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Procès en destitution : Lev Parnas, l'homme qui idolâtrait Donald Trump avant de l'accuser

Lev Parnas, un Américain d'origine ukrainienne et associé de l'avocat personnel du président, a fait des déclarations embarrassantes pour Donald Trump, en affirmant que ce dernier était au courant de ses actions en Ukraine. Mais qui est cet homme devenu un personnage clé de la procédure de destitution ?

Donald Trump se serait bien passé de ces déclarations. Dans une interview donnée mercredi soir à la chaîne MSNBC, Lev Parnas, un homme d'affaires d'origine ukrainienne, associé de l’avocat personnel du président américain, a affirmé que ce dernier savait tout des efforts qu’il avait menés auprès des autorités ukrainiennes pour qu'elles compromettent Joe Biden, ex-vice président démocrate et candidat à la présidentielle 2020.

"Le président Trump savait exactement ce qui se passait, il était au courant de mes déplacements, je ne faisais rien sans le consentement de M. Giuliani [avocat personnel de Donald Trump, NDLR] ou du président", a notamment déclaré cet homme.

"Nous n'étions pas amis [...] mais il savait exactement qui nous étions et en particulier qui j'étais, car j'ai interagi avec lui à de nombreuses reprises.", a-t-il raconté sur MSNBC, en certifiant que le locataire de la Maison Blanche "avait menti" en affirmant ne pas le connaître.

Les débats du procès en destitution contre le président américain vont se tenir à partir de mardi prochain. Donald Trump doit répondre de deux chefs d'accusation : abus de pouvoir et entrave au travail du Congrès. Il est accusé d'avoir exercé des pressions pour convaincre l'Ukraine d'ouvrir une enquête sur Joe Biden, son potentiel rival à l'élection présidentielle de novembre prochain.

D’Odessa à la Floride

En quelques mois, Lev Parnas est devenu l’un des personnages centraux de cette procédure de destitution. Rien ne prédestinait pourtant cet homme de 47 ans à se retrouver au cœur de ce procès historique. Né en 1972 sous l’Union soviétique, à Odessa, en Ukraine, il quitte son pays d’origine à l’âge de 3 ans. Sa famille s’installe à Détroit dans le Michigan, puis à Brooklyn. Comme le raconte le New York Times, il grandit dans un foyer modeste : "Son père meurt lorsqu’il a 11 ans et sa mère travaille dans un salon de beauté. Il quitte l’école à 15 ans".

Le jeune Parnas devient alors agent immobilier puis agent de change, avant de s’installer à 23 ans en Floride. "Pendant deux décennies, il crée ou travaille pour au moins 20 entreprises', poursuit le New York Times. En 2012, il fonde avec David Correai, un ancien golfeur professionnel, une start-up appelée "Fraud Guarantee" qui a pour vocation d’offrir une assurance aux investisseurs contre les escroqueries. Mais selon le Wall Street Journal, il a lui-même un lourd passé de dettes et de jugements contre lui. Cité par le Miami Herald, la femme de l’un de ses clients qui le poursuit pour 500 000 dollars, a affirmé "qu’il les avait financièrement ruinés".

À l’époque, il réalise des affaires douteuses, mais il ne s’intéresse pas encore à la politique jusqu’à ce que Donald Trump, dont il est un fan inconditionnel, se présente à la présidence américaine. Avec son associé Igor Fruman, originaire de Biélorussie, ils commencent à recueillir des fonds pour la campagne d’élus républicains lors d’élections locales et fédérales. Ils sont mêmes présents à l’investiture de Donald Trump.

En 2018, Lev Parnas se rapproche un peu plus du clan du locataire de la Maison Blanche en faisant appel, toujours avec son associé, aux services de Rudy Giuliani, avocat personnel de Donald Trump et ancien maire de New York, pour des conseils juridiques. Cette nouvelle relation prend alors une tournure particulière. Les deux hommes auraient notamment aidé Giuliani à rencontrer Iouri Loutsenko, alors procureur général ukrainien, pour tenter de le convaincre d’ouvrir une enquête sur les affaires du fils de Joe Biden, Hunter, en Ukraine. Lors d’un échange téléphonique en juillet 2019, Donald Trump avait demandé à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky de "se pencher" sur ce dossier et d’entrer en contact avec Rudy Giuliani.

"En raison de mes origines ukrainiennes et de mes contacts là-bas, je suis devenu l’assistant de Rudy, son enquêteur. Je ne fais rien de mon propre chef. Je ne fais pas du lobby. J’obtiens des informations. J’arrange des rendez-vous", a ainsi raconté Lev Parnas au magazine The New Yorker.

Igor Fruman et Lev Parnas auraient aussi œuvré pour faire limoger l'ambassadrice américaine à Kiev, Marie Yovanovitch, jugée anti-Trump. Des messages échangés entre Lev Parnas et un candidat républicain à la Chambre des représentants, Robert Hyde, portent ainsi à croire que ce dernier communiquait avec des gens en Ukraine qui surveillaient les allées et venues de l'ambassadrice, qui a finalement été limogée l’an dernier.

Donald Trump qui dit ne pas connaître ni avoir parlé avec Lev Parnas... il a pris juste des photos avec lui... dit-il. pic.twitter.com/hdT2LXCtYD

— Frédéric Arnould (@FredericArnould) January 16, 2020

Il voit Trump comme "un sauveur"

Lev Parnas et son compère ont finalement été arrêtés le 9 octobre dernier par le FBI, alors qu’ils s’apprêtaient à quitter les États-Unis. Ils sont accusés d'avoir dissimulé l'origine étrangère de certains dons octroyés en 2018 à des campagnes électorales, notamment l'origine de 325 000 dollars versés pour la campagne de réélection de Donald Trump en mai 2018. L’homme d’affaires d’origine ukrainienne était déjà dans le collimateur des démocrates du Congrès qui l'avaient convoqué pour témoigner. Son nom était revenu dans l'enquête sur le coup de téléphone controversé de Donald Trump au président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Interrogé à son sujet, Donald Trump nie avoir eu quelques liens avec lui. "Je ne le connais pas, je ne crois pas lui avoir déjà parlé", a de nouveau répété jeudi 16 janvier le président américain, en reconnaissant que des photos avaient néanmoins pu être prises des deux hommes.

Désormais prêt à coopérer avec les enquêteurs, Lev Parnas a déclaré au New York Times "regretter avoir fait trop confiance" à Rudy Giuliani et au président américain. "Je croyais agir en patriote et aider le président", a-t-il ajouté. L’entrepreneur a donc décidé de parler, visiblement vexé d’avoir été lâché par son mentor. "Je l’aimais", a-t-il affirmé selon CNN. "Quand le FBI est venu perquisitionner chez moi, ma femme s’est sentie embarrassée car ils ont dit que j’avais une sorte de petite mausolée en son honneur. J’avais plein de photos de lui. Je l’idolâtrais. Je pensais qu’il était le sauveur". Aujourd’hui citoyen américain, il a plaidé non coupable aux chefs d'accusation retenus contre lui, pour lesquels il encourt 20 ans de prison.