Face à l'une des plus graves crises sanitaires que la planète ait connu depuis un siècle, scientifiques et professionnels de santé cherchent à identifier ceux qui sont le plus vulnérable face au coronavirus. Jusqu'à présent, les personnes âgées étaient perçues comme étant la catégorie la plus à risque, mais il semblerait que les hommes soient aussi davantage victimes du Covid-19.
Face au coronavirus, les personnes âgées et celles ayant déjà des problèmes de santé ne seraient pas les seules catégories les plus exposées. "Nous observons que les hommes meurent plus du virus", constate la professeure Sarah Hawkes, directrice d'un centre de recherche sur le genre et la santé au Royaume-Uni, le UCL. Selon elle, les hommes auraient "entre 10 % et 50 % de plus de chances d'en mourir que les femmes".
Ce centre est à l'origine d'un projet de collecte de données, qui étudie la mortalité liée au coronavirus en fonction du genre. Appelé le Global Health 50/50, ce consortium de scientifiques, chercheurs, journalistes, militants féministes et de personnalités politiques publie deux fois par semaine des chiffres illustrant la différence de mortalité entre hommes et femmes en lien avec le coronavirus.
Au 3 avril, 69% des victimes en Italie étaient des hommes
Selon Global Health 50/50, ce sont les chiffres transmis par la Chine, révélant que 64 % des victimes du Covid-19 étaient des hommes, qui ont alerté sur l'écart entre les genres.
Un phénomène qui semble se confirmer dans des pays européens (France, Allemagne, Italie, Espagne) mais aussi en Corée du Sud.
En Italie, au 3 avril 2020, 69 % des victimes du Covid-19 étaient des hommes. "Il ne fait aucun doute qu'une part de ce phénomène s'explique par des différences biologiques. Une grande part de cet écart est aussi liée au comportement masculin : les hommes fument et boivent globalement plus que les femmes", souligne la professeure Sarah Hawkes.
En France, le point épidémiologique, établi par Santé publique France le 2 avril, indique qu'entre le 16 et le 29 mars, 74 % des cas graves admis en réanimation étaient des hommes contre 26 % de femmes. De plus, 59,1 % des patients décédés du Covid-19 étaient des hommes.
Les hommes consultent moins de spécialistes lorsqu'ils sont malades
Sarah Hawkes, admet toutefois que les risques de contracter le virus sont équivalents pour les deux sexes, ce serait donc avec l'évolution de la maladie que les disparités entre hommes et femmes apparaîtraient. S'il est encore tôt pour déterminer les raisons de cet écart entre les genres, les chercheurs émettent déjà quelques hypothèses basées surtout sur des données venant de Chine.
En premier lieu, le mode de vie pourrait avoir une importance. En plus de fumer et de consommer plus d'alcool que les femmes, les hommes consulteraient moins de spécialistes lorsqu'ils sont malades. Qui plus est, ils se laveraient moins souvent les mains.
Le système immunitaire propre à la femme pourrait être une autre raison. Des études antérieures ont montré que les femmes se défendent mieux contre d'autres virus. Dans le cas du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère découvert en 2002) et du MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient découvert en 2012), les œstrogènes jouent un rôle protecteur.
L'immunité des femmes serait aussi renforcée par la présence des deux chromosomes X contre seulement un pour l'homme. "Nous savons que le système immunitaire des femmes fonctionne différemment que celui des hommes. Après tout, le corps des femmes est fait pour accueillir un fœtus pendant neuf mois sans que celui-ci soit rejeté comme un corps étranger", souligne Sarah Hawkes.
"Encourager les hommes à améliorer leurs habitudes d'hygiène"
Selon le docteur Sabra Klein immunologiste et spécialiste des questions du genre pour les infections virales à l'université américaine Johns-Hopkins, les autorités de santé mondiales sur ce phénomène manquent de clarté sur le sujet. Dans l'émission de France 24 The 51%, elle affirmait : "Je suis déçue que les services publics de santé dans le monde ne disent pas explicitement qu'être un homme, qui plus est âgé, représente un risque accru de développer une forme grave du virus. Je pense qu'il devrait y avoir un message de mise en garde sanitaire."
Le docteur Klein ajoute aussi que les femmes étant plus responsables quant à la pratique de l'hygiène quotidienne, il devrait y avoir un message de santé publique pour "encourager les hommes à améliorer leurs habitudes d'hygiène, sachant qu'ils sont plus vulnérables".