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Le rhodium, le métal méconnu le plus convoité du moment

Essentiel pour la fabrication des pots catalytiques, le rhodium s’est imposé comme le métal le plus cher du monde. 

Conséquence indirecte des efforts mondiaux pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, un métal rare inconnu du grand public s’est confortablement installé à la place du métal le plus cher du monde. Le rhodium s’échangeait à 7 950 dollars l’once, mercredi 15 janvier, loin devant l’or (1 555 dollars l’once) et le palladium (2 378 dollars l’once), deux minéraux généralement considérés comme les valeurs refuge de référence.

C’est un début d’année tonitruant pour le rhodium avec une hausse de plus de 30 % de son prix en janvier, amplifiant la tendance de 2019 (+150 %). En tout, ce métal a multiplié par 12 sa valeur sur les quatre dernières années.

Tueur de NOx

Une envolée stratosphérique qui s’explique principalement par l’appétit des constructeurs automobiles, surtout en Asie, pour le rhodium. L’année 2020 sera marquée par un durcissement des législations sur les émissions de gaz polluants par les voitures en Chine ou en Europe, et le rhodium représentera le sésame pour se tenir aux nouvelles règles, rappelle la chaîne économique américaine Bloomberg. Ce minerai constitue, en effet, une pièce essentielle des pots catalytiques actuels.

Il contribue à capter le CO2, mais surtout “il est particulièrement efficace pour réduire les émissions d’oxyde d’azote [NOx, NDLR]”, note le site Livescience. Ces particules fines nocives pour la santé humaine ont été au cœur du scandale Volkswagen et sont depuis lors dans le collimateur des régulateurs du monde entier.

La quête des voitures toujours plus propres n’explique qu’en partie la chevauchée fantastique des prix du rhodium. Après tout, le palladium est tout aussi essentiel à la fabrication des pots catalytiques, et ce métal a connu une hausse de sa valeur plus mesurée. 

Mais le rhodium est beaucoup plus difficile à trouver. En fait, il est considéré comme l’un des trois métaux les plus rares au monde. Sa production annuelle s’élève à un peu plus de 23 tonnes par an, contre 225 tonnes de palladium par an. 

Il n’existe pas, à proprement parler, de mine de rhodium, et pour l’obtenir, il faut le séparer du platine auquel il est associé à l’état naturel. Un travail laborieux qui se fait essentiellement dans les mines d’Afrique du Sud, qui concentrent 80 % de la production mondiale, et en Russie.

Résultat : il n’y a qu’une petite dizaine de producteurs qui ont un pouvoir considérable sur la fixation des prix de ce précieux minerai.

Forte volatilité

Mais cette rareté et cette forte concentration géographique de la production de rhodium constitue aussi son principal point faible. Des tensions politiques dans l’un des deux grands pays producteurs ou un mouvement social – comme la grève des mineurs de 2014 en Afrique du Sud – peuvent avoir un impact énorme sur l’offre. “Le rhodium est sujet à une volatilité folle”, confirme à Bloomberg Anton Berlin, responsable du bureau des analyses de MMC Norilsk, une entreprise russe qui produit environ 10 % du rhodium mondial. C’est ce qui s’est produit en 2007, juste avant la crise financière : le métal avait atteint un sommet à plus de 10 000 dollars avant de perdre près de 90 % de sa valeur en quelques mois.

La demande pourrait, elle aussi, se calmer. Les constructeurs automobiles, principaux consommateurs de rhodium, ne voient pas 2020 en rose car le conflit commercial entre la Chine et les États-Unis a fait du mal à la consommation chinoise et devrait entraîner une baisse des achats de voitures dans ce pays, plus important marché automobile au monde, souligne le cabinet britannique de conseil en énergie et matière première S&P Global Platt.

En outre, le rhodium risque de perdre beaucoup de son attrait dans les années à venir avec la montée en puissance des voitures électriques, beaucoup moins polluantes et qui n’auront pas à être équipées de pot catalytique. 

Mais d’ici là, la science aura peut-être trouvé une autre utilité à ce métal précieux ? Des scientifiques suisses ont ainsi développé, en 2016, un prototype de système de stockage d’énergie solaire qui utilise le rhodium comme catalyseur principal.