Dans le centre de la capitale Koweït, mercredi 6 novembre, ils étaient plusieurs milliers à répondre à l'appel à manifester contre la corruption, lancé par l'ancien député koweïtien Saleh al-Moulla, que France 24 a interviewé.
Plusieurs milliers de personnes, 5 000 selon les organisateurs, ont manifesté dans la soirée du mercredi 6 novembre devant le Parlement koweïtien, pour protester contre la corruption au sein des institutions du pays .
Première monarchie du Golfe à s'être dotée d'un Parlement élu en 1962, le Koweït, qui jouit d'une tradition démocratique unique dans le Golfe, est le théâtre de crises politiques récurrentes, avec des changements de gouvernements et des dissolutions du Parlement à répétition.
Les marchandages politiques et la corruption (le Koweït est le 78e pays – sur 180 – le plus corrompu du monde, selon Transparency International) sont considérés comme les principales raisons qui empêchent la modernisation de l'économie de ce riche émirat, sur lequel règne la dynastie des Al-Sabah depuis la moitié du XVIIIe siècle et qui jouit pourtant d'énormes revenus pétroliers.
L'ancien député Saleh al-Moulla, qui a lancé l'appel à manifester via les réseaux sociaux, a accordé un entretien à France 24, pour expliquer les raisons qui l'ont poussé à appeler ses compatriotes à manifester.
Quel était le sens de la manifestation que vous avez contribué à organiser jeudi ?
Saleh al-Moulla : J'ai lancé un appel spontané à manifester sur les réseaux sociaux à cause de mon exaspération personnelle en tant que citoyen, mais aussi à cause du mécontentement général qui est perceptible dans le pays, à l'égard du gouvernement et du Parlement et des affaires de corruption. Ce ressentiment n'est pas nouveau, il y a depuis 2009 un bras de fer qui a été engagé avec les différents gouvernements qui se sont succédés, mais aujourd'hui la situation a atteint un niveau insupportable, les gens n'en peuvent plus de la corruption, c'est pour cela que mon appel été entendu et que près de 5 000 personnes sont descendues dans la rue. Car non seulement le gouvernement ne fait rien pour lutter contre ce fléau, mais en plus, certaines parties présentes en son sein y participent.
Quelle solution proposez-vous pour venir à bout de la corruption dans le pays ?
Le problème ne peut être réglé en changeant les individus qui sont aux commandes, de nombreuses personnes se sont succédées dans les différents gouvernements et au sein du Parlement, sans aucun résultat, car c'est le système qui est en cause. Cela fait depuis 2009 qu'à titre personnel j'appelle à un changement du système et à mener plusieurs réformes, notamment de la loi électorale des législatives, ainsi que du mode de nomination des ministres. Depuis l'entrée en vigueur de la Constitution en 1962, la sélection des ministres n'est pas basée sur les compétences, mais sur un certain conservatisme qui est problématique et à l'origine de certains dysfonctionnements.
Au Liban et en Irak, les manifestants sont mobilisés eux auss i , depuis plusieurs semaines, contre la corruption de leurs élites politiques. Ces situations sont-elles comparables à celle du Koweït ?
Avec tout mon respect pour les demandes populaires des Irakiens et des Libanais, qui sont légitimes et justes, la situation au Koweït a ses propres caractéristiques. Elle est différente dans le sens où nous n'avons pas, de notre côté, de problème avec la nature du régime politique en place. Notre souci est lié aux institutions de ce pays, à savoir le gouvernement et le Parlement. Les solutions à nos problèmes sont plus simples, mais elles nécessitent une prise de décision. La manifestation qui a eu lieu mercredi avait pour objectif d'envoyer un message : il faut qu'une décision soit prise pour que la situation se stabilise dans le pays. Le Koweït est un pays prospère, mais souffre d'une impuissance budgétaire, les investissements sont insuffisants. Nous entendons parler depuis 50 ans de projets visant à diversifier des recettes de l'État, mais notre richesse ne provient que des revenus du pétrole, c'est inacceptable.