Dix jours après la démission d’Evo Morales, les Boliviens restent divisés. Alors que les sympathisants dénoncent un coup d'État mené par l'opposition, la peur s'est emparée des quartiers sud de La Paz, plutôt favorables au changement. Des groupes de voisins s'organisent pour se protéger en cas d'attaque.
La nuit du 10 novembre, la demeure familiale de Franco, à La Paz, capitale de la Bolivie, a été assaillie par des centaines de personnes. La famille s'est enfuie de justesse en escaladant les murs, avant que la maison ne soit pillée puis incendiée. "Ils ont aussi détruit la cuisine. Et ça, c'était l'une des chambres des enfants", déplore Franco Albarracin, en montrant aux caméras de France 24 une pièce intégralement dévastée, murs en lambeaux, sols arrachés.
Le père de Franco, Waldo, est le recteur d'une université publique bolivienne. Ses étudiants s'étaient mobilisés pour réclamer la démission d'Evo Morales. "Je crois que cette attaque avait pour but d'intimider les gens, et cela a fonctionné", poursuit Franco Albarracin.
Vingt-sept personnes tuées dans des heurts
Il n’y a pas eu de blessés dans la famille Albarracin, que des dégâts matériels. Une chance. Depuis le début de la crise, 27—personnes ont été tuées dans des violences, dont trois sont mortes le 19—novembre. Elles ont été tuées dans des heurts entre pro-Morales et l'armée bolivienne à El Alto.
Les manifestants avaient bloqué une raffinerie pour exprimer leur rejet de Jeanine Añez, la présidente par intérim de la Bolivie qui a pris les rênes du pays andin 48—heures après la démission d'Evo Morales, le 10 novembre. Le soir de son départ, les partisans de l’ancien président ont pris les faubourgs de La Paz. "Les gens sont descendus jusqu'au poste de police. Ils l'ont attaqué et l'ont incendié", raconte Bernardo Castillo, habitant du quartier Achumani.
Rondes nocturnes et alarmes individuelles
Depuis, des quartiers entiers de la capitale s'organisent pour se protéger. Les habitants d’Achumani ont crée leur propre système de sécurité—: rondes nocturnes, alarme, et même des pierres pour se défendre. "Nous avons installé un système d'alerte. C'est comme un bouton de panique. Quand un voisin observe quelque chose de bizarre, il peut activer l'alarme sur son téléphone", explique Juan Carlos Vacaflor, un habitant du quartier.
La crise politique de ces dernières semaines a accentué la polarisation de la société bolivienne. D'un côté les classes populaires, indiennes et paysannes favorables à Evo Morales, de l'autre les classes moyennes, blanches et métisses. Avec Evo Morales, elles avaient appris à vivre ensemble au sein d'un tat plurinational. Mais les violences ont ravivé une division latente en Bolivie.