
Le constructeur italien Fiat-Chrysler a retiré dans la nuit de mercredi à jeudi sa proposition de fusion avec Renault, faute d'avoir obtenu un engagement rapide du groupe français.
Il n'y aura finalement pas de fusion entre Fiat-Chrysler Automobiles (FCA) et Renault. Le constructeur automobile italio-américain a retiré, dans la nuit du mercredi 5 au jeudi 6 juin, sa proposition de fusion avec le groupe français pour former le numéro 3 mondial de l’automobile, jugeant qu'il ne parviendrait pas à obtenir un accord du gouvernement français.
"Les conditions politiques ne sont actuellement pas réunies en France pour mener à bien un tel rapprochement", a estimé Fiat-Chrysler dans un communiqué.

Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a dit jeudi prendre "acte" du retrait, assurant que l'État français avait travaillé "de manière constructive" sur ce projet.
"Dès la présentation de cette offre, l'État, actionnaire de Renault à 15,1 %, l'a accueillie avec ouverture et a travaillé de manière constructive avec l'ensemble des parties prenantes", a déclaré le ministre dans un communiqué, en soulignant qu'un accord avait été obtenu sur trois des quatre grands sujets sur la table des négociations, avant leur rupture.
Le constructeur français a fait part, dans un communiqué, de sa "déception", soulignant que cette proposition d'alliance avait montré "l'attractivité" du constructeur automobile et de son alliance avec Nissan.
"Un peu plus de temps"
Conséquence de l'échec des négociations : une sanction immédiate des deux constructeurs sur les marchés boursiers. Le titre de Renault décrochait de plus de 7 % à la mi-journée à Paris et celui de FCA se reprenait à Milan, après avoir perdu plus de 3 % à l'ouverture.
Le conseil d'administration de Renault, réuni mercredi 5 juin pour la deuxième journée consécutive pour étudier cette proposition, n'avait pas été en mesure de prendre une décision.
"On regrette la décision précipitée de FCA. Depuis le début, l'État a souhaité que le temps nécessaire soit donné pour examiner cette opération structurante", a expliqué une source proche de Bercy. "Malgré des progrès significatifs, un court délai était encore nécessaire pour que l'ensemble des conditions fixées par l'État soit remplies", a-t-elle ajouté.
"Prenons le temps, pour faire les choses bien. C'est une opération de grande ampleur", avait déclaré mercredi le ministre de l'Économie mercredi.
Préservation de l'alliance avec Nissan
Une source proche du groupe a expliqué que Bruno Le Maire "voulait un (nouveau) conseil (d'administration) mardi [11 juin] après son voyage au Japon" prévu en fin de semaine. Il souhaitait en effet s’entretenir au préalable avec son homologue japonais pour ne pas risquer un divorce avec Nissan, allié de Renault depuis vingt ans.
Au cours de la réunion de mercredi soir, au siège de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), "tous les administrateurs étaient pour (la fusion), à part un représentant des salariés affilié à la CGT, qui était contre, et les deux représentants de Nissan" qui pensaient s'abstenir, a ajouté cette même source. Les deux administrateurs nommés par Nissan ont néanmoins indiqué "qu'ils pourraient dire oui avec un peu plus de temps".
Nissan, dont Renault détient 43 % du capital et qui contrôle lui-même 15 %, de Renault avait été tenu à l'écart des discussions entre les groupes français et italien jusqu'à l'annonce du projet, il y a dix jours. Le constructeur japonais craignait d'être marginalisé dans l'opération, mais y voyait toutefois des opportunités en matière de partages de technologies.
Depuis l’arrestation, en novembre dernier au Japon, de Carlos Ghosn, ancien patron emblématique de Renault-Nissan, les relations au sein du partenariat franco-japonais se sont considérablement tendues. L’ex-dirigeant a été mis en examen au Japon pour diverses malversations à la suite de dénonciations par des dirigeants de Nissan.
Suite au retrait de la proposition de FCA de fusionner avec Renault, jeudi 6 juin, Bercy a nié le lien entre cet échec et d'éventuelles manœuvres politiques.
"La raison pour laquelle ce 'deal' ne s'est pas fait est lié à la préservation de l'alliance entre Renault et Nissan, ça n'a rien à voir (...) avec des interventions politiques", a assuré Bercy lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes. "Nous avons été très clairs : il nous fallait le soutien explicite de Nissan pour que la fusion se réalise dans le cadre de l'alliance. On ne pouvait pas mettre en cause la pérennité de l'alliance dans cette opération", a-t-on ajouté.
La crainte de voir passer Renault sous pavillon italien
Quatre conditions avaient été posées, la semaine dernière, par l’État français pour donner son feu vert à la fusion. La première d’entre elle était que ce mariage respecte l’alliance avec Nissan.
Bruno Le Maire avait également insisté sur "la préservation des emplois et des sites industriels, une gouvernance équilibrée et la participation du futur groupe au projet européen de batterie électrique".
Parmi ses craintes : que ce "mariage entre égaux" aboutisse finalement à faire passer Renault sous pavillon italien.
Le projet prévoyait notamment la création d'une holding basée à Amsterdam et détenue à parts égales par les actionnaires de Renault et FCA.
Premier actionnaire de Fiat Chrysler avec 29 %, la famille Agnelli aurait vu sa part mécaniquement diluée à 14,5 %, mais serait restée de loin le principal actionnaire, pesant près du double de l'État français qui serait, lui, tombé à 7,5 % du capital.
Avec AFP