Selon l'ONG White Counter, près de 50 000 personnes, 20 000 d'après la police, se sont rassemblées, samedi, à Moscou, pour dénoncer l’exclusion de candidats indépendants aux prochaines élections locales. Plus de 50 manifestants ont été arrêtés.
Quatrième weekend consécutif de manifestation à Moscou. Plusieurs dizaines de milliers d’opposants au président russe Vladimir Poutine se sont rassemblés, samedi 10 août, pour dénoncer l’exclusion des candidats indépendants aux élections locales.
La manifestation, plus importante mobilisation depuis le début du mouvement de contestation, s’est faite en l’absence de presque tous les leaders d’opposition, ceux-ci ayant été emprisonnés. Il s'agissait aussi de la plus importante manifestation en Russie depuis le retour au Kremlin, en 2012, de Vladimir Poutine.
Le rassemblement a démarré vers 14 h (11 h GMT) sur l’avenue Sakharov, seul lieu pour lequel les autorités ont donné leur accord, encadré par une forte présence policière.
Selon l'organisation White Counter, qui comptabilise le nombre de manifestants, près de 50 000 personnes se sont rassemblées à Moscou. La police parle, elle, de 20 000 manifestants.
Plusieurs dizaines de manifestants - une cinquantaine selon un journaliste de l'AFP - ont été arrêtés alors qu'ils comptaient protester devant l'administration présidentielle russe dans la foulée de la manifestation principale.
"Vous nous avez assez menti"
Dans le calme, les participants à la manifestation portaient des pancartes sur lesquelles était écrit "Donnez-nous le droit de vote" ou "Vous nous avez assez menti" tandis que d'autres brandissaient des drapeaux russes ou les portraits d'activistes arrêtés lors des précédentes manifestations.
"Je suis outrée par cette injustice à tous les niveaux" a déclaré Irina Dargolts, ingénieure de 60 ans. "On ne laisse pas se présenter des candidats qui ont rassemblés toutes les signatures nécessaires. On arrête les gens qui manifestent pacifiquement."
"J'ai l'impression que le pays est prisonnier et ses citoyens en otage (...) Personne ne représente les gens", assure de son côté Dmitri Khobbotovski, un militant du mouvement "Russie ouverte" de l'ex-oligarque en exil Mikhaïl Khodorkovski.
Durcissement de la répression
Pour la dernière manifestation autorisée par les autorités locales, le 20 juillet, plus de 20 000 personnes avaient répondu à l'appel sur cette même avenue Sakharov.
Alors même qu’ils étaient interdits, les deux rassemblements suivants se sont soldés par respectivement 1 400 et un millier d'interpellations, témoignant d'un durcissement de la répression face à la contestation.
Un durcissement qui s'exprime aussi par les nombreuses perquisitions ayant visé des opposants ou de simples manifestants, l'ouverture d'une enquête pour "blanchiment" visant l'organisation du chef de file de l'opposition, Alexeï Navalny, et les courtes peines d'emprisonnement auxquelles ont été condamnés presque tous ses alliés politiques.
Parmi les leaders de l'opposition libérale, seule l'avocate Lioubov Sobol était encore en liberté grâce à son enfant, la loi russe interdisant les peines de détention administratives pour les femmes ayant des enfants en bas âge. Elle a toutefois été interpellée avant la manifestation après une perquisition de la police dans son local de campagne.
"Je ne vais pas aller à la manifestation." a-t-elle déclaré dans un tweet. "Mais vous savez quoi faire sans moi. Je suis fière de tous ceux qui sont venus. La Russie sera libre."
Обыск в Центре сбора подписей. На митинг я не доеду. Но вы знаете, что делать и без меня. Горжусь всеми, кто сегодня выйдет. Россия будет свободной! Допускай!
Соболь Любовь (@SobolLubov) August 10, 2019Si l'opposition est décimée, plusieurs personnalités parfois éloignées de la politique ont annoncé leur intention de manifester, comme le Youtubeur Iouri Doud ou l'un des rappeurs les plus populaires de Russie, Oxxxymoron. Ce dernier est apparu à la manifestation portant un t-shirt de soutien à Egor Joukov, un étudiant de 21 ans emprisonné.
L’autorisation délivrée par la mairie de Moscou devrait permettre d'éviter les arrestations massives vues ces dernières semaines, mais l'équipe d'Alexeï Navalny a appelé à une marche en ville après le rassemblement. Une marche qui, selon la police, sera "immédiatement stoppée".
D'autres rassemblements ont eu lieu dans plusieurs villes de Russie. À Saint-Pétersbourg, 20 personnes ont notamment été interpellées, selon l'ONG OVD-Info.
La contestation a démarré à la suite du rejet d’une soixantaine de candidats indépendants aux élections locales du 8 septembre. Des élections qui s’annoncent difficiles pour les candidats soutenant le pouvoir dans un contexte de mécontentement social.
La Russie n'a plus connue de manifestations de cette ampleur depuis 2011-2013. Des opposants à Vladimir Poutine étaient alors descendus dans les rues pour protester contre des fraudes électorales.
Avec AFP et Reuters