La Commission européenne propose aux pays de l'UE de soutenir une interdiction mondiale du commerce du thon rouge, ce qui de facto suspendrait la pêche et aurait un impact considérable au Japon, principal pays consommateur.
AFP - Les sushis et steaks de thon rouge appartiendront-ils bientôt au passé? L'Europe envisage en tout cas de soutenir une interdiction du commerce mondial de cette espèce jugée en danger, au grand dam des pêcheurs et du Japon, principal consommateur mondial.
La Commission européenne a annoncé mercredi une proposition en ce sens, qui de facto suspendrait la pêche de ce poisson, capturé pour l'essentiel en Méditerranée et dans le Golfe du Mexique.
"Cette décision constitue un pas important en faveur de la protection du thon rouge", a déclaré le commissaire à l'Environnement, Stavros Dimas, officialisant ainsi une recommandation qui avait déjà filtré la veille.
Elle est justifiée car "les scientifiques disent qu'une action urgente est nécessaire pour préserver l'une des créatures les plus emblématiques des océans", a-t-il ajouté.
Dans le détail, l'exécutif européen soutient une proposition de Monaco visant à inscrire le thon rouge, dit "de l'Atlantique", sur l'Annexe I de la Convention de l'ONU sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES).
Cette annexe prévoit une interdiction de commercialisation. Au moins temporaire. Ce qui impliquerait le versement de compensations financières aux pêcheurs.
Bruxelles laisse encore une porte ouverte: si les pays concernés par la pêche au thon dans le monde, qui se réunissent chaque année au sein de l'ICCAT pour se partager les quotas de capture, prennent d'eux-mêmes des décisions draconiennes pour protéger l'espèce (ou si les données scientifiques à venir montrent que les stocks s'améliorent), alors l'UE pourrait renoncer à demander l'interdiction du négoce.
En attendant, la proposition de Bruxelles va être soumise aux Etats membres de l'Union européenne au cours d'une première réunion le 21 septembre.
Elle devra être soutenue par une majorité d'entre eux pour devenir la position officielle de l'UE, puis être défendue ensuite au niveau mondial à l'assemblée des 175 pays membres de la CITES, où Tokyo aura son mot à dire.
L'enjeu pour le pays des sushis est énorme: environ 80% des captures de thon rouge en Méditerranée sont exportées à prix d'or vers le Japon, ce qui représentait en 2007 environ 30.000 tonnes. "Le Japon mène déjà une intense activité de lobbying pour tenter d'empêcher un arrêt de la pêche", souligne un bon connaisseur du dossier.
Au sein de l'Union européenne même, l'issue des discussions est incertaine. L'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont annoncé qu'ils soutiendraient une interdiction totale.
La France en revanche a une position plus ambiguë. Son président Nicolas Sarkozy a d'abord dit en juillet soutenir une interdiction du commerce.
Depuis, Paris penche plutôt pour une voie intermédiaire: l'inscription sur l'Annexe II de la CITES, beaucoup moins restrictive, mais avec la possibilité d'un moratoire sur la pêche pendant deux ans.
"La Commission européenne montre la voie, mais la France fait machine arrière", a déploré Greenpeace dans un communiqué.
Paris doit tenir compte de la colère des pêcheurs, qui contestent que le thon rouge soit menacé. L'Association euro-méditerranéenne des pêcheurs professionnels, rassemblant des navires de France, d'Italie, d'Espagne, de Grèce, de Malte et de Chypre, a qualifié mercredi de "non-sens" la proposition de Bruxelles.
"Le thon rouge est en péril aujourd’hui en grande partie à cause de l’emballement du commerce international, notamment à destination du marché asiatique du sushi", a répondu dans un communiqué François Chartier, chargé de campagne océans pour Greenpeace.