
Bobi Wine, le chanteur ougandais entré en politique, a officialisé mercredi sa candidature à l’élection présidentielle de 2021. Il espère incarner le renouveau face à Yoweri Musevini, au pouvoir depuis plus de 30 ans.
Sa candidature à la prochaine élection présidentielle, Bobi Wine l’a officialisée lors d’un meeting, mercredi 24 juillet à Kampala. "Au nom du peuple d’Ouganda, je vous défie lors d’une élection libre et juste en 2021", a lancé le député d’opposition de 37 ans, à l’attention du président ougandais, Yoweri Musevini.
Face au chef de l'État vieillissant, à la tête du pays depuis 1986, Bobi Wine veut représenter le renouvellement. "Nous allons défier le président, nous allons créer une synergie avec les forces du changement", confiait-il à France 24 en juin dernier. Dans un pays où un habitant sur deux a moins de 16 ans, celui qui s'est fait connaître en chantant du ragga porte les aspirations de la jeunesse. "Il est vu par les jeunes comme une voix nouvelle et légitime pour l’Ouganda", explique à France 24 Kristof Titeca, maître de conférences à l’Institut de politique et de gestion de développement de l’Université d’Anvers et spécialiste de l'Afrique de l’Est.
"Nous ne sommes pas vos petits-enfants"
Une jeunesse qui n’a connu que Yoweri Musevini comme président. Pour rester au pouvoir, l'actuel chef de l’État a modifié deux fois la Constitution, supprimant notamment, fin 2017, la limite d'âge de 75 ans qui l'aurait empêché de se représenter. Un dirigeant qui soulève une vague d'indignation en août 2018 en s'adressant à Bobi Wine comme à un "petit-fils". Sur les réseaux sociaux, la colère s'exprime sous le hashtag #WeAreNotYourGrandChildren ("nous ne sommes pas vos petits-enfants").
WOAH WOAH WOAH... Hold up, #WeAreNotYourGrandchildren
Just #FreeBobiWine pic.twitter.com/X1GfXa6Kz3
Dear Museveni,#WeAreNotYourGrandchildren#WeAreNotYourGrandchildren#WeAreNotYourGrandchildren#WeAreNotYourGrandchildren#WeAreNotYourGrandchildren#WeAreNotYourGrandchildren#WeAreNotYourGrandchildren#WeAreNotYourGrandchildren#WeAreNotYourGrandchildren
MF (@mfsemuju) August 18, 2018Bobi Wine, de son vrai nom Robert Kyagulanyi, connaît son audience. En juillet 2018, il se bat contre la hausse du coût de la connexion Internet, destinée selon lui à faire taire l’opposition, en plein essor, notamment sur les réseaux sociaux. Une position logique pour celui qui compte plus d’un million de "fans" sur sa page Facebook, et plus de 333 000 abonnés sur Twitter. En comparaison, l’actuel président de l’Ouganda a moitié moins de fans sur sa page Facebook.
"Sa réputation, Bobi Wine la doit au fait de venir du ghetto. Il n’a pas utilisé les vieilles tactiques politiques basées sur la corruption", détaille Kristof Titeca. "La légitimité de Musevini est de plus en plus contestée par les jeunes. Le fait qu’il ait apporté un climat de paix dans le pays en 1986 [en mettant fin à la guerre civile, NDLR] ne représente pas grand-chose aux yeux d’une majorité de la population, née après cette date."
Les promesses de Bobi Wine sont ancrées dans le présent. Dans ses discours, il évoque ainsi le chômage ou l’amélioration des transports publics. "C’est ce que les gens attendent", estime l’universitaire, dans un pays où 83 % des personnes sans emploi sont des jeunes.
D’outsider à symbole de l’oppression
Si ses chansons ont toujours représenté un moyen de prendre position, ce n’est qu’à partir de 2017 que Bobi Wine fait son entrée dans le monde politique en étant élu député. Rapidement, il devient un symbole de l’oppression gouvernementale. "Le fait que le gouvernement essaie de le faire taire, notamment en annulant ses concerts, le renforce auprès de la jeunesse" , affirme Kristof Tetica. Après avoir été arrêté plusieurs fois, il est inculpé en juillet 2018 pour avoir organisé un rassemblement illégal.
En août, il est à nouveau interpellé pour "trahison", à la suite de jets de pierre sur le convoi présidentiel dans la ville d’Arua. Les soutiens se multiplient sur les réseaux sociaux, notamment à travers le hashtag #FreeBobiWine ("Libérez Bobi Wine"). À sa sortie de détention, il affirme avoir été torturé par les autorités.
Des arrestations qui ne l'empêchent pas de lancer sa candidature à la présidentielle. " Je sais le danger que j’encours en défiant Museveni, mais j'ai été encouragé par les Ougandais qui m'ont dit que j'étais le leader qu'ils voulaient." Une déclaration qui fait référence aux nombreux messages d'encouragement présents sur les réseaux sociaux. "Reste à savoir si lui et son mouvement auront les capacités d’opérer un réel changement au sein du pays", au-delà de la simple image de renouveau qu’ils proposent, s’interroge Kristof Tetica.