Le président américain Donald Trump a annoncé vendredi qu’un premier accord avec la Chine avait été signé pour sortir du conflit commercial. Mais ce compromis n’est pas encore une armistice commerciale. Sauf si Washington est prêt à concéder la défaite.
Paix en vue ? Les États-Unis ont annoncé, vendredi 13 décembre, avoir réussi à trouver un début d’accord avec la Chine pour mettre un terme à un conflit commercial qui dure depuis dix-huit mois et qui a déstabilisé l’économie mondiale.
Washington a assuré que Pékin avait accepté d’augmenter considérablement les importations de certains produits américains, essentiellement agricoles, en 2020. La Chine devrait aussi améliorer la protection de la propriété intellectuelle pour mieux lutter contre les contrefaçons.
En échange, les États-Unis devraient baisser de moitié les droits de douanes instaurés sur les exportations chinoises depuis un an. Ils renoncent aussi à imposer de nouveaux tarifs sur une large gamme de produits jusqu’à présent épargnés par ce conflit, comme les iPhone et les jouets fabriqués en Chine. Ces dernières sanctions devaient entrer en vigueur dimanche 15 décembre.
Prudence chinoise
Ce n’est pas la première fois que les négociations entre les deux pays avancent. En juin 2019, ces derniers avaient conclu une trêve afin de donner une nouvelle chance aux pourparlers et, en décembre 2018, Washington et Pékin avaient été sur le point d’enterrer la hache de guerre avant de reprendre les hostilités après les fêtes de fin d’années.
Mais cette fois-ci, les négociations se présenteraient sous de meilleurs augures. C’est du moins l’avis du président américain Donald Trump, qui s’est réjoui sur Twitter d’être "TRÈS près d’un TRÈS IMPORTANT accord avec la Chine". Les marchés financiers semblaient partager cet optimisme puisque les Bourses asiatiques évoluaient toutes à la hausse vendredi.
Getting VERY close to a BIG DEAL with China. They want it, and so do we!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) December 12, 2019D’autres appelaient cependant à la prudence. D’abord à cause de la retenue affichée par la Chine. Pékin a confirmé, vendredi, qu’un accord avait été négocié, mais que rien n’était encore signé. "Sans document signé de Pékin, il n’y a pas de vrai accord", déclare au Wall Street Journal Derek Scissors, spécialiste du commerce international.
Si Pékin préfère faire profil bas, c’est notamment "parce qu’après les deux résolutions américaines hostiles à la Chine sur Hong Kong et les Ouïghours du Xinjiang, le pouvoir reste en retrait afin de ne pas donner l’impression de plier sous la pression américaine", note Jean-François Dufour, directeur du cabinet de conseil DCA Chine Analyse.
Avantage à la Chine ?
Donald Trump ferait bien aussi de ne pas trop fanfaronner, car l’accord, en l’état, représente "un échec du bras de fer engagé par Washington", souligne l’expert français. La Chine a, en effet, obtenu une levée partielle des sanctions sans rien concéder sur les principales revendications américaines. Depuis le début du conflit commercial, le président américain appelle la Chine à réformer en profondeur son économie pour mettre un terme aux aides publiques accordées généreusement par Pékin à ses entreprises. Il réclame aussi la fin des transferts de technologie imposés aux groupes américains désirant faire des affaires en Chine. Deux points qui ne sont pas au menu de l’accord qui vient d’être conclu.
Le grand accord vanté par le locataire de la Maison Blanche sur Twitter n’est en réalité que la phase 1 des négociations pour signer l’armistice commercial. Après cette mise en bouche, les négociateurs devront s’attaquer au plat de résistance, c’est-à-dire à ces fameuses réformes structurelles que la Chine a pour l’instant toujours refusé de faire. Pékin peut difficilement satisfaire Washington sur ce terrain car "cela reviendrait à remettre en cause tout le modèle de développement économique chinois qui repose sur le soutien financier de l’État aux secteurs jugés prioritaires", rappelle Jean-François Dufour.
Des responsables politiques américains craignent que ce premier accord, loin d’être une victoire, place en réalité les États-Unis en situation de faiblesse pour la suite des négociations. "Le risque de cet accord est qu’en acceptant de revenir sur une partie des droits de douanes, nous nous privions de notre principal moyen de pression pour obtenir des concessions sur les questions qui comptent vraiment, comme les transferts de technologies et les aides publiques", a averti vendredi le sénateur républicain de Floride Marco Rubio.
Épée de Damoclès
S’il est vrai que Donald Trump renonce à un atout important, il a fait inscrire une clause à l’accord stipulant que les États-Unis se réservaient le droit de réinstaurer les tarifs douaniers si la Chine "ne respect[ai]t pas ses engagements". Cette épée de Damoclès au-dessus de la tête des Chinois les empêche de quitter la table des négociations en ayant le sentiment d’avoir remporté la partie, estime Jean-François Dufour.
Mais est-ce que ce sera suffisant pour pousser Pékin à davantage de concessions ? Le problème principal des Américains est le temps, qui joue en faveur de la Chine. "Les autorités chinoises ont commencé à prendre des mesures pour moins dépendre de l’économie américaine, et cet accord leur permet d’obtenir un sursis afin de continuer sur cette voie", remarque Jean-François Dufour.
Ainsi, la semaine dernière, Pékin a annoncé son intention de remplacer "tous les logiciels occidentaux par des solutions nationales" sur les ordinateurs de l’administration. La mesure peut sembler symbolique, mais elle démontre très concrètement que la Chine cherche à priver Washington de munitions dans cette guerre commerciale. Elle prouve aussi que la paix n’est peut-être pas encore à l’ordre du jour et que Pékin est prêt à une guerre d’usure.