
Le général français Stéphane Abrial a officiellement pris la direction de l'un des deux commandements suprêmes de l'Otan, mercredi. Jamais une telle fonction n'avait été confiée à un non-Américain dans l'histoire de l'organisation.
Le général français Stéphane Abrial a pris mercredi, à Norfolk (Virginie, est des Etats-Unis), l'un des deux commandements "suprêmes" de l'Otan, le commandement allié Transformation, l'ACT. Cette nomination représente "une énorme valeur symbolique", la "reconnaissance du poids de la France dans l'Alliance, de son savoir-faire et de son expérience militaire", s’est-il réjoui. Heureux, l’homme âgé de 54 ans peut l’être. C’est la première fois depuis la création de l’Otan en 1949 que l’un des plus hauts postes de l’Otan est confié à un Européen.
"J'espère que la France va jouer un rôle-clé comme force motrice des réformes dans l'Otan", expliquait mercredi, lors de la passation de commandement, Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de l'Otan .
Certes, le choix d’Abrial, contrepartie accordée par les États-Unis au retour de la France dans la structure intégrée de l'Otan, est une consécration pour Paris et Bruxelles. Mais cette consécration pourrait bien se transformer en cadeau empoisonné tant la tâche s’annonce ardue.
CV irréprochable
La fonction, aussi prestigieuse soit-elle, ne sera en effet pas de tout repos pour le militaire français. Il hérite en particulier de la lourde tâche de définir la stratégie de l’Otan pour la décennie à venir. "Une stratégie qui devra correspondre à un monde extrêmement instable", rappelle Luc Sauron, professeur de droit communautaire à l’université Dauphine à Paris et spécialiste des affaires européennes.
Le général Abrial, qualifié de gros travailleur et doté d'une grande résistance physique, semble pourtant armé pour mener à bien sa nouvelle fonction.
Décrit comme affable, souriant et charismatique mais aussi homme de sang froid ne laissant rien transparaître de ses émotions, le général Stéphane Abrial affiche un CV irréprochable : élève-officier à l'US Air Force Academy dans les années 1970, il est déplacé en Allemagne et en Grèce puis en Belgique après un passage à l'Air War College en Alabama en 1991. En 2000, il est promu adjoint au chef de l'état-major particulier du président de la République à Paris, puis en 2002 il devient le chef du cabinet militaire du Premier ministre.
Ces deux postes lui apprennent les arcanes de la politique. "Et l’Otan, c’est aussi ça", rappelle Jean-Luc Sauron. "La France a envoyé l’un de ses meilleurs éléments, affirme l’universitaire. Il a un profil qui n’est pas seulement militaire : il a une vraie connaissance du monde politique et de ses contraintes."
Le parcours du général Stéphane Abrial, politique mais surtout résolument européen, explique, parmi d’autres raisons, que l’Otan l’ait choisi pour cette haute fonction. "Les Américains ont enfin compris que s’ils voulaient de la part de leurs alliés un meilleur partage des tâches et du coût de l’Otan, il fallait peut-être leur donner des postes en conséquence", conclut Jean-Luc Sauron.