Alors que la Chine, berceau de l'épidémie de coronavirus, s'achemine vers un retour progressif à la normal, les témoignages d'Africains se disant victimes de discrimination, se multiplient. Les autorités locales s'inquiètent de voir la maladie revenir sur leur sol, en particulier depuis l'étranger. La montée des discriminations raciales en Chine ont conduit certains membres de la diaspora à remettre en question l'équilibre des relations sino-africaines. France 24 les a rencontrés.
Les images montrent des Africains à Canton, dans le sud de la Chine, expulsés de leurs appartements, dans l'impossibilité de louer une chambre d'hôtel et obligés de dormir dans la rue. Elles circulent massivement sur les réseaux sociaux depuis une semaine, et provoquent un tollé diplomatique entre Pékin et l'Afrique.
Des agissements au nom de la lutte contre le covid-19. Mais pour de nombreux gouvernements africains, il s'agit tout simplement de discrimination raciale. L'Union africaine a fait part samedi de son "extrême préoccupation". Des ambassadeurs chinois ont été convoqués au Ghana et au Nigeria. Et une vingtaine d'ambassadeurs africains ont été reçus, lundi, à Pékin au ministère des Affaires étrangères. Les autorités chinoises ont promis de "lever les mesures sanitaires concernant les Africains, à l'exception des patients confirmés" du Covid-19, selon un compte-rendu de la diplomatie chinoise.
Côté africain, le ton s'est adouci : à la suite d'un entretien avec le ministre des affaires étrangères chinois Wang Yi, le Président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a décrit dans un tweet une relation "forte et fraternelle" entre la Chine et l'Afrique, assurant que des mesures avaient été prises,
1/2: In a phonecall with Chinese Foreign Minister #WangYi today, he reassured me of measures underway in #Guangzhou to improve the situation of Africans, in line with the strong and brotherly partnership between #Africa and #China.
— Moussa Faki Mahamat (@AUC_MoussaFaki) April 13, 2020Dès dimanche, la Chine, sous forte pression diplomatique, avait rejeté tout "racisme" et promis "d'améliorer" son traitement des Africains dans la ville de Canton. "L'amitié sino-africaine est profondément enracinée en Chine et incassable. Nos amis africains seront traités de manière équitable, juste et amicale en Chine", a promis Zhao Lijian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Une diaspora africaine en désamour avec Pékin ?
Pas certain que ces déclarations fassent effet du côté de la diaspora africaine en Chine. Nillah Nyakoa, une kényane installée dans le pays depuis 2009 et journaliste pour le média d'État chinois CRI, a expliqué à France 24 que sa perception de son pays d'accueil pourrait changer. "Je considère que je suis chez moi depuis de nombreuses années. Mon discours a toujours été de transmettre une image positive de la Chine parce que j'ai eu une bonne expérience. Mais quand je vois mes compatriotes africains être traités comme des citoyens de seconde zone, forcément cela me donne envie de changer d'avis."
Les inégalités perçues dans la relation entre la Chine et le continent Africain apparaissent de plus en plus et dérangent : "Nous donnons un traitement favorable aux Chinois en Afrique et ce n'est pas réciproque", ajoute-t-elle.
La discrimination, "c'est ce que l'on vit en temps normal"
Pour Samantha Sibanda, fondatrice d'"Appreciate Africa Network" pour promouvoir la culture africaine en Chine, la discrimination vécue ces derniers jours a toujours été présente. "Les gens en font des tonnes mais rien de tout cela est nouveau pour moi. C'est ce qu'on vit en temps normal." Elle dénonce les difficultés à obtenir des visas ou même l'égalité salariale et aimerait que plus d'attention soit portée sur ces inégalités qui continueront d'exister après la pandémie.
Elle pointe du doigt deux responsables de la situation selon elle : les gouvernements africains qui n'ont pas fait assez pour défendre les intérêts de leurs citoyens en Chine, et les médias qui ne sont pas assez représentatifs, alors qu'ils jouent un rôle important : "On ne montre jamais aux Chinois des Africains qui réussissent en Chine." C'est cette perception qu'elle essaye de changer avec son organisation.
Une influence chinoise en Afrique grandissante
Les incidents et les tensions de ces derniers jours peuvent surprendre, car la Chine entretient d'excellentes relations avec la plupart des États africains, dans lesquels elle a beaucoup investi ces vingt dernières années.
D'un côté, l'influence chinoise sur le continent africain ne cesse de croître depuis plus de 20 ans. De l'autre, les matières premières africaines ont aidé à soutenir le développement économique spectaculaire chinois.
Selon des données de l'Université Johns Hopkins, le gouvernement de Pékin ainsi que les banques et les entreprises du pays ont prêté quelques 143 milliards de dollars à l'Afrique entre 2000 et 2017, souvent pour financer d'importants projets d'infrastructure.
Près d'1 million de citoyens chinois résident en Afrique. Alors qu'ils sont environ 200 000 africains à s'être installés.
Avec AFP