logo

Contestation en Irak : "Les jeunes, les intellectuels et l'opposition" à l'œuvre

Un mouvement de contestation inédit secoue l'Irak depuis près de deux mois. Mais qui sont ces manifestants qui veulent faire bouger les lignes dans ce pays corrompu ? Quelles sont leur motivations ? Et leurs chances d'aboutir ? Le sociologue Adel Bakawan décrypte cette crise. 

Depuis le 1er octobre, l'Irak est secoué par une vague inédite de manifestations. Les  manifestants décrient un système politique à bout de souffle et corrompu. Alors que le pays est l'un des plus riches en pétrole du monde, un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et 410 milliards d'euros ont été détournés ces 16 dernières années, soit deux fois le PIB. Les manifestants dénoncent aussi la mainmise de l'Iran, qui a pris l'avantage face aux États-Unis. Décryptage avec Adel Bakawan, directeur du Centre de Sociologie de l’Irak (CSI) à l'université de Soran.

France 24 : Les manifestants ont mis le feu le consulat iranien à Najaf mercredi soir. Pourquoi une telle rancœur à l'égard du voisin iranien ?

Adel Bakawan : Depuis 2003, l'Iran a des projets dans les champs économiques, sociaux et culturels en Irak. Téhéran ne veut pas simplement une domination économique en Irak, il veut une domination totale sur la société irakienne. L'Irak, c'est la ligne rouge pour l'Iran, c'est une question de sécurité nationale.

Qui sont les manifestants ?

Il y trois acteurs majeurs, qui représentent des entités hétérogènes.

  • La génération "bulldozer", qui va de 14 à 23 ans et qui ne maîtrise que la destruction. Ils n'ont pas de leaders, pas de programme, pas d'idéologie et ils s'organisent sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook. Ils n'ont pas connu le régime baasiste, ni la dictature ou les guerres. Ils n'ont connu qu'un Irak traversé par la "milicisation" et la systématisation de la corruption.
  • Les "Lénine" sans parti : ce sont les journalistes, les professeurs, élites intellectuelles issues de la société civile qui sont engagées mais sans base sociale. Ils essayent de transformer contestation en mouvement social.
  • L'opposition : traversée par deux acteurs, les sadristes et les anciens baasistes.

Quelle est la stratrégie du pouvoir ?

La répression brutale.

Quelle issue peut-on imaginer ?

Si les manifestants se fondent en un seul mouvement qui veut faire tomber le pouvoir, on est dans une impasse car les élites politiques ne partiront jamais sans passer par la guerre civile. Si cela se transforme en mouvement social et on présente un programme, il y aura une sortie.