Des centaines de documents des services de renseignements iraniens ont fuité, révélant, lundi, l'étendue de l'influence de Téhéran en Irak après le retrait des États-Unis de ce pays en 2011.
Cible de la colère des manifestants irakiens, l'influence de Téhéran en Irak serait considérable. Le quotidien américain New York Times et le site d'investigation en ligne The Intercept ont affirmé, lundi 18 novembre, avoir examiné quelque 700 pages de rapports écrits majoritairement en 2014 et 2015 par le ministère iranien des Renseignements et envoyées par une source anonyme à The Intercept. La source a indiqué vouloir "montrer au monde ce que l'Iran fait dans (son) pays, l'Irak".
"Ces fuites sans précédent révèlent la vaste influence de l'Iran en Irak, en détaillant des années de travail méticuleux par les espions iraniens pour coopter les leaders du pays, payer des agents irakiens (...) et infiltrer tous les aspects de la vie politique, économique et religieuse de l'Irak", selon le NYT.
Les documents soulignent le "rôle unique du général (Qassem) Soleimani", en référence au chef de la force Al-Qods des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique d'Iran, chargée des opérations extérieures.
"L'Iran intervient dans notre pays"
Ce général se rend régulièrement en Irak, où il a ces dernières semaines présidé des réunions à Bagdad et Najaf, au sud, pour convaincre les partis politiques de soutenir le Premier ministre Adel Abdel Mahdi dont la rue réclame le départ, ont indiqué des sources politiques à l'AFP.
Le contenu des documents fait aussi écho à des sentiments exprimés par de nombreux Irakiens participant aux manifestations inédites en Irak, pays à majorité chiite comme l'Iran. "L'Iran intervient dans notre pays", s'est insurgé lundi une manifestante d'une soixantaine d'années à Bagdad.
La manifestante s'est réjouie que l'Iran soit aussi le théâtre de manifestations depuis vendredi, après une hausse du prix de l'essence à la pompe. "L'étincelle qui a commencé en Irak a atteint l'Iran".
Téhéran, un allié de poids en Irak
Téhéran est devenu un allié de poids de l'Irak, particulièrement ces dernières années, après presque une décennie de domination des États-Unis. L'Iran entretient des liens étroits avec nombre d'hommes politiques irakiens et a aidé à former les puissants paramilitaires du Hach al-Chaabi, qui ont contribué à défaire l'organisation de l'État islamique.
Il s'agit aussi d'un partenaire commercial majeur, vendant de l'électricité et du gaz naturel à l'Irak. Téhéran a eu recours à des vastes opérations de renseignement pour maintenir ces liens étroits, selon le NYT et Intercept. La "plus grande priorité", selon le NYT, était de maintenir l'Irak comme client (...) et s'assurer que les factions loyales à Téhéran restent au pouvoir".
Dans l'un des documents qui ont fuité, le Premier ministre Adel Abdel Mahdi est par ailleurs décrit comme ayant eu "une relation spéciale" avec Téhéran lorsqu'il était ministre du Pétrole en 2014.
Contacts avec les services secrets iraniens
Le bureau du Premier ministre a affirmé à l'AFP n'avoir "aucun commentaire" sur cette affaire. Selon le NYT et The Intercept, les ex-Premiers ministres irakiens Haider al-Abadi et Ibrahim al-Jaafari ainsi que l'ex-chef du Parlement Salim al-Joubouri ont eu des contacts avec les services secrets iraniens.
Toujours d'après le quotidien, Téhéran a pu avoir davantage accès aux institutions irakiennes après le retrait des troupes américaines d'Irak en 2011. Le NYT et The Intercept rapportent enfin la rencontre fin 2014 entre un officier des renseignements irakiens et un homologue iranien dans la ville irakienne de Kerbala.
Le responsable irakien a indiqué que son chef, le général Hatem al-Makssoussi, lui avait demandé de transmettre le message suivant à l'Iran : "considérez tous les renseignements irakiens comme les vôtres".
Avec AFP