La tension entre le Japon et la Corée du Sud est montée d'un cran vendredi, quand Tokyo a radié Séoul de ses "partenaires de confiance", soit les États bénéficiant d'un traitement de faveur. Une mesure "irresponsable", selon le président sud-coréen.
Le Japon a décidé, vendredi 2 août, de durcir encore les restrictions commerciales envers la Corée du Sud, la rayant d'une liste d'États bénéficiant d'un traitement de faveur. La mesure a été perçue comme une sanction par Séoul, qui a qualifié le geste de Tokyo d'"irresponsable".
Cette disposition prendra effet le 28 août, a précisé le ministre nippon du Commerce et de l'Industrie, Hiroshige Seko.
Tokyo assène ainsi un nouveau coup à Séoul, avec qui existent de nombreux différends historiques liés à l'occupation coloniale de la péninsule coréenne par le Japon (1910-1945), contentieux qui empoisonnent leurs relations depuis des lustres.
Le gouvernement sud-coréen n'a pas tardé à réagir. "Cette action égoïste infligera des dégâts énormes à l'économie mondiale en perturbant la chaîne internationale des approvisionnements", a averti le président sud-coréen, Moon Jae-in, lors d'une déclaration retransmise en direct à la télévision.
Il a enjoint le Japon de "revenir dès que possible sur ses mesures unilatérales et injustes, et dialoguer". "Le gouvernement japonais porte l'entière responsabilité de ce qui se produira ensuite", a menacé le président Moon, ajoutant que Séoul allait "graduellement durcir" sa réponse.
Les autorités japonaises ont nié qu'il s'agisse d'une sanction. "Il s'agit simplement d'une révision de la liste des pays de confiance, nécessaire dans le cadre d'une gestion appropriée du contrôle des exportations, pour la sécurité nationale", a justifié Hiroshige Seko.
En dégradant la Corée du Sud de la catégorie des États A (traitement de faveur) à celle des États B (autorisation spéciale obligatoire), Tokyo signifie que son voisin n'est pas fiable et qu'il faut s'assurer avant d'exporter qu'il ne va pas utiliser à des fins détournées (militaires notamment) les matériaux et équipements venant du Japon.
Le gouvernement japonais, dirigé par le nationaliste Shinzo Abe, est furieux que des tribunaux de Corée du Sud exigent d'entreprises japonaises qu'elles dédommagent des Sud-Coréens qui avaient été forcés de travailler dans leurs usines durant l'occupation japonaise jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. "Le problème du travail forcé est extrêmement grave et il compromet les bases légales des relations entre le Japon et la Corée du Sud", a déclaré jeudi Taro Kono, le chef de la diplomatie japonaise.
Impact commercial incertain
"Ce n'est pas un embargo sur les exportations. Cela n'affectera pas la chaîne d'approvisionnement et n'aura pas d'impact négatif sur les entreprises japonaises", a toutefois encore assuré Hiroshige Seko.
Selon Tokyo, nombre de firmes nippones disposent déjà d'une autorisation pour exporter vers des pays de catégorie B, et ce sésame sera utilisable pour la Corée du Sud. "Si les entreprises ont des autorisations spéciales, il ne devrait pas y avoir d'entraves", a confirmé à l'AFP Hajime Yoshimoto, de Nomura Securities.
Cependant, vu de Séoul, cette nouvelle disposition ne sera pas aussi bénigne que les Japonais veulent bien le dire. La liste concerne 15 catégories regroupant chacune des dizaines de produits, allant des armes à divers appareils électroniques, en passant par des produits chimiques, des matériaux avancés ou encore des équipements pour les navires.
"L'impact est susceptible de se propager au secteur de l'automobile et des écrans à technologie Oled, parmi beaucoup d'autres", a expliqué à l'AFP à Séoul Mun Byung-ki, un chercheur de l'Association coréenne du commerce international.
Le Japon avait déjà décidé début juillet de lever l'exemption de procédure pour trois produits chimiques nécessaires entre autres à la fabrication de smartphones et de téléviseurs, une décision très pénalisante pour les géants de l'électronique sud-coréens comme Samsung et LG Electronics.
Menace pour la sécurité régionale face à Pyongyang et Pékin
Le ministre japonais des Affaires étrangères avait fait savoir dès jeudi soir que les deux pays n'étaient pas parvenus à trouver un terrain d'entente pour éviter cette radiation.
La ministre sud-coréenne des Affaires étrangères, Kang Kyung-wha, avait averti de son côté que "le cadre de coopération en matière de sécurité entre la Corée du Sud et le Japon pourrait être affecté" par les mesures prises par Tokyo. Elle a notamment indiqué que la reconduction d'un accord de partage de renseignements militaires pourrait être compromise.
Le Japon et la Corée du Sud sont des alliés des États-Unis, dont dépend en grande partie leur sécurité, notamment face à la Corée du Nord et à la Chine. Pyongyang a effectué de nouveaux tirs de missiles vendredi 2 août matin, pour la troisième fois en huit jours.
Avec AFP