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Au Danemark, les réfugiés syriens menacés d'expulsion

Au Danemark, plusieurs familles de Syriens vivent sous la menace d’être expulsées vers la Syrie, où la guerre continue. Le gouvernement danois considère Damas et sa région comme des endroits "sûrs" et estime que les réfugiés doivent y retourner. Reportage.

Lorsque nous rencontrons les membres de la famille Salameh dans leur appartement à Slagelse, à 80 kilomètres à l'ouest de Copenhague, la capitale danoise, nous leur demandons comment ils se sentent. Pendant plusieurs minutes, ce n’est qu'un flot ininterrompu de larmes…

"Je pense au suicide", assure le père, Zaher, 48 ans, tout en regardant sa femme Lina, 45 ans, et ses trois filles Raneem, 18 ans, Haia, 12 ans et Céline, 6 ans. Il continue d'une voix triste : "Je me suis enfui de Syrie à cause de la guerre et maintenant, je subis un traumatisme psychologique au Danemark".

En février dernier, la famille Salameh voulait renouveler son permis de résidence au Danemark, qui expirait trois mois plus tard, le 11 mai exactement. Les procédures s’étaient bien déroulées et la famille s'apprêtait à poursuivre une vie normale. Mais vingt jours plus tard, Zaher a reçu un email des autorités signifiant qu'elles voulaient à nouveau les interroger.

Le 27 mars, Zaher et les membres de sa famille ont donc chacun été soumis à des entretiens individuels au centre de réfugiés de Sandhølm. Le tout a duré pas moins de douze heures. La plupart des questions ont porté sur des détails de la vie de la famille à Damas. Puis l'interrogateur a assuré à Zaher que Damas était considérée comme une ville sûre. "Damas, sûre ? Avez-vous déjà été dans les centres de détention ? Avez-vous entendu parler des personnes disparues ?", s’est emporté Zaher.

"La personne en charge de mon intégration voulait connaître le jour exact où j'avais été arrêté. Quand elle a interrogé ma femme et recoupé nos déclarations, elle a trouvé des petites différences dans nos histoires et dans les dates. C'est pourquoi ils veulent nous renvoyer à la mort", se désole Zaher. Il nous explique qu’en Syrie, il est réserviste, mais qu'il refuse de rejoindre l’armée de Bachar al-Assad. C'est pour cela qu'il s’est enfui du pays.

Après ces interrogatoires, les permis de résidence de la famille Salameh au Danemark ont été déclarés caducs. Un responsable leur a ensuite rendu visite pour leur proposer de l'argent afin que la famille retourne en Syrie de son plein gré. "Il m'a offert 480 000 couronnes danoises (64 200 euros) pour retourner là-bas et assuré qu’ils me paieraient encore plus pour les enfants : écoles privées, médicaments et meubles si nous louions un appartement à Damas". Mais Zaher lui a rétorqué : "Même si vous me donnez un milliard de couronnes danoises, je ne retournerai pas en Syrie, je ne reviendrai pas vers la mort assurée".

Le 21 juin 2019, Zaher et sa famille ont été les premiers réfugiés syriens à contester la décision des autorités de les renvoyer vers la Syrie. Finalement, la justice a décidé d'annuler leur expulsion et la famille a peut rester au Danemark. Mais depuis que le gouvernement a menacé de les renvoyer chez eux, tous les membres de la famille souffrent d'une grande insécurité psychologique. Ils mettront du temps à s'en remettre. Et plusieurs familles de Syriens réfugiées au Danemark risquent de subir un sort similaire.