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Municipales 2020 : ville par ville, les grandes batailles du second tour

Les résultats du second tour des élections municipales dans les grandes villes de France, dimanche soir, seront particulièrement attendus : les scrutins de Marseille, Lyon, Toulouse, Strasbourg ou encore Bordeaux promettent une soirée animée.

Environ 30 000 maires ont déjà été élus au soir du premier tour, mais dans la plupart des grandes villes de France, le résultat n'est pas acquis. Les habitants de Paris, Marseille et Lyon, notamment, doivent choisir, dimanche 28 juin, qui dirigera leur ville pour les six années à venir.

Après un entre-deux-tours de plus de trois mois en raison de la crise sanitaire du Covid-19, ceux qui parviendront à s'imposer dans ces villes remporteront une victoire de prestige, pour eux-mêmes et pour leur parti. À ce petit jeu, Europe Écologie-Les Verts (EELV) pourrait bien être le grand gagnant du scrutin, au contraire de La République en marche (LREM), dont peu de candidats restent en lice pour le second tour dans les grandes villes.  

  • Paris : Anne Hidalgo en confiance

Trois candidates restent en lice dans la capitale à l'issue d'une campagne chaotique. La maire PS sortante Anne Hidalgo, largement en tête au premier tour avec 29,3 % des voix, l'ancienne ministre Rachida Dati pour Les Républicains (22,7 %) et la candidate LREM de secours, Agnès Buzyn (17,3 %).

L'entre-deux-tours exceptionnellement long a conforté la position d'Anne Hidalgo, qui a conclu un accord avec la liste écologiste conduite par David Belliard (10,8 %). Rachida Dati, déterminée, a continué à quadriller le terrain et le maintien de la candidature d'Agnès Buzyn est longtemps resté incertain, après ses déboires du premier tour. Quant au candidat ex-LREM Cédric Villani, cinquième au premier tour (7,9 %), il s'est refusé à toute alliance après des discussions infructueuses.

Conséquences, avec 44 % d'intentions de vote, selon l'Ifop, la maire PS aborde le second tour en position de force, devant Rachida Dati (33 %) et Agnès Buzyn (20 %). Mais l'attitude des abstentionnistes du premier tour pourrait peser sur le résultat.

  • Marseille : incertitude sur l'après-Gaudin

L'issue du scrutin est plus incertaine que jamais à Marseille, bastion des Républicains dirigé par Jean-Claude Gaudin depuis 25 ans, où la gauche est arrivée en tête au premier tour.

La campagne s'est affolée mi-juin, avec l'ouverture d'une enquête sur de possibles fraudes aux procurations chez Les Républicains, qui a accentué les difficultés de la candidate du parti Martine Vassal, longtemps donnée favorite. La présidente de la métropole et du département, qui se défend d'avoir fraudé, s'emploie désormais à dissiper le doute et contre-attaque en agitant le spectre du "péril rouge".

À gauche, le Printemps marseillais, liste d'union menée par Michèle Rubirola, est porté par ses scores du premier tour, même dans des arrondissements bastions de la droite, et a obtenu le ralliement d'EELV, parti seul au premier tour.

Mais le scrutin se joue par secteurs, et le choix de se retirer d'un des plus importants de la ville pour faire barrage à l'extrême droite, tout en se maintenant face à l'ex-socialiste Samia Ghali dans un autre, pourrait l'handicaper.

Le nom du maire de Marseille ne sera peut-être connu qu'au "troisième tour", lorsqu'une majorité devra se dégager au conseil municipal pour l'élire. Le Rassemblement national de Stéphane Ravier, seul à avoir pu se maintenir dans tous les secteurs, et les outsiders Samia Ghali (DVG) ou Bruno Gilles (dissident LR) pourraient alors jouer un rôle clé.

  • Lyon : à portée des Verts

Les Verts vont-ils s'emparer de la capitale des Gaules ? À Lyon, le scrutin est double, municipal et métropolitain, et le second tour oppose trois camps principaux : les écologistes alliés à la gauche et l'extrême gauche, la coalition formée par LR et Gérard Collomb, et des dissidents de LREM.

Après son gros score sur la ville le 15 mars, sauf revirement complet des électeurs, le candidat EELV Grégory Doucet est le favori pour être le prochain maire.

Le match est plus serré sur la métropole, véritable enjeu politique car elle concentre l'essentiel des pouvoirs. Il oppose l'écologiste Bruno Bernard au sénateur LR François-Noël Buffet et au président sortant de la collectivité, David Kimelfeld – LREM dissident, il n'a pas récupéré l'investiture retirée à Gérard Collomb, grand perdant du premier tour qui soutient désormais la droite.

Le 15 mars, les Verts sont arrivés en tête dans 8 des 14 circonscriptions de la métropole : de quoi espérer l'emporter le 28 juin avec leurs alliés. Mais le niveau de participation et les reports de voix induits par les alliances rendent le verdict incertain.

