
Considéré comme l'un des plus complexes d'Europe, le système électoral allemand permet aux votants de s'exprimer deux fois durant les législatives. Objectif : dégager des majorités claires et garantir la stabilité des institutions.
La Constitution allemande de 1949 pose des principes électoraux stricts qui ont pour but d’éviter toute résurgence d’un régime de type nazi ou de retomber dans le chaos parlementaire de la République de Weimar (1919-1933). Mais le système électoral en lui-même, l’un des plus complexes d’Europe, est défini par une seule loi, dont la dernière mouture remonte à 1993.
Trois principes président aux élections fédérales et en font un système unique : le système du double vote, les Überhangmandate (mandats supplémentaires) et la "règle des 5 %" qui interdit à tout parti en deçà de ce score d’accéder au Bundestag (Chambre basse du Parlement). Ces deux dernières dispositions sont censées favoriser les principales formations et aider à dégager des majorités claires.
Première et deuxième voix
Un électeur allemand vote donc deux fois. Sa première voix est attribuée directement à un candidat, la deuxième se porte sur un parti et sa liste. Le vote direct se règle sur un scrutin majoritaire, tandis qu’on applique la proportionnelle aux résultats des listes. Ce système permet à un même électeur de voter pour le candidat d’un parti et la liste d’une autre formation. Le Bundestag se divise ensuite à peu près en deux parties égales entre les candidats élus directement et ceux qui étaient sur les listes.
La constitution des listes donne régulièrement lieu à d’intenses bagarres au sein des partis qui décident de leur composition. Avant chaque scrutin, la petite cuisine électorale induite par ce système de deuxième voix fait l’objet de vives critiques : "Si vous ne suivez pas les règles du parti, vous pouvez très bien ne pas figurer sur une liste", explique à FRANCE 24 Josef Braml, chercheur au Centre allemand de relations internationales et rédacteur en chef de l’"Almanach des relations internationales".
Le Überhangmandate
Principale bizarrerie du système allemand, le Überhangmandat permet à un parti d’avoir plus de sièges au Bundestag qu’il n’en a remporté en théorie. En effet, si le nombre de voix qu’un parti obtient au premier vote (pour un candidat précis) dépasse de beaucoup celui qu’il a récolté au second vote (scrutin de liste), des sièges supplémentaires peuvent être créés au Bundestag pour refléter la volonté du peuple.
Cette particularité est au cœur de tous les débats actuels en Allemagne. Les deux principaux partis, la CDU (chrétien-démocrate) et le SPD (social-démocrate), devraient, d’après les derniers sondages, gagner tous les premiers votes. Les candidats élus directement iront au Bundestag quoi qu’il arrive, même si, proportionnellement, leur score ne leur donne pas droit à autant d’élus et de nouveaux mandats supplémentaires, les fameux Überhangmandate, seront créés. Pour les analystes, une vingtaine d'Überhangmandate devraient voir le jour à l’issue des élections du 27 septembre.
Ce système particulièrement controversé - la Cour constitutionnelle estime qu’il devrait être abandonné d’ici à 2011 - a pourtant une logique. "Le vote populaire tel qu’il s’exprime au scrutin majoritaire peut entrer en conflit avec la représentation proportionnelle, les Überhangmandate permettent de résoudre ce conflit", estime le Jan Techau, lui aussi chercheur au Centre allemand de relations internationales.
La "règle des 5 %"
Un parti qui ne parvient pas à récolter 5 % des suffrages ne gagne aucun siège au Bundestag. Cette disposition désavantage les petites formations en les laissant concrètement à la porte du jeu politique. Un mal nécessaire selon les experts. "La ‘règle des 5 %’ assure une certaine stabilité du paysage politique, explique Jan Techau. Elle a été adoptée pour que les institutions ne connaissent pas les mêmes blocages que ceux qui prévalaient sous la République de Weimar. A cette époque, il était impossible d’avoir une majorité stable. La ‘règle des 5 %’ sacrifie l’égalité sur l’autel de la stabilité." Et d’ajouter : "Le Parlement était tellement instable à l’époque que les Nazis n’ont eu aucun mal à faire accepter l’idée qu’il était devenu inutile".