Le procureur de Los Angeles a fait savoir qu'il allait demander l'extradition de Roman Polanski. Le cinéaste, arrêté samedi en Suisse pour une affaire de mœurs vieille de 30 ans, a d'ores et déjà annoncé qu'il "refusait" l'extradition.
La justice américaine a décidé de passer à la vitesse supérieure. Le procureur de Los Angeles a annoncé, ce lundi, qu'il allait demander officiellement l'extradition vers les États-Unis de Roman Polanski, arrêté samedi dans le cadre d'une affaire de mœurs vieille de 30 ans. "Nous allons préparer une demande d'extradition, qui sera envoyée au département de la Justice et au département d'Etat, et qui suivra la voie diplomatique", a déclaré à l'AFP la porte-parole du bureau du procureur de Los Angeles, en Californie.
La demande devrait, d'après le bureau du procureur, être soumise dans un "délai de 40 jours". Un temps que le cinéaste devrait mettre à profit pour s'opposer à la procédure. Son avocat a fait savoir, ce lundi, que Roman Polanski "refusait" l'extradition vers les États-Unis.
Son arrestation, intervenu samedi alors qu'il arrivait tout juste à Zurich où il devait recevoir un prix pour l'ensemble de son œuvre au Festival du film de la ville, a suscité une forte vague de protestations. La mobilisation des amis du cinéaste, des écrivains de par le monde, et d’hommes politiques français, suisses et polonais, n’a pas pour seul effet de réconforter Roman Polanski.
Ils es
pèrent aussi faire pression sur les autorités helvétiques et américaines, pour qu’elles abandonnent toute poursuite contre le cinéaste, accusé d’avoir eu des relations sexuelles avec une jeune Américaine de 13 ans, en 1977. Le cinéaste avait fui les États-Unis en janvier 1978. Le juge Paul Breckenridge avait alors refusé de rendre un verdict par contumace.
L'avocat français de Roman Polanski, Me Hervé Témime, a parlé au quotidien "Le Figaro" d’"un problème de prescription" pour cette affaire. "Faut-il le rappeler, la victime supposée de l'infraction s'est désistée depuis de très longues années". Samantha Geimer, aujourd’hui âgée de 45 ans, avait publiquement "pardonné" au réalisateur il y a six ans.
Mobilisation des politiques et des artistes
Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, et son homologue polonais Radoslaw Sikorski, ont écrit ensemble au secrétaire d’Etat américain, Hillary Clinton, pour demander la libération du cinéaste. "Tout ça n'est pas très joli", a déclaré lundi Bernard Kouchner sur les ondes de France Inter. Le ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand, a jugé "absolument épouvantable" l'arrestation du cinéaste, ajoutant que le président Nicolas Sarkozy suivait l'affaire "très attentivement".
Une pétition a été lancée pour exiger la "remise en liberté immédiate" du réalisateur et dénonce un "traquenard policier". Parmi les premiers signataires figurent les réalisateurs Costa-Gavras, Wong Kar-wai, Fanny Ardant, Abderrahmane Sissako, Tony Gatlif et Bertrand Tavernier. "Depuis ce matin, tous les metteurs en scène, à la Cinémathèque, à l’association des producteurs-réalisateurs, tout le monde se téléphone pour voir ce qu’on peut faire. On ne comprend pas qu’un festival aussi important que celui de Zurich, que je connais bien, invite un grand metteur en scène, et à l’arrivée, le laisse être arrêté, raconte le réalisateur Costa-Gavras. C’est inacceptable. Nous avons fait une pétition et toutes les démarches possibles et imaginables pour essayer de le sortir de ce guet-apens, parce qu’on ne peut pas l’appeler autrement."
Pourquoi l’arrêter maintenant ?
Roman Polanski se rendait régulièrement en Suisse, où, selon son avocat, il possède un chalet, dans la ville de Gstaad. Alors pour quelles raisons l’arrêter aujourd’hui ? Le parquet de Los Angeles a précisé avoir planifié l'arrestation du réalisateur la semaine dernière, après avoir eu connaissance de sa venue à Zurich pour le festival. Le parquet a alors envoyé un mandat d'arrêt. Pour la ministre suisse de la Justice, Eveline Wildmer-Schlumpf, il n'y avait "pas d'autre solution" que de l'arrêter. Et si cela n'a pas été fait avant, c'est que, jusqu’alors, les autorités helvétiques ne connaissaient pas ses voyages à l'avance, a-t-elle assuré.
L’année dernière, Marina Zenovich avait produit un documentaire, “Wanted and Desired”, qui retrace cette affaire, et révèle des faits troublants concernant le sérieux et l’impartialité de l’enquête judiciaire.