800 Ougandais doivent prendre part à une étude sur un nouveau vaccin contre le virus Ebola, dont l’usage est encore controversé en RD Congo voisine où une épidémie de ce virus a fait plus de 1 800 morts en un an.
Un groupe de scientifiques ougandais a annoncé vendredi 2 août le lancement de l’essai clinique d’un vaccin expérimental contre le virus Ebola, qui pourrait être également utilisé dans l’est de la République démocratique du Congo voisine. Une épidémie de cette fièvre hémorragique extrêmement contagieuse et mortelle jusque dans 90 % des cas y a déjà fait plus de 1 800 victimes en un an.
Au total, 800 Ougandais, principalement issus du personnel soignant en première ligne face au risque d’infection, doivent participer à l’étude menée sur deux ans par des chercheurs de l’université des sciences et technologies de Mbarara. La ville se situe à 250 km de l’épicentre de l’épidémie qui touche la RD Congo depuis août 2018. L’Ouganda, où le virus est apparu à plusieurs reprises au cours des dernières années, est en état d’alerte depuis le début de l’épidémie en août 2018. Mi-juin, deux Ougandais sont morts après avoir contracté la maladie lors d’un voyage de l’autre côté de la frontière.
Pontiano Kaleebu, responsable de l’enquête pour l’Unité ougandaise de recherche, a déploré vendredi que le vaccin expérimental, développé par la compagnie pharmaceutique belge Janssen, n’ait toujours pas été déployé en RD Congo. Pour le moment, seul un vaccin dont l’efficacité clinique a été démontrée lors d’une épidémie, le rVSV-ZEBOV, produit par les laboratoires américains Merck, y est utilisé. Il a déjà été administré à plus de 170 000 personnes dans la région infectée du Nord-Kivu, mais des responsables d’ONG et du secteur congolais de la Santé pointent le risque d’une pénurie alors que le virus s’est propagé en juillet dans la capitale régionale, Goma.
"Ce vaccin n’est pas approprié"
Le ministre congolais de la Santé, Oly Ilunga, a démissionné mi-juillet, évoquant un “consortium opaque à l’œuvre” pour mettre en place le vaccin expérimental de Janssen, au risque d’entraîner la confusion sur le terrain. Selon lui, la nécessité d’une revaccination huit semaines après la première administration pose notamment problème. “Nous sommes arrivés à la conclusion que ce vaccin n’est pas approprié pour arrêter l’épidémie en cours”, a-t-il affirmé dans une interview au Monde. Un point de vue réfuté par le nouveau responsable de la coordination de lutte contre Ebola, Jean-Jacques, Muyembe.
Les scientifiques ougandais sont confiants face au potentiel du vaccin expérimental de Janssen, déjà testé sur 4 000 personnes en Europe, aux États-Unis et en Afrique lors d’une étude du consortium international PREVAC dont les premiers résultats sont attendus pour 2020. “Bien qu’il n’ait pas encore été utilisé lors de précédentes épidémies, et que la preuve de son efficacité sur les humains soit encore manquante, il a démontré sa sûreté et sa capacité à provoquer une réponse immunitaire, et est très efficace contre Ebola chez les primates”, affirme la Faculté d’hygiène et de médecine tropicale de Londres, membre du PREVAC et sponsor de l’étude ougandaise.
Pour les chercheurs ougandais, il est “impératif d’étudier plusieurs vaccins” capable de lutter sur le long terme contre le virus. “Un vaccin, associé à un engagement communautaire fort, à un diagnostic renforcé et à un séquençage en temps réel, est essentiel pour contrôler les épidémies d'Ebola”, a affirmé le professeur Pontiano Kaleebu lors d'une conférence de presse. Soulignant qu’il n’existe pour le moment aucun vaccin homologué à l’usage international contre le virus, il insiste : “Développer des vaccins et des traitements efficaces contre Ebola est une priorité mondiale pour la santé publique. Avec cet essai, nous espérons disposer de plus d'informations pour nous aider à obtenir un vaccin autorisé.”
Le rVSV-ZEBOV administré en RD Congo avait suscité beaucoup d’espoir pour l’Organisation mondiale de la santé, mais son efficacité est limitée par la forte instabilité sécuritaire du Nord-Kivu où plusieurs groupes armés sont présents, et par la réticence des communautés locales à l’administration du vaccin. Pour endiguer l’épidémie, le Groupe stratégique consultatif d’experts (SAGE) de l’OMS recommandait notamment, en mai 2019, d’administrer le vaccin expérimental de Janssen chez les “populations à faible risque de contamination”, dont font partie les Ougandais vivant à la frontière.