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Avec 11 morts, l'Everest connaît sa saison la plus meurtrière depuis 2015

Un onzième alpiniste a perdu la vie, mardi, sur l'Everest, creusant le record macabre de la saison de printemps 2019, marquée par des embouteillages inédits au sommet de la plus haute montagne du monde.

Cette saison himalayenne été marquée par un nombre record d'alpinistes et des embouteillages meurtriers. Selon les autorités népalaises, un onzième alpiniste a perdu la vie en descendant de l'Everest, mardi 28   mai, alors que la saison de printemps s'achève.

Âgé de 61   ans, Christopher John Kulish était de retour lundi soir au campement le plus élevé de la montagne, après avoir gravi le sommet, quand il a "soudain eu un problème cardiaque et est mort au col Sud", a expliqué Mira Acharya du département du tourisme du Népal.

Ce décès vient ainsi creuser le tragique record du plus haut sommet du monde. La même semaine, dix alpinistes y avaient déjà laissé leur vie, dont un alpiniste américain chevronné qui s'était longtemps entraîné en gravissant les plus hauts pics de chaque continent.

En proie à des embouteillages impressionnants, la cime himalayenne, haute de 8   848   mètres et dont les dernières centaines de mètres sont surnommées "zone de la mort", n'a pas connu pire saison depuis   2015. Cette année-là, le Népal avait été frappé par un puissant séisme provoquant des avalanches et tuant 18 alpinistes sur l'Everest.

Record de permis délivrés

Lundi, les dernières expéditions encore présentes sur le mont Everest, situé à la frontière entre le Népal et la Chine, tentaient d'accéder au sommet, clôturant une saison particulièrement meurtrière où les appels à réguler l'ascension se sont multipliés.

Au total, pour cette saison de printemps (qui dure defin avril à fin mai), 381 permis d'ascension (au prix unitaire de 11   000 dollars) ont été délivrés par le Népal. Au moins 140 l'ont été par la Chine, afin d'escalader la montagne par le flan Nord, depuis le Tibet.

Sachant que chaque titulaire de permis est accompagné, dans son ascension, d'au moins un sherpa [guide expérimenté qui accompagne les alpinistes dans les zones montagneuses de l'Himalaya, NDLR], le nombre total d'himalayistes parvenus sur le toit du monde pourrait dépasser le record, établi l'année dernière, de 807 personnes élancées sur la même voie en quelques semaines.

Conséquence de cette recrudescence d'alpinistes au cours de la haute saison, les encombrements au sommet font craindre de voir le profit l'emporter sur la sécurité.

File d'attente à 8   000   m   d'altitude

Le 22   mai, un cliché saisissant a fait le tour du monde, révélant au commun des mortels la réalité de ceux qui, embarqués dans l'ascension de l'Everest, risquent leur vie à chaque seconde dans les derniers 400   mètres d'escalade de la fameuse "zone de la mort".

Prise par l'alpiniste népalais Nirmal Purja Magal, plus connu sur Internet sous le pseudo Nimsdai, la photo montre des sportifs emmitouflés et en crampons, piétinant la pente en file indienne.

#ProjectPossible update. I summited Everest at 0530 and Lhotse at 1545 despite heavy traffic. I am now at Makalu base camp. Will be going directly for summit push from base camp. I will update once Makalu is complete. Thank you for my support especially my sponsors. pic.twitter.com/mAiLTryEln

  Nimsdai (@nimsdai) 23 mai 2019

En raison de la météo, l'ascension n'est possible que quelques jours seulement dans l'année. Provoqués par l'affluence lors des rares fenêtres météo favorables à la montée, les embouteillages forcent les alpinistes à s'attarder dans la "zone de la mort" où l'oxygène se fait rare, augmentant l'épuisement, le mal des montagnes et les risques de gelures.

"Certains grimpeurs sont morts à cause de leur propre négligence", raconte l'alpiniste indienne Ameesha Chauhan, soignée à Katmandou (Népal) pour des gelures à la main gauche. "Ils insistaient pour atteindre le sommet alors que leur oxygène s'amenuisait, ce qui mettait leur vie en péril."

L'an dernier, cinq personnes avaient perdu la vie sur l'Everest.

Niveau technique insuffisant

Comme Ameesha Chauhan, observateurs et alpinistes aguerris fustigent le grand nombre de grimpeurs au niveau technique insuffisant qui, désireux d'ajouter l'Everest à leur palmarès personnel, ralentissent les personnes derrière eux et les mettent ainsi en danger.

"J'ai eu le sentiment que l'Everest était bondé", ajoute la jeune femme de 29   ans, parvenue au sommet jeudi 23   mai. "Seuls les alpinistes avec certaines aptitudes et une certaine expérience devraient avoir un permis."

"Je n'arrive pas à croire ce que j'ai vu là-haut", raconte quant à lui l'alpiniste canadien Elia Saikaly, sur son compte Instagram. "Mort. Carnage. Chaos. Queues. Cadavres sur la route et dans les tentes au camp   4. Des gens à qui j'ai essayé de faire rebrousser chemin qui ont fini par mourir. Des gens être traînés en descente. Enjamber des corps", poursuit-il, illustrant une photo de lui après avoir gravi pour la troisième fois le sommet de l'Everest, le 23   mai dernier.

Voir cette publication sur Instagram

Summit!!! . So that was completely insane! I stood on top of the world for the 3rd time on the morning of May 23rd, 2019. More importantly, we all made to the summit and back, safe. . I have a lot to say and share. I cannot believe what I saw up there. Death. Carnage. Chaos. Lineups. Dead bodies on the route and in tents at camp 4. People who I tried to turn back who ended up dying. People being dragged down. Walking over bodies. Everything you read in the sensational headlines all played out on our summit night. . On a more positive note: The 4 Arab women, totally crushed it up there. How you climb is as important that you climb and they all graciously made it to the top of the world. . I shot it all. And I mean all of it. The 'Dream of Everest' is going to be a heck of a ride of a documentary. I pushed myself as hard as I could and never stopped filming. I even jumped up on the knife edge ridge to get the shots of the team on the Hillary Step. It was crazy, over 200 people climbing that night, but totally under control and I can't thank @sherpapk enough for keeping up with the shooting pace and honestly, for keeping me alive by being my safety rigger and climbing partner. I love you man. . To all the Sherpas, my personal Sherpa team, the guides at Madison Mountaineering - all of this is possible because of you. We are nothing without you and all summits are possible because of you. ???????? . I'm down. I'm safe. And there is a lot more to come! . Totally wild adventure! So grateful to be back at basecamp. . @monakshahab @nellyattar @joyceazzam7s @alharthynoor - SO PROUD of what you've all accomplished. No one supported us with this documentary. No one. And we made it happen. Thank you for trusting me with your stories. The best is yet to come! . #Everest #Summit #topoftheworld #8848 #Everest2019

Une publication partagée par Elia Saikaly (@eliasaikaly) le 25 Mai 2019 à 1 :32 PDT

Les critiques à l'égard des alpinistes insuffisamment chevronnés se sont accentuées ces dernières années avec l'émergence d'agences d'expéditions bon marché qui permettent à n'importe qui de s'offrir le toit du monde pour moins d'un tiers de ce que facturent les opérateurs réputés.

Malgré les dangers, l'Everest continue de fasciner. Jeudi 24 mai, un an et demi après son sauvetage hors norme dans l'Himalaya, Élisabeth Revol est devenue la première Française à reussir son ascension sans oxygène.

Avec AFP