
Des premières rencontres décontractées au château de Rambouillet en 1975 au grand raout médiatique annoncé de Biarritz qui se tient ce week-end, retour sur plus de 40 ans de rencontres politico-économiques entre les puissants.
Que les Français les plus chauvins se réjouissent, (ou s’en attristent), le clan des sept ou G7 est né d’une initiative française. C’est le président français Valéry Giscard d'Estaing qui, dans un contexte de crise liée au choc pétrolier (1973), a eu l’idée de réunir en 1975, les plus grandes puissances économiques mondiales, dont la France, le Japon, l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis et le Royaume-Uni pour former ce que l’on appellera dans un premier temps le G6, - le Canada ne rejoindra le club très restreint que l’année suivante. Affranchis du protocole, l’objectif était de faire se rencontrer les chefs d’États les plus influents de la planète dans un cadre informel – et en dehors du cénacle de l’ONU - pour rapidement mettre en place une meilleure régulation de la mondialisation.
À l’origine, dans les jardins de Rambouillet…
Ainsi, du 15 au 17 novembre 1975, des journalistes triés sur le volet plantent leurs caméras dans les jardins du château de Rambouillet, immortalisant ce qui deviendra le rendez-vous incontournable des plus gros PIB de la planète. À cette date, les membres du G7 représentaient à eux-seuls 70 % du PIB mondial. À titre de comparaison, ils ne pèsent aujourd’hui plus que 45 % du PIB mondial et 10 % de la population mondiale.
Et à ses débuts, on peut dire que la formule fonctionne. "Après les sommets, on devinait qu’il y avait eu un consensus sur certaines décisions financières qui se traduisaient à l’époque au FMI [Fonds monétaire international], assure Régine Perron, enseignante en histoire des relations internationales à l'université de Cergy-Pontoise, au site Franceinfo. L'objectif était de ne pas tomber dans le protectionnisme et la guerre des monnaies."
Le faste à la française
En 1982, le G7 – présidence tournante oblige – se tient à nouveau en France, sous la houlette du nouveau chef d’État François Mitterrand. La rencontre internationale prend cette année-là un tournant, marquée par une invitation des plus grandioses. Les 4 et 5 juin, le président socialiste accueille les délégations étrangères sous les ors de Versailles dans un faste que Louis XIV n’aurait pas renié. On discute "difficultés économiques liées à l’inflation", guerre des Malouines et invasion du Liban par Israël, dans la salle du Sacre du château. La rencontre s’achève en apothéose : dîner dans la galerie des Glaces, spectacle à l’Opéra, concert à la chapelle royale et feu d’artifice tiré dans les jardins illuminés avec jeux d’eau nocturnes, sous la musique à cheval de la Garde républicaine. Chaque hôte repart le lendemain en hélicoptère, des étoiles plein les yeux, mais sans solutions concrètes, à en croire les observateurs de l’époque.
Le couple libéral Reagan/Thatcher
De 1984 à 1988, les sommets sont marqués par la tentation du duo anglo-saxon Ronald Reagan / Margaret Thatcher d’imposer un modèle économique libéral aux autres membres du groupe. En 1988, les sept puissances décident tout de même d’apporter une aide en faveur des pays en développement en effaçant partiellement leur dette.
À ses débuts, "le G7 offrait aux grandes économies occidentales la possibilité de se concerter, estime Bertrand Badie, professeur à Science-Po Paris et spécialiste des relations internationales, dans un entretien à France 24. Mais depuis les années 1980, les prétentions de ses acteurs se sont considérablement développées, les domaines d’activité et de concertation se sont élargis aux grandes questions politiques et commerciales, puis aux problématiques climatiques et financières. Aujourd’hui, il est notamment question de fiscalisation des Gafa : des thématiques qui ne correspondaient pas à l’esprit de départ. Les acteurs s’efforcent également de se positionner dans la mondialisation, ce qui est donc plus compliqué et beaucoup moins pertinent."
La Russie rejoint le G8 puis en repart
Au début des années 1990, la Russie fait son entrée dans le petit cénacle en qualité d'observateur. Le Premier ministre britannique d’alors, John Major, envoie une lettre à ses homologues du G7 pour demander la permission d'inviter le président russe Mikhaïl Gorbatchev au sommet de 1991, à Londres. Ce dernier avait en effet demandé de s’y rendre afin d’obtenir un soutien économique de l'Occident envers la Russie. Mais c’est en réalité Margaret Thatcher, qui, avant de démissionner, avait commencé les démarches en ce sens. En 1997, la Russie rejoint donc officiellement le G7 pour former le G8.
Avant d’en être exclue en 2014…. Les chefs d’État et de gouvernement des membres européens, nord-américains et japonais décident de suspendre leur participation au G8 de 2014 – alors sous présidence russe – en raison de la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine par la Fédération de Russie. La rencontre se tient néanmoins au cours de l’année entre les sept membres.
Les années Trump
Les pays occidentaux poursuivent leur travail de coordination dans les années 2000 bon an mal an, mais l’arrivée de Donald Trump au pouvoir rend les rencontres de plus en plus difficiles. En juin 2018, fidèle à son slogan de campagne "America first’", le locataire de la Maison blanche saborde le sommet de La Malbaie, au Canada, en retirant son soutien au communiqué final du sommet malgré le compromis qui avait été obtenu de haute lutte sur les questions commerciales.
Critiqué de toute part, au sein même de ses acteurs, le G7 ressemble chaque année un peu plus à un "club des vieilles puissances, estime le professeur émérite Bertrand Badie. Ce qui définit le G7 aujourd’hui est la prétention des vieilles puissances à régir le monde, ce qui est en contradiction avec les paramètres mêmes de la mondialisation. Et poursuivre, dans un monde globalisé, il est évident que l’idée de monde occidental perd de son sens. Lorsqu’il a été créé en 1975, le G7 couvrait un vrai monde, celui de l’hémisphère occidental, qui s’opposait au système soviétique. Aujourd’hui, que veut-dire le monde occidental (élargi au Japon) ?
Conscient des critiques, Emmanuel Macron a choisi d’innover pour le sommet de 2019 à Biarritz en associant quatre grands partenaires tels que l’Afrique du Sud, l’Australie, le Chili et l’Inde. Une bonne idée pour s’épargner le feu des critiques et faire perdurer cette initiative française ? Réponse dimanche soir.