Le plus probable est que l'élection se joue au "troisième tour", quand les conseillers du Grand Lyon devront désigner leur président. Sans majorité nette, le jeu des négociations sera très ouvert. Une seule chose est sûre : La République en Marche perdra son fief.

  • Toulouse : le maire LR sortant sous pression d'une alliance verts-gauche

Après avoir rallié les socialistes à sa liste vert-rouge-citoyen, l'écologiste Antoine Maurice part au coude-à-coude avec le maire LR Jean-Luc Moudenc pour tenter de faire de Toulouse l'une des principales conquêtes vertes des municipales.

Conseiller municipal d'opposition après un premier mandat dans la majorité – pendant la parenthèse socialiste de 2008 à 2014 – l'écologiste Antoine Maurice, 39 ans, juge "sérieuses" les chances de sa liste Archipel citoyen.

En mars, cette formation, conçue en 2017 par un collectif et qui allie verts, LFI, citoyens tirés au sort et acteurs associatifs, dont une égérie locale des Gilets jaunes, a percé en deuxième place avec 27,5 %.

Face à un édile Macron-compatible de 59 ans, dont la liste sans étiquette soutenue par LR et LREM a obtenu 36,1 %, Archipel citoyen ambitionne de mettre fin au "paradoxe toulousain", vote municipal au centre-droit à rebours du vote de gauche régional et national.

Sonnant l'alarme contre une prise de la mairie par des "forces obscures", "Insoumis et extrêmes", Jean-Luc Moudenc compte surtout sur une remobilisation de son électorat, "majoritaire" selon lui parmi les abstentionnistes, alors que la participation en mars a chuté à 36,66 %.

  • Montpellier : triangulaire incertaine

Les municipales à Montpellier devraient garder leur réputation de scrutin le plus fou de France jusqu'au soir du 28 juin, après un premier tour marqué par de multiples rebondissements, 14 listes en lice et une abstention très élevée (65,3 %).

Le second tour opposera, dans une triangulaire incertaine, le maire sortant DVG Philippe Saurel, arrivé en tête le 15 mars avec un score médiocre de 19,1 %, son challenger socialiste Michaël Delafosse (16,6 %), qui n'a rallié à lui que la liste EELV (7,4 %), et enfin une alliance improbable entre le milliardaire septuagénaire Mohed Altrad et trois jeunes candidats écologistes et de gauche.

Le patron du groupe international Altrad et du club de rugby local a réuni 13,3 % des votants au premier tour après avoir pourtant échoué à décrocher un soutien LREM. Pour le second tour, il a noué une alliance avec l'inclassable trublion du Net Rémi Gaillard, la liste citoyenne d'Alenka Doulain, soutenue par une partie de la France insoumise, et enfin la liste de Clothilde Ollier, investie puis destituée par EELV alors qu'elle était donnée favorite pour le scrutin, et elle aussi soutenue par une partie des Insoumis montpelliérains. Sur le papier, cette étrange alliance pèse près de 40 %, mais cet accord ressemble surtout à un coup de poker qui prolonge le suspense.

  • Strasbourg : la surprise LREM ?

À Strasbourg, où le maire sortant, Roland Ries, ne se représente pas après deux mandats consécutifs, c'est son poulain, le LREM Alain Fontanel, 51 ans, qui semble tenir la corde après son accord surprise avec le LR Jean-Philippe Vetter, 39 ans. Avec 38 %, les scores cumulés des deux hommes au premier tour placent théoriquement en tête pour le second tour la liste emmenée par le candidat macroniste, qui pourrait donc offrir au parti présidentiel l'une de ses rares prises de choix lors de ces municipales.

Arrivé deuxième le 16 mars avec 20 % des voix, Alain Fontanel, actuel premier adjoint au maire, avait été largement distancé par la candidate écologiste Jeanne Barseghian (28 %). Mais cette dernière, qui avait besoin d'un accord avec la socialiste Catherine Trautmann (troisième avec 19 %) pour consolider son avance, n'a pas réussi à s'entendre avec l'ancienne maire de Strasbourg.

Une brèche dans laquelle les candidats LREM et LR se sont engouffrés en déposant in extremis, et à la surprise générale, une liste commune. Un coup de poker, alors que Jean-Philippe Vetter et Alain Fontanel – qui avait aussi entamé avec Catherine Trautmann des négociations qui n'ont pas abouti – avaient fait mine les jours précédents de partir chacun de leur côté. En cas de victoire, Alain Fontanel serait maire de Strasbourg et soutiendrait Jean-Philippe Vetter pour la présidence de l'Eurométropole.

