En Irak, un obus a explosé, samedi matin, près du lieu de résidence du leader chiite irakien Moqtada Sadr, proche des manifestants antigouvernementaux. Cette attaque non revendiquée et qui n'a fait aucune victime est survenue après une nuit de tueries à Bagdad, toujours en proie à la contestation populaire.
Un obus s'est écrasé, samedi matin, en Irak, près de la maison du leader chiite irakien Moqtada Sadr qui soutient les manifestants antigouvernementaux. Quelques heures plus tôt, plusieurs d'entre eux ont été victimes d'une tuerie à Bagdad, perpétrée par des hommes armés non identifiés. Les autorités irakiennes dénombrent 25 morts et 130 blessés, dans la nuit de vendredi à samedi.
Moqtada Sadr se trouvait en Iran au moment de l'attaque perpétrée par drone contre sa maison située dans la ville sainte de Nadjaf, dans le sud du pays, a précisé une source au sein du bureau du leader chiite. D'après Lucile Wassermann, correspondante à Bagdad pour France 24, "une enquête est en cours pour connaître les responsables de cette attaque".
Pourquoi la maison de l'influent leader, vainqueur des législatives en 2018, a-t-elle été visée ? Des hommes politiques proches de Moqtada Sadr ont précisé que "cette attaque pourrait être vue comme une réponse au soutien de Moqtada Sadr envers les protestataires", avance Lucile Wasserman.
N'ayant pas fait de victime et n'ayant pas été revendiquée, cette attaque survient au lendemain d'une nouvelle journée de violences à Bagdad où des hommes armés ont ouvert le feu sur des manifestants antigouvernementaux au niveau du pont Sinak, près de la place Tahrir.
"Le climat de tension est à son niveau maximal"
"Des hommes armés ont débarqué à bord de pick-ups et ont tiré à bout portant dans un immeuble tenu par les manifestants", raconte Lucile Wasserman, ajoutant que "le climat de tension est à son niveau maximal aujourd'hui, en Irak".
Parmi les victimes, quatre policiers ont été tués par les assaillants, alors qu'ils tiraient depuis les étages dans le noir vers les rues en contrebas, selon des témoins.
Des salves de tirs se sont enchaînées et les manifestants n'ont pu que se tourner vers les réseaux sociaux pour diffuser les images du chaos, parfois en direct.
Les protestataires ont ainsi baptisé cette nuit sanglante "le massacre de Senek" (du nom du pont proche de Tahrir où les violences ont eu lieu), qui a suscité un choc national.
Peu après les violences de Bagdad, "vers 3 h du matin, un drone a tiré un obus de mortier sur la maison de Moqtada Sadr" dans la ville sainte chiite de Najaf, au sud de Bagdad, a indiqué une source au sein du mouvement sadriste.
Alors que les forces de l'ordre, déployées autour de la place Tahrir, épicentre de la contestation depuis plus de deux mois, n'ont pas réagi vendredi, des membres du mouvement de Moqtada Sadr se sont déployés pour "protéger" les manifestants.
"Les forces de sécurité étaient à 1 km et n'ont rien fait", a affirmé à l'AFP un médecin. "Les tirs sur les manifestants étaient intenses, ils n'avaient aucune pitié, ils n'ont pas laissé les gens évacuer les blessés", selon un manifestant.
Une manifestation en soutien aux victimes
En réponse au "massacre de Senek", des milliers de manifestants ont afflué, samedi, sur la place Tahrir et les places du sud du pays, gagnées par la contestation. En soirée, une manifestante a dit redouter de nouvelles violences. "Les forces de sécurité bloquent les rues menant à Tahrir et les manifestants n'arrivent pas à l'atteindre, mais les mêmes (assaillants) qui nous ont attaqués hier, eux, passent".
À la suite de cette tuerie, l'État assure ne pouvoir ni identifier ni arrêter les assaillants dans un pays où les factions armées pro-Iran n'ont cessé de gagner en influence et sont désormais intégrées aux forces de sécurité. Des sources policières affirment toutefois avoir collecté des informations sur la volonté de ces factions d'attaquer les manifestants.
Après la tuerie, le président irakien Barham Saleh a appelé à "protéger les manifestants pacifiques" et à retrouver et juger "les criminels".
L'attaque de la nuit a marqué un tournant dans le premier mouvement de contestation spontané d'Irak, déjà marqué par 445 morts et 20 000 blessés. Depuis deux mois, sur la place Tahrir, des milliers d'Irakiens conspuent le pouvoir, accusé d'incompétence et de corruption, ainsi que son parrain iranien.
Avec AFP et Reuters