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Manifestation sans précédent en Colombie contre le président Duque

Des centaines de milliers de Colombiens sont descendus dans la rue jeudi, lors de manifestations d'une ampleur inédite contre le président Ivan Duque, très impopulaire après moins de 18 mois au pouvoir. Ce dernier a affirmé les avoir entendus, mais n'a pas répondu à la demande de dialogue.

Rarement les Colombiens n'avaient été si nombreux à descendre dans les rues. Grévistes, syndicats, étudiants, indigènes, organisations de défense de l'environnement... Ils étaient des centaines de milliers à dénoncer, jeudi 21 novembre, les politiques du gouvernement de droite d'Ivan Duque. La journée, globalement pacifique, s'est achevée par des incidents violents et des concerts de casseroles, du jamais-vu en Colombie.

"La Colombie a gagné en cette journée historique de mobilisation citoyenne", a estimé dans un communiqué le Comité national de grève, regroupant les organisateurs. Ils estiment que plus d'un million de personnes avaient défilé dans le pays.

La ministre de l'Intérieur, Nancy Patricia Gutierrez, a pour sa part évoqué le chiffre de près de 207 000 manifestants, ajoutant qu'"en termes généraux, les participants ont marché de manière pacifique", mais dénonçant "quelques vandales qui veulent altérer l'ordre public". Au moins 42 civils et 37 policiers ont été blessés au cours d'affrontements, et 36 personnes arrêtées dans tout le pays, selon le bilan des autorités.

"Convergence des revendications"

"On constate une convergence dans les revendications", estime Alvaro Sierra, directeur de la chaîne espagnole de France 24, basée à Bogota, qui rappelle que la manifestation a été initiée par les syndicats. "Puis sont venus se greffer beaucoup d'autres secteurs de la société", a-t-il ajouté. Outre une politique de sécurité focalisée sur la lutte anti-drogue, les manifestants dénonçaient des velléités du gouvernement de flexibiliser le marché du travail, d'affaiblir le fonds public des retraites en faveur d'entités privées, et de reculer l'âge de la retraite.

Au cours de la journée, plusieurs cortèges avaient convergé vers la place Bolivar, cœur historique de Bogota, proche de la présidence. Dans la foule, des dizaines d'indigènes. "Nous espérons que la violence cesse dans nos territoires (...) que la paix soit mise en œuvre et qu'on arrête de nous tuer", a déclaré un de leurs leaders, Luis Fernando Arias.

"Beaucoup des manifestants attendent que l'accord de paix avec les Farc soit mis en application", poursuit Alvaro Sierra, "ainsi que l'arrêt des assassinats des leaders sociaux et des anciens combattants des Farc." Plus de 180 ont été tués depuis la signature de cet accord historique, en novembre 2016.

"Aujourd'hui, les Colombiens ont parlé, nous les entendons"

Dans la soirée, le président Ivan Duque a affirmé avoir entendu les manifestants, mais n'a pas répondu à la requête de dialogue direct. "Aujourd'hui, les Colombiens ont parlé. Nous les entendons. Le dialogue social a été la bannière principale de ce gouvernement. Nous devons l'approfondir avec tous les secteurs de cette société", a-t-il déclaré.

Cette mobilisation intervient alors qu'Ivan Duque, qui n'a pas de majorité au Parlement, pâtit d'une impopularité de 69—% selon les sondages. Son parti, le Centre démocratique (CD), a subi de sérieux revers lors des élections locales d'octobre.

La fin de journée a été marquée par un concert de casseroles, convoqué via les réseaux sociaux, pour dénoncer des violences de policiers anti-émeute. À Bogota, il a duré plus de deux heures. Les casseroles ont aussi résonné notamment à Cali (ouest), la troisième ville du pays, où un couvre-feu a été décrété par le maire en raison de "faits violents" et de "pillages".

Un nouveau concert de casseroles était convoqué pour vendredi après-midi, alors que de jeunes manifestants ont continué de défiler jusqu'en début de soirée jeudi dans Bogota, au cri de "Vive la grève nationale". "Les grèves et manifestations devraient se poursuivent", estime par ailleurs Alvaro Sierra.

Avec AFP