
Pas moins de 257 empreintes de l'homme de Néandertal ont été décelées sur un rivage près de la Manche. Une découverte historique inédite, datée d'environ 80 000 ans.
Sous les dunes d'une plage du Cotentin, en Normandie, des archéologues ont fait une découverte de taille. Des centaines de traces de pas, témoins du passage de l'homme de Néandertal il y a plus de 80 000 ans. Au total, pas moins de 257 empreintes d'une dizaine d'individus ont été recensées. Une première.
C'est à quelques dizaines de mètres de la Manche, dans le site archéologique de Pou, au Rozel, que les archéologues ont fait leur étonnante découverte. Publiée dans la revue scientifique en ligne Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America le 9 septembre, le bilan des recherches de ces cinq Français évoque "un groupe à majorité composé d'enfants et d'adolescents", d'environ 10 à 13 individus. Parmi eux, au moins un adulte d'environ 1 m 90, estimé par les chercheurs grâce à la longueur des pieds.
Comment des traces de pas si anciennes ont-elle bravé le temps ? Elles se trouvaient en fait sous d'épaisses couches de sable – plusieurs dizaines de mètres, selon les chercheurs – qui les ont protégées. En fouillant à l'aide de pelles mécaniques puis de pinceaux, ils ont atteint le sol herbacé et boueux parfaitement préservé, marqué par les traces de nos ancêtres. " Les empreintes ont un fort intérêt, qui est aussi leur point faible : elles représentent une sorte d'instantané de la vie d'individus durant une période très brève", explique Jérémy Duveau, docteur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur principal de l'étude. " Elles nous permettent d'avoir un aperçu de la composition d'un groupe, mais il est possible qu'elles ne représentent que les individus qui s'aventuraient à l'extérieur à cette période donnée."
"Un miracle archéologique"
Découvert dans les années 1980 par un amateur nommé Yves Roupin, le site du Rozel n'a commencé à être fouillé qu'à partir de 2012. Face au danger de l'érosion par le vent et la marée, des fouilles de sauvetage avaient été mises en place par Dominique Cliquet, de la direction régionale des affaires culturelles de Normandie et du CNRS. "Ce site est un véritable miracle archéologique", a-t-il affirmé à l'issue de ces découvertes. Avant Rozel, neuf empreintes de Néandertal seulement avaient été découvertes à travers le monde (en Grèce, en Roumanie, à Gibraltar et en France).
En plus des traces de pas, " des pistes d'empreintes animales, des restes d'os d'animaux, cerfs, chevaux ou aurochs et des foyers" ont été découverts au fil des années sur le site, détaille Dominique Cliquet. "Mais bizarrement, pas de poisson ou de coquillages, pour un site qui était alors à environ 2 km de la mer" . Les chercheurs ne comptent pas s'arrêter là : ils souhaitent continuer les fouilles afin de comprendre pourquoi le groupe se trouvait à cet endroit, à cette période.