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Législatives en Israël : Benjamin Netanyahu joue la carte populiste comme sa survie politique

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu se présente une nouvelle fois devant les Israéliens appelés aux urnes pour des législatives anticipées le 17 septembre. Affaibli par les affaires, "Bibi" fait feu de tout bois pour se maintenir au pouvoir.

Le tout pour le tout pour un nouveau mandat. Benjamin Netanyahu, qui se bat pour sa survie politique alors qu’il doit être entendu en octobre par le procureur général qui décidera de son inculpation pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires, fait monter les enchères à quelques jours des législatives israéliennes du 17 septembre.

Le Premier ministre, qui s’est construit une image d’ultime rempart d’Israël face à l’Iran et ses alliés régionaux comme le Hezbollah, mène une campagne aux accents ultranationalistes et principalement axée sur la sécurité de l’État hébreu, afin de séduire l’électorat de droite et surtout de l’extrême droite.

"Son objectif, selon les experts et toute l’opposition israélienne, est de siphonner les voix de l’extrême droite dont il a absolument besoin pour arriver en tête du scrutin du 17 septembre", rapporte Antoine Mariotti, correspondant de France 24 à Jérusalem.

"Benjamin Netanyahu est prêt à tout"

C’est dans ce sens qu’il a notamment promis, mardi 10 septembre, que s’il était reconduit au pouvoir, il annexerait unilatéralement la vallée du Jourdain, soit un tiers de la Cisjordanie occupée. Une promesse de dernière minute, qualifiée de désespérée et d’électoraliste par ses détracteurs, et censée mobiliser un large électorat : sa base, mais aussi les électeurs qui sont sur sa droite, ainsi que les quelque 400 000 colons établis en Cisjordanie.

"Benjamin Netanyahu est prêt à tout à cause des affaires qui pourraient peser sur la suite de sa carrière politique, souligne Élisabeth Marteu, chercheuse associée à l’Institut international d’études stratégique et spécialiste d’Israël, interrogée par France 24. On a beaucoup parlé d’une personnification du pouvoir, mais il y aussi une personnalisation du pouvoir, avec Benjamin Netanyahu qui utilise tous les outils possibles pour se rendre incontournable et apparaître comme l’homme politique providentiel dont Israël a besoin pour survivre".

Un message martelé quotidiennement sur les réseaux sociaux, dans les nombreuses prises de parole de Benjamin Netanyahu, et dans ses clips de campagne, dont l’un le présente en maître nageur bienveillant invitant les baigneurs à rester "bien à droite" de la plage.

Watch Likud's funny campaign ad portraying @netanyahu as lifeguard, with English subtitles. pic.twitter.com/TzXyuefk5T

  Gil Hoffman (@Gil_Hoffman) August 14, 2019

Le scrutin du 17 septembre, le deuxième en moins de six mois en Israël, après l'échec du Premier ministre à former un gouvernement de coalition après les législatives d'avril, s’annonce très serré. Les derniers sondages publiés par les médias locaux prévoient un coude-à-coude entre le patron du Likoud et son principal rival, l'ancien chef d’état-major Benny Gantz, à la tête d’une liste centriste Bleu Blanc.

Alors que les médias israéliens évoquent un scrutin synonyme de référendum pour ou contre sa personne, son image d’un Premier ministre garant de la sécurité est mise à mal depuis la reprise, mi-août, de tentatives d’infiltrations en Israël et de tirs de roquettes depuis la bande côtière palestinienne. Pis, alors qu’il est pilonné sur ce thème par ses rivaux, Benjamin Netanyahu a vécu un moment dévastateur en termes d’image, quelques heures à peine après son annonce sur la vallée du Jourdain, lorsqu’il a été contraint d’évacuer le podium d'un meeting organisé dans la ville d'Ashdod, après le retentissement de sirènes annonçant des tirs de roquettes imminents depuis la bande de Gaza.

"Benjamin Netanyahu est perçu comme un leader fort en matière de sécurité, mais dans le camp d’en face, la liste de Benny Gantz compte trois anciens chefs d’état-major, explique à France 24 Gideon Rahat, professeur de sciences politiques à l’Université hébraïque de Jérusalem. Par conséquent, le thème de la sécurité ne lui offre pas suffisamment de levier. Au contraire, sa gestion du cas du Hamas dans la bande de Gaza lui vaut de très nombreuses critiques".

Pourtant le Premier ministre a insisté sur ce thème en révélant et médiatisant plusieurs informations confidentielles et sensibles sur des opérations israéliennes à l’étranger. En début de semaine, il a accusé Téhéran, cartes et présentation Powerpoint à l'appui, d'avoir construit puis détruit un site visant à la fabrication d'armes nucléaires qui était jusqu'à présent inconnu.

