Le mouvement contestataire "Hirak" en Algérie a été contraint, mardi, de suspendre ses manifestations à cause de la pandémie de Covid-19. Le virus a tué au moins cinq personnes dans la pays, selon le dernier bilan officiel.
Face à la propagation du nouveau coronavirus en Algérie, les autorités ont interdit, mardi 17 mars, les manifestations du "Hirak", mouvement de contestation inédit du régime, déclenché le 22 février 2019. Le dernier bilan officiel fait état de cinq décès et de 60 personnes contaminées dans le pays.
"L'épidémie qui se propage est une question sécuritaire et sanitaire nationale, qui impose une restriction de certaines libertés, temporairement", a déclaré le président Abdelmadjid Tebboune dans un discours télévisé, en annonçant l'interdiction des rassemblements et des marches "quelles qu'en soient leurs formes et nature".
Vendredi 13 mars, les manifestants du "Hirak" bravaient par milliers la menace du virus à Alger et en province. Et le lendemain, quelques centaines d'irréductibles avaient été violemment dispersés par la police dans la capitale.
"Sagesse"
Toutefois, plusieurs figures du soulèvement pacifique exhortaient publiquement ces derniers jours à suspendre les marches hebdomadaires, tant que sévirait la pandémie. "La sagesse nécessite la suspension temporaire des marches afin de préserver la santé publique. C'est le meilleur moyen de préserver le 'Hirak', tout en réfléchissant collectivement aux alternatives", a plaidé Mustapha Bouchachi, un avocat écouté, sur Facebook.
Chez les opposants au pouvoir, on en appelle aussi à "la responsabilité de tous pour faire prévaloir la santé des Algériens", comme l'a demandé Mohcine Belabess, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Ce dernier a décidé de renoncer temporairement aux marches du "Hirak" tandis que le Front des Forces socialistes (FFS) souhaite "poursuivre la révolution sous d’autres formes".
"En Révolution, la raison prime sur la passion. Pour vivre libre, il faut être vivant", a renchéri Saïd Sadi, un autre opposant. Un avis que partage l'ex-ministre et diplomate Abdelaziz Rahabi. "La suspension temporaire des marches, en raison des risques sanitaires, s'impose comme un devoir national et préserve notre droit à manifester librement pour une Algérie plus juste et plus forte", a-t-il estimé sur Twitter.
#Algérie vit un état d’urgence sanitaire non déclaré . La suspension temporaire des marches, en raison des risques sanitaires, s'impose comme un devoir national et préserve notre droit à manifester librement pour une Algérie plus juste et plus forte .
— Abdelaziz Rahabi (@AbdelazizRahabi) March 15, 2020#Restez_chez_vous
Résultat : dans un communiqué commun, plusieurs associations étudiantes ont dit suspendre leur participation aux marches hebdomadaires du mardi et du vendredi, jusqu'à présent le seul thermomètre de la protestation populaire, afin de ne pas "porter la responsabilité de la propagation de la maladie".
Des médias favorables à la contestation ont opté pour une démarche similaire.
Le site d'information Interlignes a interrompu sa couverture du "Hirak" pour des raisons de sécurité, tout comme le journaliste Khaled Drareni, arrêté à plusieurs reprises. "Je suspends ma couverture pour le bien de tous. Nous reviendrons plus forts qu'avant", a-t-il promis sur Twitter.
Le ministre de la Santé Abderrahmane Benbouzid n'a pas manqué lui d'en appeler au "bon sens patriotique" et averti que "scientifiquement, il est très dangereux de poursuivre le Hirak".
Sur Twitter, le mot-clé #Restez_chez_vous incite les Algériens au confinement volontaire, y compris les "Hirakistes". Les Algériens ne manquent pas d'idées pour remplacer les manifestations : participer virtuellement au "Hirak" sur Internet ou protester depuis le balcon des immeubles.
Avec AFP