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Reconduite à la chancellerie, Merkel s'allie aux libéraux

Les conservateurs du CDU, alliés au FDP, ont remporté 332 des 622 sièges du Bundestag. Angela Merkel met ainsi un terme à la coalition avec les sociaux-démocrates du SPD, qui ont recueilli 23 % des voix.

Angel Merkel réussit à se maintenir au pouvoir après quatre années passées à la Chancellerie. Le parti conservateur CDU/CSU qu’elle dirige a remporté, dimanche, 332 sièges sur les 622 que compte le Bundestag, la Chambre haute du Parlement.

"Ces résultats nous permettent de commencer à travailler dans une atmosphère de confiance, avec un petit partenaire", a déclaré la chancelière, lors d’une conférence de presse, avant d’ajouter : "Notre parti a enregistré des résultats un petit peu en baisse (-1,4%) mais notre ancien partenaire a connu, lui, des pertes énormes."

"Nous allons mettre un terme à la grande coalition qui, tout de même, a fait du bon travail. Mais pour ce qui est de la relance de l’économie et de la croissance, je pense qu’il est beaucoup plus intéressant de travailler avec l’Union des libéraux. De cette façon, il y aura une coalition au pouvoir et de l’autre côté, une vraie opposition", a-t-elle également poursuivi.

Pour Anne Maillet, correspondante de FRANCE 24 à Berlin, Angela Merkel est confrontée à des difficultés majeures. "Son parti, la CDU, a obtenu le plus mauvais score depuis 1949, souligne-t-elle. Si elle reste à la tête de l’État, c’est bien entendu grâce à la victoire des libéraux qui ont réalisé un résultat historique."

"Hier soir, les militants et les dirigeants de la CDU savouraient ce qu’ils analysaient comme une victoire. Mais il risque d’y avoir un certain désenchantement ce matin. Car avec 33,9 % des suffrages, l’Union chrétienne démocrate obtient son plus mauvais score depuis1949, analyse Anne Maillet, correspondante de FRANCE 24 à Berlin. Ce résultat médiocre pourrait affaiblir Merkel. Il faut rappeler qu’elle s’est construite seule au sein de son parti, qu’elle n’est liée à aucun des courants du CDU. C’est ce qui a fait sa force jusqu’à maintenant. Mais ça pourrait faire sa faiblesse demain. Déjà, certains dirigeants de la CDU la critiquent."

"Chancelière par la grâce de Guido"

La chancelière, qui peut se prévaloir d’une victoire personnelle, n’a pas pour autant les mains libres. Le gros changement pour elle va consister à gouverner aux côtés des libéraux du FDP, après quatre années de coalition avec les sociaux-démocrates du SPD. Angela Merkel elle-même souhaitait la fin de cette "grande coalition". L’électorat a suivi sa demande : le FDP, emmené par le populaire Guido Westerwelle, fait un bon score en recueillant 14,6 % des suffrages et entre au gouvernement après 11 années d’opposition ; les sociaux-démocrates enregistrent, quant à eux, leur plus mauvais score de l’histoire du parti avec 23 % des voix.

Ce lundi, la presse allemande souligne combien Angela Merkel doit sa victoire aux libéraux, grands vainqueurs de ce scrutin. "Chancelière par la grâce de Guido", titre ce matin le site internet du "Spiegel". "Le FDP sauve Merkel", selon le "Financial Times Deutschland" et le "Handelsblatt".

Ce n’est pas pour autant qu’Angela Merkel va radicalement changer de politique. "Il va y avoir des négociations pour un contrat de gouvernement", estime Xavier Pacreau, directeur de la revue "Le Forum Franco-allemand", interrogé sur FRANCE 24. "Le FDP va devoir faire sa place. Il n’a que 14 % et reste minoritaire par rapport à la CDU. Les baisses d’impôts que réclament les libéraux sont difficilement envisageables, vue la situation économique. Et Merkel se souvient très bien des élections de 2005, où elle avait fait les frais d’une campagne aux accents un peu trop libéraux."

"Nous allons veiller à respecter l’équilibre social du marché, a affirmé la chancelière. Avoir d’une part du respect pour ceux qui créent de l’emploi, et de l’autre, mener une politique sociale en faveur des travailleurs et des salariés."

Le SPD, coupé de sa base électorale

C’est la débâcle pour le SPD, qui subit de plein fouet l’usure du pouvoir : sept ans avec le prédécesseur d’Angela Merkel à la chancellerie, Gerhard Schröder, et quatre ans de "grande coalition". "Le SPD a perdu le contact avec sa base et traverse une crise d’identité profonde, analyse Xavier Pacreau. Les sociaux-démocrates ont été serrés sur leur gauche par Die Linke [parti radical de gauche, qui a recueilli 11,9 % des voix, ndlr], et sur leur droite par Angela Merkel, qui s’est très bien débrouillée, notamment avec la vente d’Opel." A titre d’exemple, la Confédération syndicale, la DGP, qui représente 6,4 millions d’individus, n’avait pas appelé à voter officiellement pour le SPD, ajoute-t-il.

"Le recentrage du SPD a été amorcé dès avant la grande coalition, rappelle Anne Maillet. Gerhard Schröder avait déjà instauré une politique libérale avec des réformes sociales très dures. En 2005, de nombreux électeurs avaient accordé leurs voix aux Verts et au parti Die Linke."

Le nouveau gouvernement d’Angela Merkel devra non seulement s’atteler aux conséquences de la crise économique, mais devra également gérer l'engagement militaire en Afghanistan, impopulaire et de plus en plus meurtrier. Durant la campagne électorale, des menaces de militants islamistes avaient circulé sur Internet, dont un message sous-titré en anglais et en allemand du chef d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden.