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Élection présidentielle : quel bilan économique et social en Tunisie ? (1/4)

À l'approche de l'élection présidentielle, pour beaucoup de Tunisiens désabusés de la politique, c'est le moment du bilan, surtout sur le plan économique et social. Reportage près de Sfax, centre économique du pays.

À Bir Ali Ben Khlifa, une ville à quelques kilomètres de Sfax, le centre économique de la Tunisie, les habitants attendent toujours le changement.

La jeunesse fuit, souvent clandestinement, à cause du manque de travail. Maktouf, travailleur journalier, a perdu l'un de ses fils, il y a deux ans, dans le naufrage d'un bateau clandestin qui partait pour l'Europe.

"Mon fils a fait une formation : il a travaillé comme plombier, comme réparateur de climatiseurs, réparateur de frigo, mais au final le travail se faisait toujours rare. Et en plus, on le payait mal ou pas du tout", explique ce père endeuillé.

Des diplômés sans travail

Dans les cafés de la ville, les diplômés chômeurs rongent leur frein. Certains sont sans emploi depuis la révolution de 2011. Sur 600 000 chômeurs en Tunisie, plus de 200 000 ont fait des études. "La corruption s'est beaucoup développée depuis la révolution et on a rien sans donner quelque chose. C'est pour cela que l'espoir des jeunes s'est terni depuis la révolution", décrit Ramzi qui a fait des études pour devenir professeur en philosophie, mais qui n’a pourtant jamais enseigné.

Dans la capitale aussi, des travailleurs plus âgés souffrent de la crise. Entre 2011 et 2015, plus de 1 500 entreprises industrielles ont fermé leurs portes. Des employés d’une société spécialisée dans la fabrication de couches sont au chômage technique depuis trois mois. Leur patron s'est volatilisé sans explication. Alors qu’ils ont voté lors des élections de 2014, pour beaucoup, la politique n'est aujourd'hui plus une priorité, comme le résume Mourad : "Quand vous vous trouvez sans salaire, sans aucune visibilité, sans rien, je crois que la politique est votre dernier souci".

Huit ans après la révolution, l'enjeu des élections est plus que jamais économique et social, selon Skander Ounaies, professeur en économie : "Si on ne résout pas la crise du chômage, tôt ou tard, nous aurons une explosion sociale. Il faut réinvestir dans tout ce qui est infrastructure. Regardez les coupures d'eau qui viennent de récemment se passer ou les coupures d'électricité. Pourquoi cela arrive ? Parce que l'investissement public est mort. L'État n'investit plus".

Avec un chômage qui stagne à 15,3 % et plus de 9 000 mouvements sociaux en 2018, les candidats et les partis sont attendus au tournant lors des élections présidentielles et législatives prévues respectivement le 15 septembre et le 6 octobre.