorité du gouvernement, selon un récent sondage.  

Comment comprendre les annonces de Benjamin Netanyahu sur une possible annexion d'une partie de la Cisjordanie ? Alain Dieckhoff et Stéphanie Latte-Abdallah, du @CERI_SciencesPo, étaient sur @franceculture pour en parler ???? https://t.co/Ps9m9DCJhX

— Sciences Po (@sciencespo) June 29, 2020

Une annexion à la hâte 

Mais pour Benjamin Netanyahu, le temps presse. La mauvaise gestion de la crise aux États-Unis et les mauvais sondages de Donald Trump peuvent laisser penser que l’actuel président américain ne sera pas forcément réélu, le 3 novembre prochain. Or Benjamin Netanyahu a besoin de l’artisan de ce plan au pouvoir pour le mettre en œuvre. Or son adversaire dans la course à la Maison Blanche, Joe Biden, a lui vivement critiqué le projet et d'ores et déjà annoncé qu’il ne le soutiendrait pas s'il était élu.

Les ennuis judiciaires de Benjamin Netanyahu pourraient également précipiter la mise en œuvre du plan : annexer les territoires palestiniens serait une manière de détourner l'attention des accusations de corruption, fraude et abus de confiance. En effet, depuis le début de son procès le 24 mai, le Covid-19 et l’annexion imminente de la Cisjordanie font les gros titres de la presse, éclipsant les audiences de son procès. 

À cela s’ajoute la volonté du chef du Likoud, détenteur du record de longévité au poste de Premier ministre de toute l'histoire d'Israël, de garder le pouvoir. Or "il sait que l'annexion est importante pour la droite, sa base électorale. Stratégiquement, s'il n'annexe pas, ce sera problématique vis-à-vis de ses électeurs." 

Le spectre d’une crise économique  

En attendant de prendre une décision, Benjamin Netanyahu doit composer avec les vives critiques que son projet soulève. Il faut dire que l'annexion unilatérale "fait craindre une nouvelle confrontation entre Israéliens et Palestiniens”, estiment des analystes du Adva Center, un groupe de réflexion progressiste basé à Tel Aviv, dans une publication diffusée le 17 juin. "Une nouvelle flambée de violence amplifiera à coup sûr la crise économique liée à l'épidémie coronavirus, tout comme la deuxième intifada avait exacerbé la crise engendrée après l’éclatement de la bulle spéculative sur les technologies en 2000."

La récession économique qui avait alors suivi la deuxième Intifada avait été décrite par la banque centrale d’Israël comme la plus longue de l’histoire du pays. "Au cours de la deuxième Intifada, le nombre de touristes entrant en Israël était tombé à moins d'un million", selon les analystes du Adva Center. 

Une situation qui ressemble à s’y méprendre à celle que traverse aujourd’hui le pays. Au cours des derniers mois, le tourisme israélien - en plein essor avant la crise sanitaire, avec 4,6 millions de visiteurs étrangers en 2019 – est de nouveau en berne. Le chômage a également grimpé à 18 % contre 3,4 % avant la pandémie. "Pour compenser les pertes causées par l'épidémie, Israël doit non seulement venir à bout du Covid-19 mais aussi rester à l'écart des conflits", expliquent ces mêmes analystes. 

UN Human Rights Chief @mbachelet urges #Israel not to proceed with its plans to illegally annex a swathe of occupied Palestinian territory, saying it would have a disastrous impact on #HumanRights of Palestinians and across the region.

Learn more: https://t.co/W8pcEY5FTk pic.twitter.com/HIZNoiOSjK

— UN Human Rights (@UNHumanRights) June 29, 2020

"L'annexion est illégale. Point final"  

Au-delà de l’aspect économique, Benjamin Netanyahu considère l'annexion de la vallée du Jourdain et des colonies juives en Cisjordanie comme son héritage historique. Et les précédentes annexions de Jérusalem-Est (1967) et du plateau du Golan (1981) "ont été perçues comme des mesures historiques par les précédents chefs de gouvernement", écrit le journaliste israélien Sever Plocker dans un éditorial de Ynet. Cette dernière annexion renforcera, selon le Premier ministre, l'emprise d'Israël sur certaines parties de la terre biblique et lui permettra de mieux défendre ses frontières."

"La communauté internationale doit rapidement réagir, prévient Elias Zananiri. "Je crois que c'est son devoir d'intervenir et, pour une fois, de brandir la menace contre Israël et de dire au gouvernement sortant qu'il ne peut pas continuer à se comporter et à agir en dépit du droit international". 

C’est chose faite. "L'annexion est illégale. Point final", a affirmé Michelle Bachelet, Haute‑Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme dans une déclaration écrite lundi. "Toute annexion. Qu'il s'agisse de 30 % de la Cisjordanie ou de 5 %". Et de conclure : "Je demande instamment à Israël d'écouter ses propres anciens hauts fonctionnaires et généraux, ainsi que les nombreuses voix dans le monde, l'avertissant de ne pas poursuivre sur cette voie dangereuse".  

Adapté de l'anglais par Aude Mazoué