Alors qu’Édouard Philippe reçoit jeudi les partenaires sociaux pour une nouvelle consultation sur la réforme de retraites, la droite profite du changement de méthode d’Emmanuel Macron pour accuser le gouvernement d’immobilisme.
En faisant entrer au gouvernement Jean-Paul Delevoye, ancien ministre de Jacques Chirac, pour mener à bien la réforme des retraites, Emmanuel Macron s’est-il définitivement "chiraquisé", comme le prétendent ses critiques ? Alors que le président de la République menait les réformes au pas de charge lors de ses quinze premiers mois passés à l’Élysée, l’affaire Benalla puis la crise des Gilets jaunes ont mis un coup d’arrêt aux réformes de celui qui s’autoproclamait "maître des horloges". Les mauvaises langues le comparent donc à l'ancien président et ancien maire de Paris Jacques Chirac, qui n'a pas laissé dans les mémoires l'image d'un grand réformateur.
Désormais, Emmanuel Macron est obligé de composer avec les Français, ou du moins de donner l’impression qu’il les écoute. C’est le sens qu’il entend donner à sa nouvelle méthode de gouvernance, annoncée lors du discours qui a suivi le grand débat national. Et cela commence avec la réforme des retraites. "Je tiens à un grand débat", a-t-il prévenu, souhaitant que ce chantier "incarne le changement de méthode" initié après la crise des Gilets jaunes.
Résultat : alors que Jean-Paul Delevoye a passé 18 mois à discuter du futur "système universel" de retraites avec les partenaires sociaux et que son rapport a été remis le 18 juillet, le Premier ministre Édouard Philippe repart, à partir du jeudi 5 septembre, pour un nouveau round de concertations.
Personne ne sait pour le moment combien de temps durera l’exercice. Le ministre du Budget, Gérald Darmanin, a parlé le 30 août d’un "petit peu moins d’un an" de concertation, mais Édouard Philippe a ensuite rectifié en promettant de présenter la réforme au Parlement "dans les mois qui viennent".
Le contraste est saisissant avec le début du quinquennat. En 2017, la réforme du code du travail, pourtant très impopulaire et à laquelle étaient hostiles la plupart des syndicats, avait été bouclée en moins de quatre mois, concertations comprises. Désormais, le gouvernement marche sur des œufs et doit sans cesse temporiser, éviter de bousculer et négocier.
"Un des dangers désormais qui menace le macronisme, c'est l'immobilisme"
La dernière reculade d’Emmanuel Macron le montre bien. L’une des préconisations phares du rapport Delevoye fixait un âge pivot de départ à la retraite à 64 ans afin de bénéficier d’une pension à taux plein, avec une décote en cas de départ avant cet âge et une surcote pour un départ à la retraite plus tardif. Or, le chef de l’État a opéré un revirement inattendu, lundi 26 août, en indiquant sa préférence pour une modulation de la durée de cotisation plutôt que de l’âge de départ.
Une piste approuvée par deux tiers des Français (68 %), selon un sondage Odoxa réalisé pour Aviva Assurance, Challenges et BFM Business et publié le 4 septembre. Une main tendue également à la CFDT, seul syndicat favorable à un "système universel" mais opposé à la mise en place d'une borne d'âge collective.
Il n’en fallait en tout cas pas plus pour que la droite accuse Emmanuel Macron d’immobilisme. "On va voir si un jour on a un texte sur la table avec des propositions très précises, mais j'ai plutôt le sentiment qu'on se creuse la tête à l'Élysée et à Matignon pour savoir comment on gagne du temps", a estimé, mardi 3 septembre sur France Inter, le député Christian Jacob, favori dans la course à la présidence du parti Les Républicains.
"Un des dangers désormais qui menace le macronisme, c'est l'immobilisme", a également dénoncé, lundi 2 septembre sur RFI, le député Guillaume Larrivé, autre candidat à la présidence de LR. "Je ne voudrais pas (...) que le quinquennat d'Emmanuel Macron se mette à roupiller sur les questions de dépenses publiques, sur la question de la réforme structurelle", a-t-il ajouté.
Du côté de l’exécutif, on juge indispensable, après la crise des Gilets jaunes, de prendre son temps et on promet que la réforme des retraites sera menée à bien. Mais pour le moment, les Français ne semblent pas convaincus : 66 % d'entre eux jugent que le style et la méthode de l'exécutif n'ont pas changé, selon un récent sondage Elabe.