
Le gouvernement français prépare les mesures qu'il prendra à partir du 11 mai, date du début du déconfinement envisagée par Emmanuel Macron. Il dispose de quatre semaines pour résoudre ce casse-tête.
Comment rouvrir les écoles sans risque ? Qui tester et dans quel but ? Quels commerces et industries relancer ? Le gouvernement promet un plan complet "largement" avant le 11 mai pour répondre aux interrogations multiples sur le déconfinement.
L'allocution du président Emmanuel Macron, lundi soir, a répondu à la question sur la date du déconfinement progressif de la France, mais en a soulevé une multitude d'autres. À charge pour le Premier ministre, Édouard Philippe, et son équipe d'y répondre.
Le chef du gouvernement a assuré à l'Assemblée nationale mardi préparer "un plan complet de sortie, un plan d'ensemble" qu'il compte présenter quand "il sera prêt". "Mais il doit être travaillé en consultation avec beaucoup d'acteurs pour être véritablement à la hauteur des enjeux", a-t-il relevé, évoquant "la coordination nécessaire pour faire en sorte que ces objectifs rappelés par le président de la République soient atteints".
La principale interrogation découle de l'annonce surprise par Emmanuel Macron que les crèches et établissements scolaires (à l'exception de l'enseignement supérieur) allaient rouvrir à partir du 11 mai. La polémique n'a cessé d'enfler depuis lundi soir.
"C'est tout sauf sérieux […]. On sait que c'est un lieu de haute transmission, de haute contamination. Cela paraît être en contradiction totale avec le reste", a réagi Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire.
Côté médical, le président de la Fédération des médecins de France, Jean-Paul Hamon, s'est dit "tracassé" par une annonce qui ferait courir "un risque inutile".
Les critiques sont d'autant plus virulentes que bars, restaurants et salles de cinéma resteront fermés. Et il n'y aura pas de grands festivals ni de rassemblements au moins jusqu'à la mi-juillet.
"Depuis quelques jours nous observons un plateau"
Justification du Premier ministre devant les députés : "Il y a un impératif [de retour à l'école] qui est réel, il ne peut pas se faire au prix de la santé, bien entendu. Il doit être conjugué avec la nécessité de préserver la santé de nos concitoyens, de garantir le respect de règles sanitaires".
Il s'agit, selon lui, d'éviter que les inégalités sociales ne se creusent concernant l'accès à l'enseignement. Tout en précisant que la réouverture des écoles pourrait se faire "progressivement".
Inégalités sociales, territoriales, familiales : pour certains enfants, l'impact du confinement est très élevé. C'est pourquoi nous devons ramener le plus grand nombre d'enfants vers le chemin de l'école. Bien entendu, pas au prix de la santé. #COVID19 pic.twitter.com/Dxb4wPpVZ2
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) April 14, 2020Mais cette annonce a grandement surpris, car l'épidémie continue de faire des ravages dans le pays, placé en confinement depuis le 17 mars.
La France a franchi le cap de 15 000 morts du Covid-19 (15 729 morts), soit 762 décès supplémentaires par rapport au décompte de lundi soir. Il s'agit du plus important bilan quotidien depuis le début de l'épidémie, selon les chiffres fournis par le numéro deux du ministère de la Santé, Jérôme Salomon.
En France, 6 730 patients dans un état grave se trouvaient en réanimation mardi soir, soit un solde de -91 par rapport à lundi. Cet indicateur, qui dénote la pression sur le système hospitalier équipé avant la crise de 5 000 lits de réanimation, est très suivi par les spécialistes.
"Depuis quelques jours, nous observons un plateau, un ralentissement de nombre d'admissions, une légère diminution du nombre de patients en réanimation […]. Grâce au confinement, nous avons limité la diffusion du virus", s'est félicité le Pr Salomon.
Mais ces chiffres ne tiennent pas compte des décès survenus à domicile qui seront disponibles mercredi, selon le Pr Salomon.
Comment procéder au déconfinement dans ces conditions ? L'opération pourrait s'avérer catastrophique si n'était pas mis en place un système de tests massifs et d'isolement des personnes infectées, selon une étude réalisée notamment par l'Inserm.
Le commerce alimentaire de gros "en très grande détresse"
"Nous sommes en train de renforcer nos capacités pour pouvoir faire [des tests] massivement, le moment venu", a assuré à l'Assemblée nationale le ministre de la Santé, Olivier Véran, tout en excluant un dépistage systématique de la population.
"Tester les personnes symptomatiques et les personnes-contact, c'est ce que nous recommande de faire l'OMS et ce que font tous les pays les plus avancés en la matière", a-t-il assuré. Selon lui, quelque 150 000 tests sont effectués par semaine actuellement et "nous sommes en train d'aller vers les 200 000 tests".
Vous êtes nombreux à vous interroger, légitimement, sur les tests. Pour répondre aux besoins des Français, nous renforçons nos capacités de dépistage. Je vous explique notre stratégie ⤵️ pic.twitter.com/xkWPADTyUl
— Olivier Véran (@olivierveran) April 14, 2020Du côté des secteurs économiques, l'annonce d'une date de déconfinement probable a été accueillie diversement.
Le patronat s'est déclaré "satisfait" que le président "ait fixé un cap pour remettre le pays en marche", à l'exception du secteur de l'hôtellerie-restauration exclu du déconfinement.
Mais le commerce alimentaire de gros, qui assure plus de 70 % de l'approvisionnement de la restauration hors domicile, s'est dit mardi "en très grande détresse" face à l'absence de perspective de reprise de son activité.
Cette branche représente "un chiffre d'affaires de près de 16 milliards d'euros", mais a vu depuis le 15 mars "80 % à 90 %" de son activité s'envoler "sans aucune possibilité de report vers d'autres canaux de distribution".
De leur côté, les 1 800 brasseurs indépendants de France ont indiqué avoir perdu "entre 80 % et 100 %" de leur chiffre d'affaires depuis le début du confinement, avec la fermeture des restaurants et l'annulation des festivals.
Ce n'est pas terminé, puisque le festival d'Avignon a jeté l'éponge dès lundi soir, suivi mardi par les Eurockéennes de Belfort, les Francofolies de La Rochelle ou le Main Square d'Arras. Le festival breton des Vieilles Charrues, le plus important de France, est en suspens et le Festival de Cannes envisage de nouvelles formes" pour son édition 2020.
Avec AFP