
La présentation du plan de déconfinement par Édouard Philippe aura lieu mardi, à 15 h, à l’Assemblée nationale, et sera suivie d’un débat et d’un vote dans la foulée. L’opposition et certains députés de la majorité critiquent la méthode du gouvernement.
"Une faute contre la démocratie" pour Olivier Faure (Parti socialiste), "un déni de démocratie" pour Damien Abad (Les Républicains), "la démonstration de leur mépris pour la démocratie parlementaire" selon Bastien Lachaud (La France insoumise) : l'opposition s'insurge depuis l'annonce, en fin de semaine dernière, de la décision du gouvernement de faire voter les députés sur le plan de déconfinement dans la foulée de sa présentation, regrettant le manque de temps de concertation avant le vote.
"Comment peut-on demander à un parlementaire de voter les yeux fermés sur une décision qui va être l'une des plus lourdes depuis la Seconde Guerre mondiale ?", interroge le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, contacté par France 24. "Je ne voterai pas sur un plan qui énumère des généralités. La question n'est pas l'objectif du déconfinement, mais les moyens qu'on donne pour atteindre cet objectif. Comment va-t-on protéger les enseignants ? Comment les enfants vont-ils manger ? Je veux les détails. Je ne signe pas un chèque un blanc."
"Ce serait quand même logique de décaler de 24 heures le vote, qu'on puisse consulter et échanger avec l'ensemble des députés de notre groupe", estime de son côté le patron du groupe LR, Damien Abad, contacté par France 24. Ce dernier fait notamment valoir que seuls 75 des 577 députés peuvent être présents au sein de l'hémicycle en raison des mesures de distanciation sociale.
"Le président de la République a pris le problème à l'envers en décidant seul d'une date, juge le député LFI Bastien Lachaud, contacté par France 24. Il fallait poser les critères nécessaires aux bonnes conditions d'un déconfinement et une fois qu'on a rempli ces critères, on peut décider de la date."
Des critiques jusqu'au sein de la majorité
Même au sein de La République en marche, des députés comme Martine Wonner ont contesté le délai trop court pour se prononcer. Cette dernière a envoyé dimanche une lettre à Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale. "Comment le législateur peut-il se prononcer en sérénité sur un 'plan de déconfinement' alors qu'il ne le découvrira que quelques minutes avant le vote ?", interroge-t-elle.
???? «Nous regrettons que notre Assemblée ne soit réduite qu’à un avis consultatif.»Avec des collègues députés j'ai adressé ce jour un courrier à @RichardFerrand au sujet du changement des règles du débat #tracing et plan #déconfinement. La #démocratie a plus que jamais sa place ! pic.twitter.com/IWItNm5yTu
— Martine WONNER (@MartineWonner) April 26, 2020Les critiques portent également sur le choix de ne plus organiser, comme prévu à l'origine, deux votes : l'un sur le déconfinement, l'autre sur le traçage numérique, qui doit permettre de retrouver les contacts des porteurs du coronavirus. Le sujet du traçage avait provoqué des remous au sein même de la majorité et sa dilution dans la question du déconfinement est perçue comme une tactique politique.
Malgré ces protestations, la conférence des présidents, qui réunit le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, le ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, et les présidents de chaque groupe parlementaire et de chaque commission, a validé lundi matin la tenue du vote.
Sauf revirement inattendu, Édouard Philippe s'exprimera donc à l'Assemblée nationale, mardi 28 avril, à partir de 15 h, pour présenter "la stratégie nationale du plan de déconfinement" qui doit débuter le 11 mai. Un débat de 2 h 30 suivra, conclu par le vote à main levée. Les représentants des groupes politiques seront porteurs des voix des membres de leur groupe. Mais tout député pourra faire savoir qu'il adopte une position différente de son groupe.
Attendu sur six thèmes prioritaires, "la santé (masques, tests, isolement...), l'école, le travail, les commerces, les transports et les rassemblements", Édouard Philippe a promis dimanche d'engager ensuite "une période de co-construction du plan national et de ses déclinaisons territoriales".
"Un choix respectueux des institutions"
Car l'exécutif l'assure : le couple "maire-préfet" sera à la manœuvre du déploiement sur le terrain. Les préfets se feront d'ailleurs détailler les mesures dès mercredi matin, tout comme les associations d'élus, qui devaient être toutes réunies en visioconférence lundi mais le seront finalement mercredi à 9 h par Édouard Philippe.
Depuis le début de la crise, j’ai toujours veillé à respecter le contrôle du Parlement : l’annonce de la stratégie de déconfinement se fera à l’Assemblée nationale. Ma déclaration sera soumise au débat puis au vote des députés.
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) April 26, 2020"La réalité, c'est que les élus et les partenaires sociaux ne sont jamais consultés par ce gouvernement, conteste Olivier Faure. On est face à un pouvoir qui considère qu'il doit, au mieux, mettre en scène la discussion. Mais aucune discussion n'a jamais lieu. C'est une parodie de démocratie."
Martine Wonner n'a d'ailleurs reçu aucune réponse de Richard Ferrand ou de l'exécutif. Elle fait partie de ces citoyens qui se sont engagés en politique en 2017 après l'appel lancé par Emmanuel Macron. Médecin en Alsace, une région particulièrement touchée par la pandémie de Covid-19, elle n'a pas de mots assez durs pour critiquer sa formation.
"On nous avait promis de faire de la politique autrement, mais là on demande encore une fois aux députés de la majorité d'être de bons soldats", fustige-t-elle dans un entretien avec France 24, se disant "profondément attristée et choquée" de l'attitude de ses collègues. "Sous prétexte d'une fidélité à LREM, ils en viennent à perdre toute lucidité."
De son côté, le gouvernement s'étonne de la polémique. "Aucun autre pays européen n'est allé présenter son plan de déconfinement devant son Parlement. Le Premier ministre aurait pu faire sa présentation en s'adressant directement aux Français lors d'une conférence de presse. Donc au contraire : en faisant le choix du débat et du vote, c'est un choix respectueux des institutions", fait valoir une source au sein de l'exécutif, contactée par France 24.