  • Bordeaux : un écolo face au sortant

Ce devait être une quadrangulaire après 73 ans d'élections de maires de droite dès le premier tour. Il n'y aura finalement que trois listes à Bordeaux : le maire sortant LR, le Macron-compatible Nicolas Florian (51 ans), a fait alliance avec le candidat LREM Thomas Cazenave (42 ans), dont la liste avait rassemblé 12,69 % au premier tour. Ce n'est pas beaucoup pour un parti présidentiel, mais assez pour donner un peu d'oxygène à l'héritier d'Alain Juppé, dont la liste n'avait devancé que de 96 voix l'écologiste Pierre Hurmic allié à la gauche (34,56 % contre 34,38 %).

Nicolas Florian et Thomas Cazenave assurent aujourd'hui que 80 % de leurs programmes se recoupaient et invoquent la crise sanitaire pour expliquer cette alliance, tandis que le Vert de 65 ans, qui siège depuis 25 ans dans l'opposition municipale, peut espérer rassembler largement des écologistes à la gauche.

Mais pas toute la gauche, car le score au premier tour (11,77 %) de la liste "anticapitaliste" NPA-LFI-PCF de Philippe Poutou a permis à l'ancien candidat à la présidentielle de se maintenir et même d'espérer devenir conseiller municipal, ce qui serait son premier mandat électif à 53 ans.

  • Lille : Martine Aubry pour un quatrième mandat ?

À Lille, trois candidats se sont qualifiés : Martine Aubry, maire PS depuis 2001, arrivée en tête au premier tour (29,8 %) devant son allié de la mandature, l'écologiste Stéphane Baly (24,5 %), et son ex-directrice de cabinet Violette Spillebout (17,5 %), partie sous les couleurs du parti présidentiel.

Alors que les Verts avaient laissé planer le doute sur leurs intentions réelles, Martine Aubry et Stéphane Baly ont finalement annoncé qu'ils ne feraient pas alliance.

Martine Aubry a en revanche reçu jeudi soir le soutien de la droite lilloise qui a appelé à faire barrage aux Verts, qualifiés de "fous furieux", d'"extrémistes" et d'"écolos marxistes".

Violette Spillebout, qui a repris son poste de cadre dirigeant à la SNCF, partira seule après avoir refusé une alliance avec la droite (8,2 %).

  • Le Havre : Édouard Philippe en duel

Au Havre, Édouard Philippe, arrivé en tête du premier tour avec 43,60 % des voix, affronte au second tour le député PCF Jean-Paul Lecoq dont le score (35,88 %) avait créé la surprise le 15 mars.

Le Premier ministre a depuis été à la manœuvre dans la crise épidémique, engrangeant au passage une forte hausse de sa popularité au niveau national. Un sondage de l'Ifop paru la semaine dernière le crédite de 53 % d'intentions de vote pour le second tour dans cette ville de 170 000 habitants, contre 47 % à Jean-Paul Lecoq, mais l'inconnue de l'abstention fait peser une forte incertitude.

Édouard Philippe a été maire de 2010 à 2017 de cette ville sociologiquement à gauche. Face à l'ex-LR, élu dès le premier tour en 2014, la gauche tente de faire front malgré les tensions entre sa tête de liste et les écologistes, et l'échec de la fusion avec la liste menée par l'EELV Alexis Deck au premier tour (8,28 %).

Sept parlementaires non normands, dont un EELV, ont clamé mercredi au Havre leur soutien à Jean-Paul Lecoq. Et stigmatisé un candidat Premier ministre qui "serait un maire fantôme" puisqu'il a confirmé mardi qu'il privilégierait son poste à Matignon sur celui de maire s'il est élu.

  • Perpignan : "front républicain" incertain contre le RN

À sa quatrième tentative, Louis Aliot (photo) semble en mesure de conquérir Perpignan, sauf si le "front républicain" qui tente de se former autour du maire LR sortant Jean-Marc Pujol parvient à rassembler la gauche, le centre et la droite, comme en 2014.

Élu député en 2017, l'ancien compagnon de Marine Le Pen a totalisé 35,6 % au premier tour et affronte en duel Jean-Marc Pujol, qui a seulement récolté 18,4 % des voix, beaucoup moins qu'en 2014 (30 %) quand il avait ensuite vaincu Louis Aliot au second tour.

Qualifiés pour le second tour, l'écologiste Agnès Langevine (EELV-PS, 14,5 %), vice-présidente de la région Occitanie, et le député LREM Romain Grau (13 %) ont opéré un "retrait républicain", espérant ainsi empêcher la victoire de Louis Aliot. Mais à gauche comme à droite, la mobilisation anti-Aliot est incertaine. Trois colistiers de Romain Grau se sont prononcés pour le député du RN.

En cas de victoire de Louis Aliot, Perpignan serait, avec ses 120 000 habitants, la plus grande ville conquise par l'extrême droite depuis Toulon (1995-2001).

Avec AFP