Alors que plusieurs pays connaissent une baisse de la mortalité et du nombre de cas de Covid-19, la question de la sortie du confinement se fait de plus en plus précise. Mais à quelles conditions ? Décryptage.
Si la pandémie de Covid-19 progresse dans certaines partie du monde, comme aux États-Unis, elle marque le pas depuis quelques jours dans d'autres. Confinés pour la plupart, les pays devront dans les jours et semaines à venir, s'interroger sur les conditions pour un retour à la normalité. Les spécialistes des épidémies anticipent déjà, souvent avec crainte, cette nouvelle phase, mettant en garde contre toute levée hâtive.
"Résurgence mortelle" du coronavirus
"Lever les restrictions trop rapidement pourrait entraîner une résurgence mortelle" de la pandémie, a prévenu le patron de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Il n'est pas le seul à alerter face à tout optimisme précoce et au risque d'une seconde vague pandémique.
"Il faut être très humble et très prudent avec ce virus parce qu'on s'est déjà trompé", prévient en France l'ancien patron de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) Christian Bréchot.
"On ne voit pas bien avec une pandémie de cette ampleur comment tout pourrait miraculeusement revenir à la normale", ajoute le virologue sur France Info.
Des confinements "allégés" progressivement en Europe
Pourtant en Europe, premier continent touché par le nombre de décès (plus de 70 000 morts), plusieurs pays annoncent déjà des levées partielles du confinement.
L'Autriche va rouvrir ses petits commerces après Pâques, estimant avoir suffisamment "aplati" sa courbe des infections. Le Danemark va rouvrir crèches, écoles maternelles et primaires le 15 avril tandis que le gouvernement tchèque a déjà assoupli ses règles.
Ces pays emboitent le pas à la Chine qui a levé le 8 avril le strict cordon sanitaire entourant Wuhan, ville épicentre de la contamination, et qui semble avoir jugulé son épidémie.
Des bilans quotidiens très lourds au Royaume-Uni
Ailleurs en Europe, l'heure est au respect strict du confinement comme au Royaume-Uni où la vague épidémique déferle avec violence.
En France, le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon ne voit qu'un "pâle rayon de soleil" avec la légère diminution des admissions en réanimation et l'amorce "d'un très haut plateau".
Pays où les bilans humains sont les plus lourds sur le continent, l'Espagne et l'Italie semblent également avoir abordé un "haut plateau" avec des chiffres stables ou en léger recul. Mais aucun de ces deux pays ne se risque à baisser la garde : Rome a prolongé jusqu'au 3 mai son confinement général, Madrid jusqu'au 25 avril. Même tendance en Irlande, au Portugal et en Belgique.
En France, l'heure n'est pas au "relâchement"
En France, Emmanuel Macron devrait réitérer, lundi soir, le mot d'ordre "Restez chez vous" lors d'une allocution télévisée. Le président français se risquera-t-il à donner un calendrier de sortie ?
"Ce n'est pas lorsqu'on est arrivé à un plateau qu'il faut déconfiner, alors que les mesures ont permis d'éviter l'engorgement massif des hôpitaux" estime l'épidémiologiste Antoine Flahault.
La sortie de confinement ne pourra intervenir que plus tard, "quand on verra une décrue", ajoute celui qui dirige l'Institut de santé global à l'Université de Genève (Suisse) sur France 2.
Le chercheur Christian Bréchot "espère qu'à partir de la mi-mai on va être dans une situation de décélération", qui permettrait un "relâchement progressif".
"On ne va pas passer du noir au blanc, mais du noir au gris avec une poursuite du confinement en particulier pour certaines populations", anticipe Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique qui éclaire le gouvernement français sur l'épidémie.
"On peut commencer à discuter (...) du post-confinement. Mais l'élément essentiel et capital est la poursuite d'un confinement strict sur plusieurs semaines", met-il en avant.
Des préalables indispensable
Cet expert pose plusieurs préalables à une levée du confinement. En premier lieu avoir une décrue avérée des cas graves de Covid-19 dans les services de réanimation.
Le but est notamment de permettre aux soignants de souffler après l'effort intense qu'ils ont fourni et aux hôpitaux de reconstituer leurs stocks de matériel et produits.
La circulation du virus devra parallèlement avoir chuté dans la population, avec un taux de transmission "R" inférieur à 1, ce qui signifie qu'en moyenne une personne contaminée transmet à moins d'une autre personne (contre 3,3 personnes au début de l'épidémie).
Troisième préalable, la disponibilité en nombre suffisant des masques pour se protéger et des tests pour pouvoir suivre au plus près la circulation du virus. En France, la capacité de dépistage devrait grimper de 30 000 tests/jours actuellement à 100 000 voire 150 000/jour d'ici fin avril, selon Pr Delfraissy.
Vers un freinage estival ?
Nouvelle variable dans cette équation à multiples inconnues : l'arrivée hypothétique de nouveaux outils électroniques pour tracer les contacts des personnes contaminées.
Paris avance avec prudence sur le sujet alors que le gouvernement allemand s'apprête à lancer une application mobile, inspirée de Singapour, pour faciliter le suivi individuel des cas et l'identification des chaînes de contamination.
Autre inconnue de taille, l'importance du "freinage estival" dans la diffusion du nouveau coronavirus. Les virus respiratoires n'aiment généralement pas l'été. Ainsi, il n'y a pas d'épidémie de grippe après avril dans l'hémisphère nord. Est-ce qu'il en sera de même pour le virus SARS-CoV-2 ?
"S'il n'y a pas de frein estival, alors ça sera plus compliqué" pour sortir du confinement, anticipe l'épidémiologiste Antoine Flahault.
Reste que l'annonce d'une forte reprise des contaminations, ces derniers jours à Singapour, permet d'en douter : la température y avoisine actuellement les 30°C.
AFP