L’opposition a vu rouge et critiqué une stratégie qui remet en cause, à des fins électorales, la politique d’ambiguïté stratégique de l’État hébreu. "Netanyahu utilise des renseignements pour faire sa propagande électorale. Le nucléaire iranien ne peut pas être utilisé pour les manœuvres de campagne", a tonné sur Twitter Yaïr Lapid, poids-lourd de la liste Bleu Blanc.

Le 24 août, le chef du gouvernement avait déjà révélé que l'aviation israélienne avait mené des frappes en Syrie pour empêcher une attaque de drones iraniens contre Israël, alors que l’État hébreu n’a pas pour habitude de confirmer, ni d’infirmer, sa responsabilité dans ce genre d’opération.

Sa relation avec Trump, un argument de campagne de premier ordre

Outre l’instrumentalisation de la menace iranienne que lui reproche l’opposition, le Premier ministre mise également sur sa stature internationale pour s’assurer un maximum de suffrages. En surfant notamment sur l’absence de leadership dans l’opposition et sur sa relation privilégiée avec Donald Trump. "Benjamin Netanyahu met fréquemment en avant sa relation personnelle avec le président américain, il s’agit d’un de ses principaux arguments de campagne avec la sécurité, explique Antoine Mariotti. Pour tenter de se faire réélire, il affirme que sans cette relation spéciale, rien ne serait possible pour l’État hébreu".

Il est vrai que depuis l’arrivée au pouvoir du milliardaire américain, en 2016, la donne a sensiblement changé en faveur de Benjamin Netanyahu, qui entretenait des relations exécrables avec son prédécesseur, Barack Obama. En mai 2018, les États-Unis avaient déménagé leur ambassade à Jérusalem, synonyme d’une reconnaissance officielle de la ville comme capitale d’Israël et de victoire politique pour le chef du gouvernement de l’État hébreu.

En mars déjà, peu avant les législatives du mois d’avril, Donald Trump avait annoncé la reconnaissance par son pays de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan, un territoire syrien conquis durant la guerre de 1967 et annexé en 1981. Une offrande électorale de premier ordre pour le Premier ministre israélien, alors chahuté dans les sondages par Benny Gantz.

"Des posters géants sont visibles en ce moment dans plusieurs villes israéliennes montrant Benjamin Netanyahu tout sourire, serrant la main du président américain, poursuit Antoine Mariotti. Il y a quelques jours, ses services ont annoncé qu’il se rendra à Moscou pour y rencontrer Vladimir Poutine, à quelques jours de l’élection".

Une manière pour lui de conforter l’image qu’il cultive et de faire un appel du pied à l’électorat russophone du leader du parti ultranationaliste et laïc Israël Beiteinou, Avigdor Liebermann.

Ce dernier, pourtant ancien ministre de la Défense et même ancien directeur de cabinet de Benjamin Netanyahu, est à l’origine des déboires politiques du Premier ministre. C’est à cause du refus d’Avigdor Liebermann de rejoindre sa coalition gouvernementale que Benjamin Netanyahu s’est résolu à demander la dissolution du Parlement issu des législatives d’avril et l’organisation d'élections anticipées.

Conforté par les sondages, qui promettent au parti d'Avigdor Liebermann 10 sièges de députés (contre les 5  obtenus en avril), le leader d’extrême droite, qui tente de séduire des électeurs lassé par son ancien mentor, au pouvoir sans discontinuer depuis 2009 (record absolu de longévité) , se voit comme un potentiel faiseur de roi après le scrutin.

Une issue probable qui donne des sueurs froides au camp Netanyahu, confronté à une droite fracturée et pris en tenaille entre laïcs et ultrareligieux, eux-mêmes divisés sur des questions de société. De quoi compromettre la marge de manœuvre du chef du Likoud pour former une coalition en cas de victoire le 17 septembre.

Mais ce n’est pas tout : malgré l’efficacité de la machine électorale de son parti et sa solide base d’électeurs, "Bibi" serait même contesté par une partie de la droite, ulcérée par la tournure de la campagne et sa stratégie anti-establishment adoptée pour contrer ses déboires judiciaires.

"Au sein de même de la droite, dans la sphère libérale et démocratique, il y a un certain mécontentement à l’égard de Benjamin Netanyahu, fait observer Gideon Rahat, de l’Université hébraïque de Jérusalem. Ceux qui le soutenaient ont peu goûté son basculement dans le camp de la droite populiste, ni plus récemment ses critiques et attaques contre le système judiciaire, les médias, et ce qu’il appelle l’ancienne élite".

Une campagne d’un homme seul contre tous, en somme, qui lui permet tout de même, malgré les critiques et les affaires, de toujours figurer comme le principal favori du scrutin.