Lors d'un débat en Caroline du Sud mardi soir, tous les candidats démocrates s'en sont pris à Bernie Sanders, jugé trop radical pour battre Donald Trump. Le socialiste, lui, a plaidé pour un programme révolutionnaire qui galvanise l'électorat.
Pour identifier le favori d'une élection, il suffit d'observer quel candidat essuie le plus d'attaques. Mardi 25 février, Bernie Sanders n'a pas échappé à la règle. Le socialiste, chantre d'une "révolution politique" depuis plus de 40 ans, a été critiqué par tous ses concurrents sans exception lors du débat démocrate organisé à Charleston, en Caroline du Sud, État dont la primaire se tiendra samedi.
Premier argument : son programme - assurance santé universelle pour tous, large hausse du salaire minimum, université et crèches gratuites, etc. - est irréaliste. C'est du moins l'opinion des candidats les plus modérés. Sur le plan de la santé, "les Américains ne vous suivent pas sur le fait de dépenser 60 000 milliards de dollars", a plaidé Amy Klobuchar. La sénatrice du Minnesota a raillé les "fausses promesses" de Bernie Sanders bonnes uniquement à être collées "sur un sticker à l'arrière d'une voiture".
Pete Buttigieg, ex-maire de South Bend, dans l'Indiana, s'est aussi moqué des chiffres peu précis avancés par le septuagénaire pour financer ses réformes. "Tout cela mène à la réélection de Donald Trump", a-t-il estimé. Le benjamin des candidats a rappelé que les 40 démocrates élus en 2018 à la Chambre des représentants, qui ont permis au parti de retrouver sa majorité, n'ont pas "fait campagne" sur la plateforme du socialiste.
"Idées radicales"
Ce dernier, habitué à ces critiques, les a balayées, renvoyant aux mesures mises en place dans d'autres pays occidentaux : "Est-ce que faciliter accès aux soins de santé est une idée radicale ? La hausse du salaire minimum ou l'accès aux logements sociaux, des idées radicales ? Augmenter les impôts des milliardaires, est-ce une idée radicale ?" Bernie Sanders a même cité Nelson Mandela à la fin du débat pour appuyer son propos : "Cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse."
Déterminés, les candidats centristes ont tenu à confronter Bernie Sanders sur le dossier cubain. Le sénateur du Vermont a récemment loué la campagne d'alphabétisation initiée sous Fidel Castro à Cuba. "Je me suis opposé à l'autoritarisme partout dans le monde", s'est-il défendu mardi soir. "Évidemment, il y a une dictature à Cuba. Je n'ai fait que dire ce que Barack Obama a déjà dit, à savoir que Cuba a fait des progrès dans le domaine éducatif", s'est-il justifié.
Il n'a pas convaincu ses rivaux. "Nous ne pourrons pas remporter des courses compliquées à la Chambre et au Sénat si les candidats doivent expliquer pourquoi celui que le Parti démocrate a investi exhorte à reconnaître les bons côtés du régime de Castro", a prévenu Pete Buttigieg.
My opponents would like you to think the ideas that we're talking about are radical. They're not. They're what the American people want. #DemDebate pic.twitter.com/dFlKPWWIgu
— Bernie Sanders (@BernieSanders) February 26, 2020La question des armes à feu
Joe Biden, favori en Caroline du Sud après des échecs dans l'Iowa, le New Hampshire et le Nevada, a choisi l'angle d'attaque des armes à feu. S'il est un dossier sur lequel Bernie Sanders, sénateur d'un État comptant beaucoup de chasseurs, n'a pas toujours été radical, c'est celui-là. L'ex-vice-président de Barack Obama lui a rappelé son vote, en 2005, d'une loi sur le commerce des armes. "Mon ami à ma droite a offert aux fabricants d'armes une immunité totale", a-t-il accusé. "C'était un mauvais vote", a reconnu Bernie Sanders, qui s'est vanté d'être aujourd'hui très mal vu par le lobby pro-armes, la NRA.
Même Elizabeth Warren, la seule à être plus ou moins alignée sur les propositions progressistes de son "ami", ne l'a pas épargné. "Bernie et moi sommes d'accord sur beaucoup de choses mais je pense que je ferais une meilleure présidente que lui", a-t-elle avancé. La raison ? Son sens du détail et sa capacité à creuser les dossiers : "Bernie et moi voulons tous les deux l'avènement de l'assurance santé publique pour tous. Mais le plan de Bernie n'explique pas comment y parvenir. Je me suis penchée sur la question, j'ai fait le boulot et ensuite l'équipe de Bernie m'a attaquée."
Being a progressive means actually making progress. I’m the only one in this race who has beaten the NRA nationally and passed real gun safety reform — and I’ll do it again as president. #DemDebate pic.twitter.com/i5Lq1isGG5
— Joe Biden (Text Join to 30330) (@JoeBiden) February 26, 2020Sanders peut-il battre Trump ?
L'argument de l'éligibilité est revenu plusieurs fois sur la scène du débat. Le milliardaire Tom Steyer, troisième dans les sondages en Caroline du Sud mais qui a peu de chances ailleurs, a ainsi renvoyé dos à dos le socialiste Bernie Sanders et l'ex-républicain Michael Bloomberg. Selon lui, aller vers l'un ou l'autre de ces "extrêmes" ne peut mener qu'à la réélection de Donald Trump.
Pour le milliardaire Michael Bloomberg, justement, l'échec de Bernie Sanders face au président actuel est écrit d'avance. "Nous allons élire Bernie et Bernie va perdre face à Donald Trump. La Chambre, le Sénat et une partie des Chambres locales deviendront républicains", a-t-il prévenu, redoutant une "catastrophe" avec la nomination de juges conservateurs pour les "20 à 30 prochaines années".
Bernie Sanders a rappelé que la plupart des sondages le donnaient vainqueur face au locataire de la Maison Blanche actuel. Lui estime au contraire que c'est son côté révolutionnaire qui galvanise les troupes. "Pour battre Donald Trump, il faut une campagne pleine d'énergie et d'excitation, il faut obtenir la plus grande participation de l'histoire américaine", a-t-il assuré, demandant aux jeunes électeurs de se précipiter aux urnes "comme jamais auparavant".
Le poison de la division
Reste que si les camps modéré et progressiste n'arrivent pas à s'entendre, difficile d'imaginer un élan collectif pour la candidature du socialiste. "Si nous passons les quatre prochains mois à nous déchirer, nous allons voir Donald Trump déchirer le pays pour ans supplémentaires", a observé Amy Klobuchar qui a pourtant elle-même pris part aux critiques.
Quelques minutes après la fin du débat, le camp Sanders semblait prêt à l'affrontement : "C'est nous contre le satané establishment politique dans son ensemble", pouvait-on lire dans un email envoyé aux partisans du socialiste. La route jusqu'à l'investiture sera longue.