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Canterbury était un fief conservateur jusqu’en 2017, lorsqu’un tsunami de votes étudiants a fait élire un député travailliste pour la toute première fois dans cette ville connue pour son université et sa cathédrale. Mais les cartes sont aujourd’hui rebattues. Une division dans le camp anti-Brexit pourrait redonner l’avantage aux conservateurs lors des élections législatives du jeudi 12 décembre.
Petite cité du Kent, dans le sud-est de l'Angleterre, Canterbury est dominée par sa majestueuse cathédrale, siège de l'église anglicane. Depuis près de cent ans, cette ville universitaire était aux mains des conservateurs. Mais en 2016, un vent de jeunesse a soufflé. Les étudiants ont voté majoritairement contre le Brexit, politique phare du parti conservateur de Boris Johnson.
Canterbury regroupe trois universités, dont celle du Kent qui se décrit elle-même comme "l'université britannique européenne". Plus de 35 000 étudiants y résident durant une grande partie de l'année. Lors des précédents scrutins, leur participation électorale était assez faible. Mais après le référendum de 2016 sur le Brexit, ces jeunes ont pris le chemin des urnes. Un an plus tard, ils ont délogé de son siège Sir Julian Brazier, un brexiteur pur et dur, député conservateur depuis 1987 de cette circonscription, pour y placer la travailliste Rosie Duffield.
"Nous nous sentons européens"
Depuis qu'elle est devenue la toute première députée travailliste de Canterbury, Rosie Duffield a montré son attachement à l'Europe. Alors que le leader de son parti Jeremy Corbyn, un eurosceptique de longue date, a maintenu une position ambiguë sur le Brexit, la députée a démissionné du cabinet fantôme de l'opposition en juin 2018. Elle espérait forcer le gouvernement, alors dirigé par Theresa May, à se maintenir dans le marché unique, alors que Corbyn souhaitait que ses députés s'abstiennent sur la question.
Pour certains observateurs, les positions anti-Brexit de Rosie Duffield, et son indépendance vis-à-vis de son parti, sont séduisantes. "Rosie veut seulement que nous restions dans l'Union européenne", s'enthousiasme une habitante de Canterbury portant un badge "Remainers for Rosie", faisant référence à ceux qui veulent rester dans l'UE. "Rosie fait ce qu'elle pense et a une politique raisonnable à la différence de la frange la plus radicale des travaillistes." Cette femme préfère cependant rester anonyme. Elle fait en effet partie d'une association locale aux côtés de nombreux conservateurs.
Arborant un badge avec le drapeau européen sur sa veste, elle tient à ajouter que dans cette ville située relativement près du continent, "beaucoup d'entre nous prennent le train pour aller déjeuner ou dîner en France et faire l'aller-retour dans la journée. Nous nous sentons donc autant européens que britanniques".
Kate Docking, une doctorante de l'université du Kent, partage la même opinion à l'encontre de Rosie Duffield : "Pour moi, le Brexit est probablement la plus importante des priorités, même si quelques politiques n'arrêtent pas de dire que l'élection porte sur d'autres sujets. Mais mes opinions personnelles correspondent plus à celles des Libs Dems (Libéraux démocrates), tout spécialement en ce qui concerne le Brexit", explique l'étudiante.
"Mais je pense voter pour le parti travailliste, car je ne veux surtout pas d'un député conservateur ici. Il n'y a pas vraiment de raison de voter pour le Lib Dem à Canterbury. Je pense également que Rosie Duffield a une position différente de la majorité des membres du parti travailliste", précise-t-elle.
Les Libéraux democrats "dégoûtés" par la tactique électorale des travaillistes
Les Libéraux démocrates, situés au centre, ont une politique anti-Brexit plus tranchée. Ils veulent révoquer l'article 50 (une clause de retrait introduite dans le Traité de Lisbonne) et rester dans l'Union européenne sans passer par un second référendum.
De son côté, le chef des travaillistes Jeremy Corbyn a finalement accepté l'idée d'une nouvelle consultation après des mois de pression au sein de son cabinet fantôme. Mais le chef des travaillistes a continué de jouer au jeu du ni oui ni non en annonçant qu'il resterait "neutre" en cas de second référendum.
Une attitude qui déconcerte plus d'un électeur. "Je vais voter Libéral démocrate", annonce ainsi Adam, un jeune conseiller du district. "Cela me dégoûte de voir les travaillistes dire à Canterbury 'si vous comptez voter Lib Dem autant voter pour nous'. Ils essayent désespérément de garder leur siège, car ils savent qu'ils ont été élus la dernière fois seulement grâce à la vague étudiante. Ils peuvent facilement le perdre si cette fois les gens votaient avec leur cœur".
"Les gens disent qu'il faut voter pour le parti et non pour l'homme, mais comment peut-on le faire lorsqu'on voit que Corbyn a été un eurosceptique toute sa vie", insiste-t-il.
D'autres partisans du Lib Dem soutiennent au contraire qu'il est nécessaire de voter pour Rosie Duffield afin de s'assurer qu'un pro-européen remporte ce siège. Le candidat libéral-démocrate de Canterbury, Tim Walker, s'est même retiré de la course pour offrir à la député travailliste les meilleures chances de réélection. Après cette annonce, son parti a toutefois décider de placer un autre candidat.
"Nous voulons récupérer notre pays"
Dans les rangs des conservateurs, les partisans des Tories sont pour leur part déterminés à reconquérir la circonscription de Canterbury. "Je vote conservateur parce que Jeremy Corbyn est un communiste qui aime les terroristes. Je suis aussi pour le Brexit. Nous devons sortir (de l'UE) pour prendre nos propres décisions et réduire l'immigration. Nous voulons récupérer notre pays", résume une femme qui habite dans un village conservateur à l'extérieur de la ville.
"J'estime que nous devons quitter l'UE car c'est une organisation sclérosée qui est incapable de se réformer de l'intérieur", explique également un journaliste à la retraite qui vit à Canterbury depuis toujours. "Nous avons besoin d'un mandat clair lors de cette élection, sinon cette histoire de Brexit va continuer encore et encore", poursuit-il.
Un vote pendant ou en dehors de l'année scolaire
À Canterbury, les tensions se cristallisent aussi autour de la date choisie pour le déroulement des scrutins. Lors du référendum, le vote du 23 juin 2016 a eu lieu en dehors de l'année scolaire. La majorité des étudiants étaient donc de retour chez eux et n'ont pas pu voter à Canterbury. Le camp du Oui l'a ainsi emporté à 51 %.
Un an plus tard, le 8 juin 2017, quand Rosie Duffield a remporté les élections législatives, le scrutin s'est tenu en période scolaire et les étudiants ont pu déposer leur bulletin dans les urnes.
Cette année, la député travailliste peut remercier l'université du Kent. Les congés de fin d'année débutent en effet le 13 décembre. Les étudiants pourront donc massivement participer au vote organisé la veille de leur départ en vacances.