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Un an après la tuerie de Christchurch, la tentation sécuritaire inquiète en Nouvelle-Zélande

Il y a un an ce dimanche, un terroriste d’extrême droite tuait 51 personnes dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Depuis, le niveau de sécurité a fortement augmenté, ce qui n’est pas sans soulever des inquiétudes.

Patrouilles de police armées, surveillance renforcée... Le niveau de sécurité est monté d'un cran depuis le carnage dans les mosquées de Christchurch, il y a un an jour pour jour dimanche 15 mars, mais certains s'inquiètent d'une tentation sécuritaire qui ferait perdre son âme à la paisible Nouvelle-Zélande.

L'archipel du Pacifique Sud s'était toujours enorgueilli de sa remarquable douceur de vivre, due notamment à une très faible criminalité. À titre d'exemple, le taux d'homicide par arme à feu en 2016 y était 20 fois inférieur à celui des États-Unis.

D'où le choc, le 15 mars 2019, quand 51 fidèles musulmans furent froidement abattus en pleine prière du vendredi dans deux mosquées de Christchurch par un suprémaciste blanc australien qui avait totalement échappé aux radars du renseignement intérieur néo-zélandais.

Une enquête a été lancée sur les éventuels manquements des services de police. En attendant ses conclusions, les services de sécurité se sont promis de tout faire pour éviter un nouvel attentat islamophobe.

La cheffe du renseignement néo-zélandais (NZSIS), Rebecca Kitteridge, a demandé des pouvoirs de surveillance accrus et, pour la première fois, la police a testé le déploiement de patrouilles.

"Source d'inspiration"

Rebeacca Kitteridge a affirmé que l'alerte antiterroriste demeurait au niveau "moyen", un an après le carnage de Christchurch, ce qui signifie qu'un attentat "pourrait se produire". Avant la tuerie des mosquées, l'alerte était au plus bas.

"L'attaque a pu en encourager certains, être une source d'inspiration", a-t-elle averti en février devant une commission d'enquête parlementaire.

Après le 15 mars, ses services ont creusé plus de 450 signalements suspects dont beaucoup impliquaient des personnes aux "idées racistes, nazies, identitaires ou suprémacistes".

Le nombre d'enquêtes en cours concerne entre 30 et 50 personnes, selon la cheffe du renseignement, et certaines d'entre elles n'auraient jamais été visées par des investigations avant Christchurch.

Expérimentation de patrouilles armées

En un an, deux importantes mesures de sécurité publique ont été prises : un vaste programme de contrôle et de rachat des armes en circulation, ainsi qu'une expérimentation de patrouilles armées dans trois régions.

Les policiers en patrouille ne portent pas d'arme en Nouvelle-Zélande. Il existe toutefois des unités spécialisées, les Armed Offender Squads (AOS), mobilisables si nécessaire.

L'éventuelle systématisation du port d'arme est loin de faire l'unanimité.

John Buttle, criminologue à l'université de technologie d'Auckland, y voit une réponse impulsive qui ne réduira pas le risque d'attentat.

Armer les policiers a aussi une implication sur les Maoris et les communautés du Pacifique, les deux populations les plus confrontées en temps normal aux forces de l'ordre, relève-t-il.

"Ce que le terroriste voulait"

L'ex-policier Chester Borrows, qui préside un conseil gouvernemental planchant sur la réforme de la justice, s'inquiète aussi de l'impact sur les minorités.

"Déployer des véhicules de forces d'intervention armées jusqu'aux dents, comme si elles voulaient en découdre n'est pas la meilleure façon de nouer le dialogue avec ces communautés", a-t-il récemment dit sur Radio New Zealand.

Pour le criminologue John Buttle, armer la police est une ligne rouge à ne pas franchir et la réponse à la tuerie des mosquées doit être mûrement réfléchie. "Cela commence à empiéter sur nos libertés", accuse-t-il. "Or ce n'est pas en changeant notre mode de vie qu'on doit répondre à cela."

"On est en train de faire ce que le terroriste voulait. Ne me dites pas qu'il n'est pas en train de sourire en voyant cela."

 Avec AFP