
Lorsqu'un tigre tue un homme au Bangladesh, sa femme subit la double peine. En plus de devoir s'occuper seule de sa famille, elle est souvent mise au ban de son village, car les habitants considèrent qu'elle porte malheur.
C’est une superstition datant d’il y a plusieurs siècles : au Bangladesh, les "veuves de tigre" sont accusées de porter malchance, et donc, d’être à l’origine de la mort de leur époux. Du jour au lendemain, elles sont traitées comme des pestiférées par la société.
C’est l’expérience douloureuse qu’a vécue Mosammat Rashida, habitante de la ville de Shyamnagar. Il y a une dizaine d’années, son mari a succombé aux crocs d’un tigre alors qu’il allait récolter du miel – une activité souvent pratiquée par les pères de familles pauvres. Depuis, elle élève seule ses deux enfants, les plus jeunes, tandis que les plus âgés l’ont abandonnée, comme le reste du village.
Après le drame, elle a reçu l’équivalent de 1089€ en dédommagement. Une somme qu’elle a investie dans sa cabane, qui est son lieu d’habitation. Mais en novembre 2019, le cyclone Bulbul l’a ravagée. "Maintenant, je ne sais pas ce que je vais faire", confesse la mère de famille de 45 ans.
"Les gens disent souvent que je suis une femme méchante et mal-aimée"
Rijia Khatun, une autre "veuve de tigre", a elle perdu son mari il y a quinze ans. "Les gens disent souvent que je suis une femme méchante et mal-aimée, se désole-t-elle. Ils disent que mon mari a été tué parce que j'ai mal parlé à quelqu'un. Ils n'arrêtent pas de me blâmer pour sa mort."
Mais elle a pu bénéficier du soutien de son neveu, Yaad Ali, qui était présent lors du décès de son oncle. "Avec la famille, nous devions aider Rijia en cachette, sinon les gens du village nous auraient ostracisés également", précise-t-il.
Entre 2001 et 2011, dans un district d'un demi-million de personnes, les tigres ont tué au moins 519 hommes.
Des chiffres rapportés par l’organisation Ledars Bangladesh, qui œuvre aujourd’hui à la réinsertion des "veuves de tigre" dans les villages.